La liberté de communication des militants et autres responsables du parti au pouvoir doit évoluer pour s’adapter à leur nouvelle fonction. Des spécialistes évoquent la nécessité de respecter la hiérarchie et la discipline de parti.
Les nominations d’Aoua Bocar Ly Tall comme membre du Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra) et de Samba Ndiaye au poste de président du Conseil d’administration (Pca) de la Sn Hlm et d’autres mesures des nouvelles autorités, ont soulevé de vives polémiques sur les réseaux sociaux proches du parti Pastef/Les Patriotes. Certains responsables, directeurs généraux et parlementaires ont exprimé publiquement leur désaccord.
Cette situation a poussé à s’interroger sur la communication au sein de Pastef et sur la nécessité de préserver la discipline de parti. Cette situation a même poussé le chef des Patriotes, Ousmane Sonko, à monter au créneau pour rappeler les militants à l’ordre. Dans son discours en ligne, en janvier dernier, le Premier ministre avait tenu à rappeler aux militants la nécessité de consolider un certain nombre de principes et de valeurs républicains. Dans la même lancée, le président du groupe parlementaire de Pastef, Ayib Daffé, interrogé par « Le Soleil », le 6 janvier 2025, en marge de la levée des couleurs à l’Assemblée nationale, avait indiqué que le parti dispose d’un certain nombre de structures (sections, cellules) et d’entités capables de faire remonter les revendications des militants et sympathisants de Pastef auprès des autorités.
« Avec l’avènement des réseaux sociaux, une opinion digitale peut s’exprimer de manière véhémente, mais il nous faut de la retenue et de la discipline quand il s’agit d’interpeller nos dirigeants », affirmait l’ex-mandataire d’Ousmane Sonko pour la présidentielle de mars 2024. Pour d’autres observateurs, cette réactivité et cette volonté de jouer les garde-fous de la part de certains militants peuvent être considérées comme un signe de vitalité démocratique au sein du parti. Ce, d’autant plus que la verticalité du pouvoir qui a souvent caractérisé nos formations politiques traditionnelles n’offrait aucun espace d’expression à la base qui avait comme seule alternative la validation des décisions émanant de la direction du parti. En outre, cette situation pose aussi la question du rapport entre l’État et le parti.
La nécessité de renforcer la discipline et la formation des militants En quoi les dissensions ou divergences internes au sein du parti doivent-elles interférer dans la bonne marche des affaires de l’État ? En réponse à cette question, Mamadou Sy Albert, analyste politique, a indiqué que cette fronde pouvait se résoudre dans les rangs du parti Pastef. « Les autorités doivent mettre en place des mécanismes pour rappeler à tous ceux qui exercent des fonctions étatiques qu’ils ont un devoir de réserve par rapport à une décision du chef de l’État. C’est le mécanisme de la solidarité et le devoir de réserve. Il faut que le Pastef crée des mécanismes de gestion des conflits internes », a-t-il expliqué.
Poursuivant, M. Sy a relevé que cette situation est loin d’être reluisante pour un parti au pouvoir. « Le fait que des responsables qui occupent soit des fonctions de directeur général, soit de parlementaire, ou même des responsables à l’échelle nationale s’insurgent contre une décision de l’exécutif, altère l’image du président de la République et celle de l’État. Surtout que cela peut nuire à la discipline du parti. Tout le monde doit se soumettre à la hiérarchie », a-t-il déclaré. Moussa Diaw, enseignant-chercheur en Sciences politiques à l’Université Gaston Berger (Ugb) de Saint-Louis, a souligné la nécessité de renforcer la formation des militants de Pastef pour éviter toute cacophonie au sommet de l’État. « L’État ne peut pas être un champ d’affrontements politiques pour les responsables du parti.
Il faut mettre un cloisonnement clair entre l’État, chargé d’organiser le fonctionnement du pouvoir, et le parti qui porte un projet politique. Sur ce, il est nécessaire que la direction du parti renforce la conscientisation des militants autour de ces notions susmentionnées », a-t-il affirmé. Pastef, a ajouté l’universitaire, a été élu sur un programme de rupture systémique qui doit mettre fin à cet amalgame qui a toujours prévalu au Sénégal entre l’État et le parti. « Ses responsables doivent être vigilants pour éviter toute confusion au sommet du pouvoir. Les contestations contre les décisions de l’exécutif risquent, à terme, de fragiliser leur autorité aux dépens de la bonne marche du pays », a-t-il avancé.
Mamadou Makhfouse NGOM