La stabilité démocratique du Sénégal est saluée par l’ambassadrice du Royaume de Belgique à Dakar. Hélène de Bock revient, dans cet entretien, sur les grands axes de la coopération bilatérale et leur volonté de contribuer à l’atteinte des objectifs de croissance fixés par le nouveau régime.
Vous êtes à Dakar depuis 2023. Comment jugez-vous l’état de la coopération entre le Sénégal et la Belgique ?
Nous partageons avec le Sénégal une longue histoire de partenariat et des valeurs communes. La stabilité démocratique du pays a été, de nouveau, prouvée par la tenue de l’élection présidentielle de mars 2024.
Le Sénégal est un partenaire privilégié pour notre gouvernement et pour les entreprises belges. C’est vraiment un plaisir pour moi d’être à ce poste. Je pense que le référentiel des politiques publiques du gouvernement, intitulé « Vision Sénégal 2050 », montre une vision extrêmement positive et importante pour notre partenariat parce que nous sommes sur les mêmes priorités, que ce soit au niveau du développement humain que de l’éducation, de la culture… Je dois rappeler que la Belgique est bien représentée au Sénégal à travers ses entités fédérées. Nous avons, par exemple, la Délégation générale de Wallonie-Bruxelles internationale, Enabel, notre agence de mise en œuvre de la coopération. Ce qui est intéressant, c’est que dans les piliers de la « Vision Sénégal 2050 », il existe des thématiques qui cadrent avec nos priorités.
La Belgique est également présente dans la région naturelle du Sine-Saloum. En collaboration avec le gouvernement, nous intervenons principalement sur deux axes prioritaires. Le premier est lié à l’agriculture, à la souveraineté alimentaire, à l’entrepreneuriat et à la création d’emplois durables. Quant au second, il a trait à la santé. Avec l’Union européenne, nous soutenons le Sénégal dans sa volonté de devenir un hub de production de médicaments et de vaccins de qualité pour toute la sous-région.
Nous travaillons à la mise en place de l’écosystème du secteur pharmaceutique et médical, notamment avec l’implantation du Vaccinopôle de l’Institut Pasteur de Dakar à Diamniadio, dans le cadre du projet Madiba (Manufacturing in Africa for disease immunization and building autonomy). Le Sénégal a atteint un niveau de maturité important grâce à ses plateformes technologiques de pointe. Il pourra produire jusqu’à 300 millions de doses de vaccin par an. Il se conforme à la réglementation pour la production éventuelle à grande échelle de médicaments et de vaccins. Nous avons aussi le volet protection sociale qui compte beaucoup pour nous.
À l’heure où les financements extérieurs sont remis en question, la Belgique accorde une importance majeure à la coopération internationale. Qu’est-ce qui l’explique, à votre avis ?
Nous essayons d’être créatifs et de convaincre tout le monde à travailler ensemble vers le même objectif. Je pense que c’est l’objectif des autorités sénégalaises ; nous le partageons au niveau européen. Nous considérons que le Sénégal constitue une exception dans la sous-région.
C’est un pays démocratique où les institutions sont fortes, où il y a clairement aussi, de la part des autorités, la volonté de travailler avec le secteur privé. Cette volonté s’est affirmée sur des thématiques de la « Vision Sénégal 2050 » et qui sont essentielles pour nous. Le Sénégal a des atouts. C’est un pays démocratique avec de nouvelles autorités qui proposent une voie vraiment intéressante. Le pouvoir est incarné par des jeunes qui disposent d’une énorme légitimité acquise grâce au soutien de la population et réitérée lors des dernières élections présidentielle et législatives.
Nous sommes vraiment confiants. Nous pensions que c’est important que ces autorités réussissent dans leur pari. Les États membres de l’Union européenne, comme la Belgique, entendent soutenir cette stratégie, cette « Vision Sénégal 2050 ».
Nous voulons vraiment que les nouvelles autorités sénégalaises réussissent. Nous saluons le modèle sénégalais dans toute sa diversité et ses valeurs. L’État a fait montre de sa volonté de répondre aux attentes des populations et a prouvé que la démocratie peut améliorer la vie des gens, qu’elle peut générer une prospérité partagée de manière solidaire. Ce sont toutes ces choses-là qui, pour nous, sont importantes.
Est-ce que ce sont des défis communs ?
Les défis sont énormes. Je pense que la Belgique, tout comme l’Union européenne, est un partenaire traditionnel pour de très bonnes raisons.
Nous avons une vision similaire aussi par rapport aux politiques régionales. Pour un pays comme le Sénégal, qui se développe, et c’était pareil pour la Belgique, le marché intérieur n’est pas assez grand pour justifier une industrialisation. Et 18 millions d’habitants pour le Sénégal, 11 millions pour la Belgique, ce n’est pas assez. Tout comme le Sénégal, la Belgique soutient l’intégration sous-régionale. L’Union européenne est un partenaire privilégié parce que nous avons cette expérience. Depuis les années 50, notre souhait a justement été de créer ce marché unique tant au niveau des biens que des services, des marchés financiers et de la mobilité interne.
La route a été longue. Elle est encore longue. Mais, nous sommes sur la bonne voie. Nous nous sommes rendu compte que nous ne pourrons pas atteindre un certain niveau de prospérité sans nous appuyer sur une bonne politique régionale. La Belgique est un petit pays, mais qui dispose d’un très grand marché extérieur et, par conséquent, une grande ouverture vers l’extérieur.
Pensez-vous que le Sénégal est sur une bonne dynamique de développement ?
Je souhaite de tout cœur un succès pour les nouvelles autorités. Le Sénégal a vraiment beaucoup de choses à offrir. Avec les autorités sénégalaises, nous avons défini les axes prioritaires sur lesquels la Belgique pourrait apporter sa contribution.
Nous sommes en train d’y travailler avec les différents ministères techniques, dont l’Agriculture, les Infrastructures, l’Économie et l’Industrie. Nous pouvons aussi définir ensemble des programmes avec comme objectif un pilotage basé sur l’accompagnement des ministères par la Belgique. Que pensez-vous de la position du nouveau gouvernement qui n’accepte plus que des partenaires techniques et financiers lui dictent ses orientations ? Je ne peux pas parler pour les autres, mais en ce qui concerne la Coopération belge, nous sommes dans une dynamique de soutenir les priorités déjà définies par les autorités étatiques. Mais, c’est hyper logique ; elles ont été élues démocratiquement, elles ont identifié leurs priorités. Nous, en tant que partenaires, apportons notre appui. Je trouve qu’il est important d’avoir ce lead sénégalais. Pour cette raison, nous avons tenu à ce que les comités de pilotage de nos différents programmes soient gérés par l’administration et les ministères techniques sénégalais.
Il faut rappeler que l’un des objectifs majeurs de la coopération internationale est de pouvoir se retirer un jour et de renforcer l’autonomie des pays partenaires. Il ne faut pas oublier que l’argent de la coopération au développement, c’est celui du contribuable belge. Il peut s’inscrire dans la durée, mais le jour où les priorités des électeurs changent, ces financements seront impactés. Nous estimons que le modèle où on est éternellement dépendant de la coopération n’est pas un modèle qui marche, nous ne pouvons pas le garantir.
Propos recueillis par Matel BOCOUM – (photo : Moussa SOW)