Ce 19 mars 2025 le Sénégal se souvient de sa première alternance démocratique avec l’élection de l’opposant et avocat Abdoulaye Wade.
Élection très attendue avec huit candidats dont le sortant le Président Abdou Diouf, l’administrateur civil Moustapha Niass, Djibo Kâ, l’universitaire Iba Der Thiam et des religieux comme Ousseynou Fall et Abdoulaye Dièye cette présidentielle aura tenu toutes ses promesses.
L’opinion optait d’un rejet systématique du candidat Abdou Diouf qui totalisait vingt ans de règne marquée par un bilan économique, social mitigé symbolisé en cela par le fameux de plan d’Ajustement structurel imposé par les institutions de Betton Woods, l’année blanche de 1988, l’année invalide de 1994, la rébellion en Casamance en décembre 1982.
Bref, le régime du président Abdou Diouf partait à la conquête des suffrages des sénégalais avec un très mince espoir de rempiler pour un autre septennat (2000-2007). Les sénégalais aspiraient à un réel désir de changement facilité en cela par un pluralisme démocratique tant au plan politique avec une floraison de formations politiques dès l’arrivée du président Abdou Diouf en janvier 1981. Mais aussi au niveau des médias avec l’avènement de Stations radios q ( Sud FM et Walfadjiri FM) qui apportèrent une véritable cure et un révolution profonde surtout auprès des masses populaires.
Les conditions d’une alternance démocratique étaient bien réunies avec l’ONEL organe chargé d’organiser et de superviser les élections présidentielles de 2000, les législatives de 1998 et lef sénatoriales de1999. Un test grandeur nature pour le régime du président Abdou Diouf devenu très soucieux de l’image du Sénégal à l’international et auprès des partenaires stratégiques du Sénégal.
L’opposition s’était battu et avait obtenu la nomination d’une personnalité indépendante, en la personne du Général Lamine Cissé. Mais une personnage singulier s’est distingué lors de cette présidentielle à savoir le candidat Abdoulaye Wade.
Opposant au président Senghor qu’il a lui-même affronté dans les urnes en 1978. Il en était à son cinquième coup d’essai après les tentatives infructueuses de 1978, 1983, 1988, 1993.
Fondateur du PDS ( parti démocratique sénégalais) en 1974 considéré comme le premier parti d’opposition en Afrique. L’avènement du PDS sur la scène politique sénégalaise fut une bonne nouvelle pour la démocratie et la vitalité de celle-ci dans une période marquée par le parti unique dans la plupart des pays africains, l’apartheid avec ses ravages, le front libération de l’indépendance enclenché dans les pays lusophones et anglophones.
Qu’est-ce qui a pu fléchir la position du président Senghor jusqu’à accepter l’existence du PDS sur la scène politique sénégalaise? Des circonstances exceptionnelles ont favorisées cette nouvelle donne. De sources concordantes rapportées par Moustapha Niasse Ministre sénégalais des affaires étrangères de l’époque révèlèrent que ce dernier aurait facilité l’audience entre le président Senghor et Abdoulaye Wade en marge d’un sommet de l’OUA tenu en mai 1974 en terre somalienne notamment dans la capitale Mogadiscio. Abdoulaye Wade en homme rusé ou gagné pas par la solennité de cette entrevue aurait opté dans un premier temps pour un parti de contribution à la politique entreprise par le président Senghor à la tête du Sénégal depuis 1960 avant de se raviser plus tard en changer la ligne de sa formation politique.
Rusé et bénéficiant de quelques circonstances particulières, le PDS et son chef deviendront un adversaire redoutable au régime socialiste mais ceci bien après le départ du Président Senghor du pouvoir. La vie politique sénégalaise sera rythmée par un dualisme opposant le Président Abdou Diouf et Abdoulaye Wade. À quatre reprises avant la confrontation victorieuse de 2000, le président Diouf gagna toutes les confrontations devant son irréductibles opposant.
La plus marquante aura été celle de 1993 avec l’assassinat du juge constitutionnel Me Babacar Seye qui occasionnera l’arrestation de Me Abdoulaye Wade et de son enntrisme dans gouvernements socialiste de 1991, 1992, 1994 et 1995 en compagnie de ses plus fidèles lieutenants.
