Au même moment où les accusations fusaient de partout pour pointer l’implication du Rwanda sur la crise sécuritaire qui sévit actuellement dans l’est de la République démocratique du Congo (Rdc), des militaires rwandais s’apprêtaient à être déployés au Mozambique dans le cadre d’un accord bilatéral. Ce n’est pas seulement dans ce pays sujet à une insurrection jihadiste dans la région du Cabo Delgado riche en hydrocarbures où le major français Total Energies exploite un champ gazier, l’un des plus importants de son portefeuille, où l’armée rwandaise a établi ses quartiers. Elle s’était aussi exportée en Centrafrique avec des milliers de soldats d’abord dans la force onusienne, la Minusca et les autres suite à un accord aussi bilatéral. En Afrique de l’ouest aussi, loin de sa zone d’influence immédiate, le Rwanda était en pourparlers avec le Bénin pour un renforcement de leur coopération militaire. Ainsi, depuis plusieurs années, le Rwanda, entouré de géants démographiques et géographiques, a su développer une politique étrangère basée sur l’exportation de sa force militaire jugée « disciplinée et efficace » eu égard aux résultats obtenus au Mozambique et en Centrafrique. Tout en exportant son savoir-faire militaire, le Rwanda a intégré un package économique dans ses déploiements dans les théâtres de conflit avec un véritable écosystème d’entreprises allant de l’exploitation minière aux Btp dans tous ces pays. Cela ne fait que ressurgir les vieilles amours du dirigeant rwandais Paul Kagamé. Chef de guerre durant la rébellion tutsie, marqué par le génocide de 1994, il a pris le pouvoir suite à une guerre éclair partie de l’Ouganda voisin. Malgré sa réputation de bâtisseur d’une nation longtemps contestée, l’homme fort de Kigali reste un chef de guerre incontesté, comme il l’a été auparavant. Cette version du hard power rwandais a été ainsi édulcorée dans une autre approche sur un terrain naturel du soft power qui est le sport. En plus d’accueillir de grandes compétitions africaines, surtout de basket continental ou de clubs, le Rwanda a su floquer sur beaucoup de maillots de grandes équipes européennes comme Arsenal, le Psg ou le Bayern de Munich. Un branding de « Visit Rwanda » qui a permis à ce pays de se positionner comme une puissance dans la région des Grands Lacs. C’est fort de tous ces atouts que le Rwanda s’est employé à trouver des sorties de crises dans les conflits qui assaillent l’Afrique orientale, centrale et australe, supplantant le parrain naturel de ces zones qu’est l’Afrique du Sud. Cette querelle de leadership se voit ainsi dans les positions de l’Afrique du Sud qui, en dépit du décès d’une quinzaine de ses soldats, a pris la décision de relever son niveau de participation dans les deux missions militaires internationales, la Monusco et la Samirdc, qui sont actuellement déployées en République démocratique du Congo. En tout état de cause, il sera difficile de rattraper le Rwanda qui, de par ses grands investissements sur le hard et soft power en Afrique centrale, orientale et même australe, s’est positionné comme un acteur incontournable de stabilité régionale, mais en même temps comme un acteur de déstabilisation. Son implication dans la tension sécuritaire dans la région voisine de l’est de la Rdc attestée par plusieurs rapports des Nations unies n’a rien entamé au capital influence de ce pays sur la scène africaine et internationale. Il reste que la région des Grands Lacs, une zone anxiogène en permanence est aussi aux confluences des divergences communautaires qui sont les tares de l’État post-colonial africain. Cette résurgence de l’actuelle crise est aussi un prolongement de la guerre de 1994 au Rwanda avec les mêmes groupes communautaires qui se sont fait face. Il sera ainsi salutaire d’arrêter ces vieilles amours et querelles de leadership dans la région des Grands Lacs avant que la situation humanitaire ne se dégrade davantage…
Par Oumar NDIAYE
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