Nouvellement installée, la présidente du Conseil de surveillance de l’Agence de développement local (Adl), Khadija Mahecor Diouf, estime que la décentralisation doit être revue et réformée au plus vite. En effet, les collectivités territoriales sénégalaises restent encore faibles et la plupart sont incapables de satisfaire les besoins des populations.
Récemment, vous avez été installée comme présidente du conseil de surveillance de l’Agence de développement local (Adl). Quelle orientation comptez-vous donner à votre nouvelle mission ?
Je remercie d’abord le président de la République pour le choix porté sur ma modeste personne pour présider le conseil de surveillance de l’Agence de développement local. Je remercie aussi le Premier ministre Ousmane Sonko pour son dynamisme et surtout son amour pour les territoires. En ma qualité de maire, je suis convaincue que le développement sera local ou ne sera pas.
En effet, il s’agit aujourd’hui de pouvoir impulser le développement à la base. Il doit commencer dans les territoires et doit être porté par les communautés. Il doit aussi permettre de transformer les ressources des territoires en opportunités pour les jeunes, pour les femmes, pour les artisans, les paysans et pour toute personne. Aujourd’hui, nous engageons un virage très stratégique qui est l’érection des pôles territoires. Je félicite le ministre Moussa Balla Fofana pour l’ensemble des initiatives qu’il est en train de prendre dans le cadre des concertations avec les territoires. D’ailleurs, les concertations tournent autour du développement économique, de l’implication des populations, de la structuration mais aussi de l’innovation en prenant en compte la dimension transition écologique, transformation durable pour préparer un Sénégal où tous les territoires portent le développement.
Au-delà des pôles, que faudrait-il faire pour que notre décentralisation soit plus forte ?
Pour préparer les grandes réformes, des concertations ont été initiées par notre ministre Moussa Balla Fofana. Nous avons aujourd’hui engagé des discussions avec toutes les parties prenantes. C’est très inclusif et cela concerne l’ensemble du pays. L’objectif étant bien évidemment d’aborder les questions essentielles pour la réforme de la décentralisation. Vous n’êtes pas sans savoir qu’aujourd’hui, nous parlons de décentralisation mais, dans les faits, nous avons des communes qui ne sont pas très fortes. Aussi, nos collectivités territoriales ont-elles encore beaucoup de limites en ce qui concerne le capital humain, la fonction publique locale, etc pour pouvoir résoudre les questions à la base.
À cela s’ajoutent, des questions sur la nomenclature budgétaire, sur le transfert, sur une meilleure appropriation des compétences décentralisées. Autant de questions qui nécessitent aujourd’hui une très grande réforme de la décentralisation. Tout cela est envisagé et dans les mois qui viennent, on aura une idée claire sur toutes ces questions. On arrivera à avoir un paquet de services qui sera bien défini entre le niveau central et le niveau décentralisé.
Est-ce qu’il s’agit, selon vous, de revenir sur la communalisation universelle ?
Nous sommes convaincus que dans les semaines, voire dans les mois qui viennent, avec les grandes réflexions que nous menons, il y aura des actes qui seront posés. Je ne voudrais pas parler avant les autorités qui ont cette compétence. Ce n’est pas la mienne. Mais je reste convaincue qu’il est nécessaire aujourd’hui qu’on aborde en profondeur la viabilité de certaines communes pour redéfinir véritablement un développement pour les populations.
Justement, vous êtes aussi la mairesse de Golf Sud. Au niveau local, comment appliquez-vous cette vision du développement à la base ?
Je suis avant tout actrice de développement. J’ai défini les grandes orientations de notre politique économique en m’appuyant sur l’économie sociale et solidaire. Tout simplement parce que la commune de Golf Sud que j’ai l’honneur de servir est une collectivité territoriale très stratégique avec sa position géographique, ses potentialités, et son dynamisme économique etc. Nous avons énormément d’artisans, des groupements de femmes et d’autres secteurs d’activité s’y trouvent notamment dans le commerce, la distribution.
Notre commune est centrale dans Dakar, nous sommes à 20 minutes de toutes les communes de la région de Dakar. Donc nous sommes une commune de distribution. Ayant compris et analysé notre territoire avec ses dynamiques, nous avons commencé à structurer d’abord le réseau des artisans pour aller vers une économie solidaire. Nous avons mutualisé les acteurs de la chaîne de production. Nous les avons fait travailler ensemble pour avoir plus de marchés et plus de performance. Au niveau des groupements, nous avons mis en place le réseau des femmes leaders de la commune de Golf Sud qui est aussi une initiative économique pour permettre aux femmes de pouvoir détenir une partie de l’économie locale. Entre autres, nous avons mis en place une centrale d’achat qui sera l’outil de distribution pour ces groupements qui vont travailler sur l’ensemble des produits composant le panier de la ménagère golfoise. Cela permet de capter une partie de ce budget des ménages qui, aujourd’hui, échappe véritablement à ces femmes qui s’activent de manière très soutenue mais n’arrivent pas à générer des revenus suffisants pour assurer véritablement leur autonomie.
La culture est aussi un domaine qui vous intéresse beaucoup, pourquoi cet intérêt ?
Parce que tout simplement j’ai une commune sportive et culturelle où énormément d’acteurs ne vivent pas de leur art. Donc, il faut réfléchir pour voir comment faire pour que ce levier soit un véritable moteur de développement économique. Pour les acteurs certes, mais aussi pour que cela puisse générer des revenus suffisants afin d’assurer leur autonomie et leur dignité. Encore une fois, nous travaillons dans l’économie locale à travers des réseaux structurés en économie sociale et qui prennent en compte la dimension de la transition écologique, qui est aujourd’hui une composante sur laquelle on ne peut pas ne pas agir.
Propos recueillis par Maguette NDONG