«Sarkozy est définitivement entré dans l’histoire », lit-on depuis sa condamnation et son incarcération effective depuis avant-hier, mardi 21 octobre. Cette ironie est en allusion à son discours dit de Dakar prononcé le 26 juillet 2007 dans la capitale sénégalaise. Un discours dans lequel, en effet, il proclamait que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire » et qui avait suscité de vives réactions. Cette déclaration, faite à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, avait été perçue comme « stéréotypée » et « condescendante ».
Écrit par son conseiller Henri Guaino, lui-même condamné dans la même affaire qui vaut à l’ancien président français ses déboires actuels, le discours de Dakar était également revenu sur des « thèmes de la colonisation, affirmant que le passé ne devrait pas être effacé, mais que les générations actuelles ne devraient pas être tenues pour responsables des fautes de leurs ancêtres ». S’il ne faut jamais se délecter du malheur des autres, il faut relever que la condamnation à cinq ans de prison pour « association de malfaiteurs » dans l’affaire du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007 est intimement liée à l’Afrique, eu égard à ce que l’ancien guide libyen, Mouammar Khadafi, a représenté pour le continent, mais surtout la fin de son long règne de 41 ans et l’implication de la France, Sarkozy particulièrement, dans sa chute en juillet 2011.
Une mort survenue certes dans le prolongement du « Printemps arabe », un moment fort de contestation populaire. La répression qui s’en est suivie s’est rapidement transformée en insurrection armée, puis en guerre civile qui divise encore la Libye.
De nombreux Africains en veulent au président Nicolas Sarkozy d’avoir aidé à la liquidation du défunt guide libyen, et conséquemment, au démantèlement de l’arsenal militaire libyen. Et depuis cette « catastrophe », un large boulevard de circulation d’armes, de munitions s’est ouvert sur l’Afrique, transitant entre des mains « jihadistes », de militaires, de populations civiles… faisant de nombreux pays sub-sahariens un champ de détonations et de vulnérabilités certaines.
Aux nombreux coups d’État militaires s’est rajoutée une insécurité réelle pour la circulation des populations et des biens au plan terrestre. Pour la Libye, ce beau pays où il faisait beau vivre avec un niveau de vie très accessible, des infrastructures modernes et une prise en charge des populations (éducation, santé, travail…) et que nous avons eu la chance de visiter en avril dernier, le pays renvoie les stigmates de blessures de guerre difficiles à cicatriser et d’une division actée. Et pourtant, il semble que ce soient 5 minutes de tête-à-tête entre Sarkozy et Khadafi, en 2005, sous la tente géante plantée par le guide libyen en plein cœur de Paris qui sont à l’origine des problèmes de Sarko.
Alors ministre de l’Intérieur, l’actuel prisonnier sollicitait l’aide de Khadafi pour sa candidature à la présidentielle de 2007. Ce dernier demandera un retour d’ascenseur pour son ancien chef des renseignements Abdallah Sanoussi, dans les geôles françaises puisque condamné à la réclusion criminelle à perpétuité dans l’affaire du détournement, en 1989, du vol d’un avion DC10 de la compagnie Uta qui avait fait 170 morts dont 54 Français.
Il est vrai que la vertu n’est pas le fort des politiques et que Sarkozy n’est pas le premier ni le dernier dirigeant ou président à connaitre des déboires judiciaires (les condamnations des présidents Lula, Dilma Roussef, Kabila fils, les affaires Trump…), mais les Africains ne vont pas trop s’apitoyer, encore moins s’attrister de la condamnation du président Sarkozy. À moins d’être comme ce frère ivoirien qui, dans une vidéo devenue virale, déclame son amour pour Sarkozy et pleure à chaudes larmes contre son emprisonnement.
La gestion de tout pouvoir et les conséquences qui en résultent doivent conduire, eu égard aux nombreux appels, à des poursuites d’anciens dirigeants politiques, à une bonne gestion et une moralisation des deniers publics à ces leaders confiés. ibrahimakhalil.ndiaye@lesoleil.sn

