Tenaillée entre les communes de Méouane et de Koul, la commune de Ngaye Mékhé étouffe, selon son maire. Pour le Dr. Maguette Wade, l’Etat du Sénégal doit intervenir pour permettre à Ngaye, une ville stratégique dans l’économie nationale, de jouer correctement son rôle. Dans cet entretien, le maire de Ngaye invite l’Etat à redécouper le territoire à travers l’acte IV puisque plusieurs villes ont ce même problème. Il a abordé aussi le retard dans le versement du PACASEN par l’Etat qui, pour lui, est une catastrophe nationale, territoriale et économique. Le maire est aussi revenu sur l’aménagement de la commune avec les réalisations de promovilles
Quels sont les projets que compte réaliser Promoville pour renforcer l’aménagement à Ngaye Mékhé ?
Promovilles va nous faire des routes, le palais de la jeunesse que nous appelons le centre socio-éducatif. C’est un projet qui devait être financé par Saint-Dié des Vosges, en France, avec l’agence française de développement (AFD). Mais Saint-Dié Vosges m’a dit, je vais vous faire un palais de la jeunesse à 120 millions mais nous pouvons aussi mobiliser un projet de 1 milliard pour la construction d’une décharge normée. On a évidemment choisi le projet de gestion intégrée des déchets qui, sur trois ans (2022-2025), avoisine presque 1 milliard 300 millions. Aujourd’hui, nous sommes seuls au Sénégal, à part Nguéniène, à disposer de dépôt d’ordure normé. Alors, il y a les adversaires politiques qui pensent qu’un dépôt normalisé c’est des bâtiments, c’est un immeuble.
Un dépôt normalisé, c’est un dépôt écologique où il y a des casiers où on dépose des ordures. Ce n’est pas du ciment. Il y a du ciment certes mais il y a beaucoup de travail. En effet, les ordures quand on les dépose, elles dégagent de l’acide qui est toxique et qui va au niveau de la nappe phréatique. Donc maintenant, avec ces dépôts normés, l’acide est récupéré dans un autre bassin. Ainsi, la nappe phréatique n’est plus contaminée. C’est pour cela que tout autour, le site doit être sécurisé, avec des barrières et un gardien en permanence. Il y a également une piste où la voiture peut entrer, déposer les ordures, faire une rotation et ressortir. Nous sommes très fiers d’être l’une des rares communes du Sénégal, avec Nguéniène, à disposer ce dépôt normé.
C’est pourquoi nous voulons, à terme, éliminer les dépôts d’ordures sauvages qui existaient à Méckhé. Nous allons enfouir les ordures à Ndiop, l’actuel site de dépôt d’ordures sauvages et le fermer. Il va devenir un parc d’attractions. On va fermer également les carrières de sable. Il fallait les carrières pour construire la ville. Ce que nous avons prévu, c’est de fermer l’ancienne carrière et l’utiliser en y aménageant un forage pour en faire une zone agro écologique. Donc, voilà ce que nous voulons faire au niveau de Méckhé. Nous avons tous les pouvoirs du conseil municipal, à l’issue du vote de toutes ces autorisations, lors de la session ordinaire du 4 octobre dernier.
Vous ne cesser de dénoncer la taille de Mékhé, coincée entre de grandes communes comme Koul et Méouane. Vous dites souvent que Ngaye étouffe malgré sa position géostratégique. Quelle solution préconisez-vous ?
Il faut savoir que la terre appartient à l’État. C’est l’État qui est propriétaire de la terre. On ne peut pas dire qu’un État est injuste mais il peut être mal regardant pour être beaucoup plus diplomate. En 1966, on était à peu près 4 000 habitants, en 2025, nous sommes 35 000. Nous sommes un poumon économique pour la croissance nationale. Nous avons 1 400 ateliers de production artisanale dont 400 ateliers de cordonnerie. Nous sommes la capitale sénégalaise de l’artisanat. Nous sommes à une position géostratégique unique. Au beau milieu de l’axe Dakar-Saint-Louis.
A 125 kilomètres de Dakar, 137 de Saint-Louis, 110 kilomètres de Touba, qui est la ville la plus économique du Sénégal à part Dakar. Nous sommes à 78 kilomètres de Fatick, en passant par Bambey. Nous avons une sortie par Baba Garage pour aller sur Touba. Nous sommes cerclés par les deux autoroutes. A 4 kilomètres de la nouvelle autoroute Dakar-Saint-Louis. Et nous avons accès à l’autoroute ILLA Touba. Nous sommes adossés sur les terres les plus fertiles du Sénégal, les Niayes et sur le deuxième port de pêche du Sénégal, Fass boye.
Donc, nous sommes une ville de commerce et nous étions la capitale du bassin arachidier du Cayor. Nous avions, ici, en 1960, deux usines de décorticage d’arachide, la seule commune à préserver sa gare. Et c’est pourquoi la Grande Côte Opération qui exploite les Zircons ont un stationnement technique à Ngaye Mékhé. Donc, aujourd’hui, nous devons être un département de la corne du Cayor. Mais, malheureusement, parfois, les gouvernants, depuis Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade, et même peut-être aujourd’hui, il y a des gouvernants qui ne connaissent pas le pays. Des dirigeants qui ne connaissent pas la position stratégique de Ngaye.
