Dr Sara Ndiaye, maître de Conférences en sociologie à l’Université Gaston Berger de Saint Louis (Ugb), tente ici de trouver l’explication sur les obstacles à la réussite politique des femmes. Il indique que « la société sénégalaise, dans son immense diversité, reste patriarcale pour toutes les fonctions et les rôles publics, allant du ménage à la station présidentielle ». Cependant, Dr Ndiaye constate que cette réalité est en train d’évoluer.
Globalement, quelle perception la société sénégalaise a des femmes politiques ?
Les perceptions sont des constructions sociohistoriques très tenaces. En matière d’inégalités des sexes, elles promeuvent un argumentaire qui conforte la domination d’une entité (ici les hommes) et un suivisme général (la société). Elles se renforcent avec des ressources (argent, position, réseau, connaissances, etc.) et du symbolique (le prestige que les ressources procurent). Les perceptions ont la puissance des ordres préétablis.
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Il n’y a pas une perception sénégalaise, mais un champ politique conquis par une perception distinguant des élus (masculin, adulte au moins, diplômé et expressif) des non-éligibles (par leur appartenance, origine, classe, sexe, âge, etc.), leur apparence, leurs caractères (émotif, impulsif, etc.) et leurs modèles hérétiques (par rapport aux mythes fondateurs). C’est justement, dans ce dernier lot, que les femmes sont cataloguées. Leur appartenance, apparence, caractères et modèles sont perçus comme des risques.
Est-ce que notre société est prête à avoir une femme présidente de la République ?
La société sénégalaise, dans son immense diversité, reste patriarcale pour toutes les fonctions et les rôles publics, allant du ménage à la station présidentielle. Cependant, le patriarcat s’émousse avec la jeune génération masculine détrônée par la jeune génération féminine dans la socialisation, l’éducation et la formation. Lesquelles sont les moteurs de la dynamique sociétale (y compris le champ politique).
Comment les femmes politiques doivent-elles s’y prendre pour être mieux vues, voire davantage soutenues par la société dans leur quête de pouvoir politique ?
Les femmes réinventent déjà les bases de la notoriété dans de hautes sphères avec de nouveaux symboles (Générale de l’armée, astrophysicienne, khalife d’une entité confessionnelle, etc.) La capacité d’émulation de ces succès féminins n’est pas encore manifeste. Cependant, la latence des majorités silencieuses n’est qu’éphémère.
Elles se manifestent à une période favorable, de manière non programmée. On l’appellera un tournant historique. La clé de l’ascension féminine en politique se trouve dans la démultiplication de ces conquêtes féminines et un leadership de ces femmes dans l’incarnation de visions politiques alternatives, réellement.
Propos recueillis par Oumar KANDÉ