Cependant, c’est sans doute le code électoral dit « consensuel » de 1992 dont les travaux furent dirigé par le juge Keba Mbaye qui aurait facilité la première alternance démocratique en 2000. Le Président Diouf se disant ouvert à tout proposition susceptible de faire progresser le processus électoral sénégalais. C’est ainsi que sa fameuse expression « n’y changeant une virgule » au code électoral proposé par Keba Mbaye avait marqué plus d’un observateur. C’est ainsi que l’organisation des élections furent confiée à une personnalité indépendante, en la personne du Général Lamine Cissé et la mise en place d’une entité autonome dénommée ONEL chargé de superviser l’organisation de l’élection présidentielle de février 2000.
Ainsi acté, le peuple sénégalais se rend aux urnes en ce dimanche du Février 2000 pour choisir entre les huit candidats en lice le prochain président de la République pour les sept prochaines années. Après compilation de l’ensemble des suffrages valablement exprimés, le candidat sortant Abdou Diouf arrive en tête avec 42% suivi de son principal challenger Abdoulaye Wade avec 31%, le candidat Moustapha Niasse démissionnaire du parti Socialiste en juin 1999 compléta ainsi le trio de tête avec 17%.
Les dés semblaient être jetés pour la première fois le président Abdou Diouf était contraint à un second tour, où il ne pourrait pas faire le trop plein de voix. Les deux candidats arrivés en tête coururent et sollicitèrent le soutien ou le report de voix du candidat Moustapha Niasse arrivé à la troisième position avec 17% de voix.
L’enfant de Keur Madiabel devint ainsi l’homme par qui tous les sénégalais accordaient leur plus grande écoute, car sa décision de soutenir l’un ou l’autre candidat allait influencée positivement ou négativement le choix des sénégalais selon du bord politique où l’on se situait.
Dissident de sa formation politique d’origine le PS en raison d’un divorce idéologique en ce qui concerne l’orientation politique notamment sa structuration avec le fameux congrès sans débat de 1996, Moustapha Niasse prenait ainsi ses distances avec Abdou Diouf et ses camarades socialistes en lançant en juin 1999 l’appel de l’Espoir. Il trouvera un échos favorable auprès d’une bonne frange des électeurs sénégalais qui accordaient ainsi à l’Afp une place honorifique de troisième position en seulement six mois d’existence derrière les dinosaures de la politique sénégalaise qu’étaient les présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade.
Abdoulaye Wade partait à la conquête des suffrages des sénégalais avec la coalition dénommée CA 2000 regroupée autour de Amath Dansokho, Abdoulaye Bathily, Landing Savané en plus des personnes indépendantes issues de la société civile.
Le second tour du 19 mars sonna comme un référendum contre la politique du président Abdou Diouf avec un plébiscite de 58% en faveur du candidat Abdoulaye Wade sans doute la longue durée du parti socialiste au pouvoir combiné en cela au manque d’espoir des Sénégalais, l’essoufflement de ces derniers, leur volonté de changement mais surtout le report de voix automatique du candidat Moustapha Niasse à Abdoulaye Wade auront favorisé les conditions d’une première alternance démocratique au Sénégal.
Le Sénégal venait de démontrer à la face du monde sa maturité démocratique et la grandeur de son peuple. Désormais, le Sénégal allait devenir l’attraction et le sujet de discussion à travers le continent et ailleurs dans le monde.
Une page de l’histoire du pays a été fermée, et une toute autre ouverte avec l’arrivée au pouvoir du président Abdoulaye Wade qui inspirera sans doute d’autres hommes politiques, en quête d’une conquête démocratique du pouvoir dans leurs pays. Le Sénégal devenait désormais une vitrine démocratique qui inciterait aux autres pays du continent africains la culture démocratique, la conquête libre et transparente du pouvoir au détriment des coups d’État ou bien le recours aux régimes dictatoriaux.
La marche a été certes haute, mais c’était le prix à payer afin d’honorer notre rang dans le monde et il fallait infailliblement bien tenir notre place de prestige que nous conféraient notre passé, la sagesse de notre classe politique et la maturité du peuple sénégalais.
Vive le Sénégal!
Vive la démocratie!
Vive le peuple sénégalais!
El Hadji Cheikh Ibra Faye