Et là, vous souhaitez vivement qu’avec l’acte IV… ?
Mais l’acte IV doit nous consacrer département. Département de la Corne du Cayor. La Corne du Cayor, on l’appelle le Cayor des profondeurs, c’est de Ngaye, en passant par Pire, Méouane, Mérida-Dakhar, jusqu’à Ngandiouf. Vous avez le phosphate en Ngandiouf. Vous avez la production de maïs, de mines et d’arachides entre Niakhene, Pekesse et Dinguiraye. Vous avez le phosphate à Baba Garage. Vous avez le projet de l’UMOA Dior dans Mérida-Dakar. Nous sommes sur l’axe du développement de l’énergie solaire, nous sommes là où il y a le rayonnement solaire le plus dense, attesté par les experts internationaux de l’Amérique et de l’Europe.
C’est pourquoi nous avons deux centrales solaires. Quand on dit l’axe, nous sommes sur le territoire, ce n’est pas la commune de Ngaye. On ne raisonne plus en termes de commun. C’est Nganjouf, c’est Mérida-Dakar, c’est toutes ces communes du cayor. Donc, aujourd’hui, Ngaye Mékhé doit jouer sa partition. Et nous avons le savoir-faire, nous avons une population jeune.
Et donc, pour vous, c’est anormal qu’on parle de limites géographiques ?
C’est injuste. Ce n’est pas normal. C’est injuste. J’en parle régulièrement. Et si le gouvernement maintient cette situation en l’état, c’est injuste. L’acte III a consacré les anciennes communautés rurales en communes de plein exercice, l’acte IV doit corriger cette injustice. Mais pourquoi moi je ne sais pas où je m’arrête. Koul ne sait pas où il s’arrête. Méouane ne sait pas où il s’arrête. Et pour aller à Méouane, il faut des centaines de kilomètres. Ils ont des milliers d’hectares non exploités et ils viennent se soigner chez moi.
D’où viennent ces limites ?
C’est des limites coloniales. Moi, mes limites, c’est en 1911. Mais, on devrait même, sur la base du patriotisme, sur les équilibres que prône le gouvernement actuel, revoir ces limites. Pourquoi devons-nous marcher sur des limites de 1960 ? Pourquoi ? Si nous voulons être indépendants, si nous voulons nous assumer, on doit reconsidérer nos limites géographiques. Et c’est ça l’indigénisation. On demande au Premier ministre, Ousmane Sonko, nous, nous sommes des patriotes. Moi, j’ai laissé mon job 6 ans avant et je suis venu servir ce peuple-là. Et j’avais un salaire qu’un ministre ne touchait pas. On demande donc qu’on révise les limites. Pourquoi on ne donne pas à Ngaye la même surface de terre pour qu’on soit d’égale dignité ?
Est-ce que les pôles territoires ne pourraient pas régler tous ces différends ?
L’État peut régler tout ce qu’il veut. La terre appartient à l’État. Si l’État dit qu’il doit détruire demain la mairie Ngaye pour construire autre chose, on serait obligé de partir. La terre appartient à l’État. C’est à l’État de définir les limites de la commune de Ngaye. Quand le président Wade a voulu élargir Tivaouane, il a amputé Cherif Lo, Pire, Taiba Ndiaye et Pambal par un décret présidentiel. Quand Macky Sall a voulu élargir Jaxaay, il l’a fait. Quand il a voulu élargir Sangalkam, il l’a fait. Nous demandons au président Bassirou Diomaye Faye, qui est conscient de la place de Ngaye dans le dynamisme économique de notre pays, au premier ministre, Ousmane Sonko, qui a lui aussi reconnu le dynamisme de Ngaye et aux cadres d’aider le gouvernement à découper.
Ce que je dis, c’est valable pour le Rufisque, pour Diourbel, de Fatick, Kaolack et Saint-Louis. Il faut que l’acte 4 redécoupe le territoire. Et que ce gouvernement que je vois beaucoup moins politicien doit pouvoir prendre le courage de redécouper ce territoire. Sinon, nous, nous programmons notre mort. Nous avons une densité de population à la chinoise. Il y’a des maisons de 150 mètres carrés, on a huit pères de familles, des concessions. Donc, ce n’est pas un cri de cœur, c’est un appel à la raison.
Est-ce que l’intercommunalité ne peut régler ces problèmes de limites géographiques ?
L’intercommunalité est inéluctable mais elle ne règle pas les problèmes de territoire. On a fait ici, le projet intégré du Cayor, avec Aymérou Gningue comme président et moi secrétaire général, mais la politique s’y est mélée et cela à voler en éclats. J’ai reçu ici, les maires de Méouane et de Koul, donc nous savons que l’intercommunalité est inéluctable mais elle ne règle pas de problème de territoires. C’est une sorte de fuite de responsabilité et même si l’État le fait c’est fuir la responsabilité. Mais la santé, c’est intercommunal parce que c’est moi qui finance le centre de santé est c’est tout le monde qui se soigne ici à Mékhé. 70% des malades ne viennent pas de Ngaye Mékhé.
