Militante de la première heure du Parti socialiste, Fatoumata Ka a réussi son ascension et marqué son empreinte dans la vie politique sénégalaise. Elle s’est distinguée par son élection aux postes de première vice-présidente de l’Assemblée nationale et de maire de la commune de Diourbel, devenant ainsi la première femme maire au Sénégal. Décédée le 8 août 1992, Fatoumata Ka a suscité des vocations grâce à son parcours resté gravé dans les annales de l’histoire politique sénégalaise.
Fatoumata Ka a inscrit son nom dans les annales de la scène politique sénégalaise. Elle fait partie des premières femmes à militer dans un parti politique après l’indépendance du Sénégal. Militante de l’Union progressiste sénégalaise (Ups) puis du Parti socialiste (Ps), elle a appris la politique aux côtés de grandes figures de l’État comme le premier président de la République du Sénégal, Léopold Sédar Senghor, et les anciens Premiers ministres Abdou Diouf et Moustapha Niasse. Son parcours et sa détermination ont inspiré plusieurs femmes à s’engager en politique. La féminité n’a jamais été un frein pour Fatoumata Ka. Native de Diourbel, elle a connu une ascension fulgurante dans un contexte peu favorable au leadership féminin (avant l’entrée en vigueur de la loi sur la parité). Son engagement et ses sacrifices lui ont valu de grands succès, notamment son élection comme députée à l’Assemblée nationale à deux reprises, en 1983 et en 1988. Après son accession au pouvoir législatif, cette institutrice de profession ne s’est pas arrêtée là.
Elle s’est imposée au sein de l’hémicycle et fut élue première vice-présidente de l’Assemblée nationale en 1984, derrière Daouda Sow. Elle fut reconduite à ce poste en 1988, sous le magistère d’Abdoul Aziz Ndaw.
Une ascension remarquable
Fatoumata Ka a également réussi la prouesse d’être la première femme sénégalaise élue maire d’une commune. Elle fut portée à la tête de Diourbel à l’unanimité des 37 conseillers municipaux. « Le choix d’une femme à la tête d’une ville comme Diourbel constitue à mes yeux un test qui doit être possible », avait-elle déclaré à l’issue du vote. En véritable leader, Fatoumata Ka invita les femmes investies dans les bureaux des conseils municipaux à être des exemples, des modèles dans leur vie morale, intellectuelle et politique, afin que l’intégration des femmes devienne une réalité, conformément aux recommandations du chef de l’État Abdou Diouf qui, depuis 1981, n’a cessé de promouvoir leur participation. Généreuse et effacée Fatoumata Ka a dirigé la municipalité de Diourbel pendant six ans (1984-1990), mais son bilan matériel reste limité. Samba Awa Ndiaye, président du Réseau des communicateurs traditionnels de Diourbel, explique que le maire de l’époque était handicapée par la réforme de 1970 instituant un bicéphalisme à la tête des mairies. Cette modification confiait le budget et la gestion du personnel à un administrateur civil nommé par l’État, et les délibérations au président du Conseil municipal.
« À cette époque, il était difficile pour les maires de construire des infrastructures parce qu’ils ne géraient pas le budget des mairies. C’est ce qui a motivé le président Abdou Diouf à supprimer cette loi afin de rendre aux maires élus leur autonomie », a-t-il précisé. Le parcours de Fatoumata Ka reste gravé dans la mémoire de la capitale du Baol. Son nom résonne toujours dans sa ville natale grâce à la reconnaissance et aux hommages que la population lui a rendus. Son successeur à la mairie de Diourbel, Jacques Baudin, a pris l’initiative de l’immortaliser en donnant son nom à la salle de réunion du conseil municipal. Les autorités académiques de Diourbel l’ont également désignée marraine d’une école maternelle publique. Aujourd’hui encore, l’ancienne vice-présidente de l’Assemblée nationale est citée en modèle par de nombreux politiciens.
Fatou Seck, ancienne adjointe au maire de Diourbel, témoigne : « Elle a été à l’origine de mon engagement au Parti socialiste. Elle a fait le même travail de sensibilisation au niveau local et au plan national. Elle était animée par le désir de rendre les femmes autonomes, en insistant sur le développement et le social ».
Une référence pour les anciens
Décrite comme une femme généreuse, discrète et effacée, Fatoumata Ka faisait preuve d’humilité. Selon Samba Awa Ndiaye, elle n’hésitait pas à déléguer une partie de ses pouvoirs de maire et de présidente de la coordination départementale du Parti socialiste à ses collaborateurs Nar Fall et Cheikh Fall. Ses activités ne se limitaient pas à la politique : elle œuvrait également dans le développement à travers le financement de projets féminins.
« Elle a soutenu plusieurs groupements de femmes pour leur permettre de développer leurs activités », témoigne Fatou Seck, ancienne agente de la Sonacos de Diourbel. Le parcours exemplaire de cette femme politique aurait pu être davantage connu au Baol et au Sénégal, mais la léthargie de l’organisation politique (Parti socialiste) à Diourbel n’a pas contribué à la mise en valeur de son héritage.
Fatoumata Ka reste néanmoins une référence pour les anciens. Née le 14 août 1938 à Diourbel, elle commença ses activités politiques à 22 ans (1960), en intégrant le Mouvement des jeunes féministes de l’Union progressiste sénégalaise (Ups), dont elle devint plus tard vice-présidente. Après la création du Parti socialiste en 1975, elle devint successivement présidente du mouvement communal des femmes de Diourbel, vice-présidente du conseil municipal de Diourbel et membre du comité central du parti en 1976. Le président Léopold Sédar Senghor la nomma chargée de mission au palais de la République en 1978. Elle y travailla pendant cinq ans (1978-1983).
La Diourbelloise fut ensuite investie aux élections législatives de 1983 par le Parti socialiste. Institutrice de profession, Fatoumata Ka servit à l’école des filles 1 (actuelle Mame Diarra Bousso) comme maîtresse, puis directrice. Mais, ses responsabilités politiques et nationales l’éloignèrent des salles de classe. Elle succéda aussi à Caroline Faye à la présidence du Mouvement national des femmes socialistes. Elle n’a pas eu l’occasion d’achever son deuxième mandat de députée (1988-1993), ayant été rappelée à Dieu le 8 août 1992. Elle fut inhumée au premier cimetière de Touba. Épouse d’un capitaine de l’armée décédé en mission, Fatoumata Ka a laissé deux filles : l’une travaille aux Nations unies et l’autre vit à Dakar. Depuis sa disparition, sa famille et ses proches perpétuent son œuvre en célébrant chaque année l’anniversaire de son décès à Diourbel.
Par Oumar Bayo BA (Correspondant)