A 73 ans, le vétéran de la politique François Bayrou accède au poste de Premier ministre, enfin récompensé pour avoir aidé Emmanuel Macron à devenir chef de l’Etat en 2017, après une carrière vouée à incarner un improbable « centre » politique en France.
Trois fois candidat malheureux à l’élection présidentielle (en 2002, 2007 et 2012), M. Bayrou, fils d’agriculteurs, avait renoncé à se représenter une quatrième fois en 2017 pour soutenir un jeune ministre ambitieux encore méconnu nommé Emmanuel Macron.
« Vous n’avez pas l’âge qu’il faut, mais ça ne fait rien. Si vous pouvez réussir là où j’ai échoué (…) je vous aiderai », dit alors M. Bayrou à son cadet de 26 ans.
Son protégé élu, François Bayrou devient ministre de la Justice. Il ne reste cependant en poste que 34 jours, contraint à démissionner en raison d’une enquête sur des soupçons d’emplois fictifs d’assistants parlementaires au Parlement européen au profit de son parti, le MoDem.
Si la formation centriste a été lourdement condamnée en février, son fondateur a été relaxé, une décision contre laquelle l’accusation a toutefois fait appel.
C’est pour un soupçon identique d’emplois fictifs au Parlement européen qu’une peine d’inéligibilité de cinq ans a été requise contre la cheffe de l’extrême droite française Marine Le Pen, mettant en péril ses ambitions présidentielles. La justice rendra sa décision en mars dans ce dossier.
Depuis son passage météorique au gouvernement, François Bayrou jouait auprès de M. Macron un rôle informel mais crucial. Systématiquement consulté, il bénéficiait d’une assez large liberté de parole : il a notamment critiqué l’adoption au forceps en 2023 d’une réforme du régime des retraites, aussi centrale pour le président français qu’impopulaire.
Né dans le village de Bordères (sud-ouest) le 25 mai 1951, M. Bayrou est aussi fier de ses racines rurales — il posait au volant d’un tracteur lors de sa campagne présidentielle en 2007 — que de son ancrage dans le Béarn. Il est depuis 2014 maire de Pau, la capitale de cette terre d’agriculture et de gastronomie bordée par les Pyrénées.
Henri IV
C’est d’ailleurs au Béarnais le plus célèbre de l’histoire de France — le roi Henri IV, assassiné le 14 mai 1610 à Paris par un fervent catholique lui reprochant sa tolérance à l’égard des protestants — que François Bayrou, agrégé de lettres classiques, a consacré une biographie.
Lors de la passation de pouvoirs vendredi soir, M. Bayrou n’a pas manqué de relever ce clin d’oeil de l’Histoire: il devient chef du gouvernement le jour anniversaire de la naissance d’Henri IV, né au château de Pau le 13 décembre 1553. Un roi qu’il qualifie de « vrai ami » et dont il veut s’inspirer pour oeuvrer à la « réconciliation » des Français.
En matière d’histoire politique contemporaine, M. Bayrou est connu en France pour avoir défendu contre vents et marées l’idée d’un « centre » politique indépendant, dans un pays traditionnellement clivé entre droite et gauche.
Il est réputé avoir une assez haute idée de sa personne, dans une classe politique déjà peu portée à la modestie.
A propos de son éventuelle accession au poste de Premier ministre, il faisait référence en 2022 à l’homme d’Etat Georges Clémenceau, surnommé « le père de la victoire » après qu’il fut devenu une seconde fois chef du gouvernement en 1917 et qu’il eut réussi à remotiver les troupes françaises embourbées dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, face à l’Allemagne.
« Quand ils sont venus le chercher (en novembre 1917), il avait 76 ans et il a sauvé le pays », avait-il commenté.
Marié et père de six enfants, le Béarnais, qui a longtemps souffert de bégaiement, fait ses premières armes comme militant pour le président centriste Valéry Giscard d’Estaing. Il est de 1993 à 1997 ministre de l’Éducation, d’abord dans le contexte tendu d’une cohabitation entre un gouvernement de droite et le président socialiste François Mitterrand.
« Un bègue aussi éloquent, un centriste aussi ferme, un catholique aussi laïque, François Bayrou sera un jour un redoutable candidat à l’élection présidentielle », avait relevé M. Mitterrand.
Nettement plus critique, un des récents ministres de l’Education, Jean-Michel Blanquer, a pour sa part étrillé la « vanité du personnage » qui privilégie « le verbe plutôt que l’acte, l’apparence plutôt que la réalité ».
M. Bayrou a en tout cas été constant dans son souci d’émanciper le centre de la tutelle de la droite. Il a refusé de soutenir le candidat de droite Nicolas Sarkozy entre les deux tours de la présidentielle de 2007. En 2012, il accorde même son appui « personnel » au candidat socialiste François Hollande face au même Sarkozy.
AFP