L’éducation, j’ai 11 écoles élémentaires, trois collèges et un lycée, deux instituts franco-arabes, deux établissements privés, deux garderies d’enfants, les 60% ne sont pas de Méckhé. Ensuite, le marché hebdomadaire du lundi, 75% des vendeurs ne sont pas de la commune. Alors, qui est plus intercommunal que moi. Mais nous, nous ne sommes pas d’accord sur les limites qu’on a imposé à Ngaye et je le dis tout haut. Si on doit déménager pour cela, on le fera. Nous, nous sommes prêts à mourir puisque nous sommes programmés pour mourir, faisons-le tout de suite, parce que nous n’avons plus d’espace pour vivre ni pour mener nos activités. C’est important ce que je dis, on a atteint la limite de cri de détresse et que nous sommes dans une autodestruction programmée.
Vous parliez tout à l’heure de de santé, Ngaye a besoin de l’hôpital de niveau 2 ?
Alors, ce que j’ai dit, on avait programmé de construire un hôpital de niveau 2, mais on n’avait pas d’espace. On a besoin de 5 hectares. Koul a accepté de nous donner les 5 hectares. Cela fait cinq ans. Ils ont délibéré mais ce que je demande au maire, c’est l’acte de délibération. A chaque fois qu’on lui demande, il me renvoie à un autre jour. Finalement, j’ai compris. D’ailleurs, les choses ont changé avec la construction de l’hôpital Seydi El hadji Malick Sy de niveau 3 qui est international. Ce qui veut dire que Tivaouane n’a plus besoin d’un hôpital de niveau 2, c’est Ngaye qui doit abriter le niveau 2 et l’hôpital Mame Abdou doit redevenir un centre de santé. C’est l’appel que nous lançons à l’Etat.
Par rapport au PACASEN dans certaines communes il y’a des retards dans le décaissement, à Ngaye Mékhé quelle est la situation ?
Le fait que l’État ne verse pas le PACASEN, c’est une catastrophe nationale, territoriale et sur le plan du développement économique. On connaît les problèmes de l’État, il n’y a pas d’argent, il y’a des difficultés mais il y’a des choses qui ne se négocient pas. Le PACASEN est financé par l’AFD et la Banque mondiale. Des bailleurs de fonds respectés et respectables et qui nous jugent, qui jugent notre pays. C’est le citoyen qui parle, ce n’est pas le maire et moi je reste un agent de la banque africaine de développement à vie. Donc je sais de quoi je parle parce que nous donnions les orientations de développements à l’AFD.
L’État comme les bailleurs, ont des capacités d’absorption des ressources qui sont à leur disposition. Mais l’Etat du Sénégal si je lui donne des fonds qu’il ne peut pas absorber mais c’est une catastrophe alors que les projets sont disponibles au niveau des maires. La banque mondiale a décaissé, ce que l’état donne sur les 247 milliards, il y’a des communes pilotes avec 128 milliards, nous sommes parmi les meilleurs même si nous recevons la plus petite somme 86 millions alors que des communes comme Dakar et Thiès attendent deux milliards. Ce qu’on demande c’est que l’État trouve l’argent pour qu’on puisse poursuivre nos projets. Partout les travaux sont bloqués à cause de ces retards de décaissement.
A Méckhé quels sont les projets concernés par ce blocage ?
A ngaye, ce sont les travaux du stade qui sont bloqués. On a donné une bonne avance et si l’état décaisse le PACASEN, les travaux seront bouclés avant Décembre prochain. D’ailleurs pour cette année, il n’y a pas de navétane parce que le stade est fermé. Pourquoi le stade est utile ? Nous sommes dans une ville où il y a plus de 4500 ouvriers, s’ils doivent aller au stade à 16 heures c’est une perte économique.
Donc nous nous sommes dit, il faut des projecteurs et du gazon afin de pouvoir jouer la nuit. Ce qui permettrait aux ouvriers de travailler l’après-midi jusqu’à 19 heures et d’aller tranquillement suivre les matchs la nuit. Donc, pour nous le stade n’est pas du cosmétique, c’est un besoin économique pour une capitale économique qui aspire à devenir le booster d’une croissance nationale.
En plus, il y’a les jeux olympiques de la jeunesse et les stades de ngaye, de Tivaouane, de Khombol doivent pouvoir servir pour les entraînements des athlètes. Notre stade est multifonctionnel avec un terrain de basket, de handball, avec une ville attrayante et touristique. Les organisateurs nous ont même dit qu’il se pourrait qu’il y’a un village olympique à Ngaye. Voilà pourquoi nous avons besoin de cet argent. D’ailleurs, nous sommes en train de chercher des moyens pour boucler les travaux du stade. Il nous faut le stade avant fin premier trimestre 2026 parce que nous nous positionnons par rapport aux jeux olympiques.
Propos recueillis par Ibrahima NDIAYE Correspondant