Porte-parole de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco), la journaliste sénégalaise, Ndèye Khady Lô, revient, dans cette interview, sur les contours du renouvellement d’un an du mandat de la Monusco ainsi que du bilan de cette mission onusienne.
Le mandat de la Monusco a été renouvelé d’un an alors qu’un départ définitif était attendu. Sur quels axes et comment vous allez continuer le travail sur l’année à venir ?
Le Conseil de sécurité des Nations Unies a renouvelé, pour un an, le mandat de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation en République démocratique du Congo (Monusco) par la résolution 2765 (2024), adoptée à l’unanimité de ses 15 membres. Selon la Résolution 2765, la protection des civils (PoC), le désarmement, la démobilisation et la stabilisation (Ddr), ainsi que la réforme du secteur de la sécurité (Rss) demeure les priorités de la Monusco.
Le Conseil de sécurité a également réitéré le soutien de la Monusco aux initiatives régionales, notamment le processus de Luanda avec les efforts diplomatiques proactifs du facilitateur, son Excellence Joao Lourenco. La Monusco est autorisée à surveiller, signaler et enquêter sur les violations des droits de l’homme, en particulier les violences sexuelles et sexistes, et à soutenir les efforts du gouvernement congolais pour traduire les auteurs en justice. Pour ce qui est du départ de la Monusco, nous nous sommes désengagés du Sud Kivu en juin 2024, conformément à la résolution 2717 (2023) qui demandait à la Monusco de clôturer ses opérations civiles et militaires dans cette province de l’Est de la Rdc.
Les autorités congolaises ont demandé un transfert progressif des tâches critiques, comme la protection des civils, avec l’appui direct des experts et des ressources de la Monusco. Comment cela va-t-il se matérialiser sur le terrain ?
Dans la résolution adoptée, hier, le Conseil reconnait les progrès réalisés dans la mise en œuvre du mandat de la Monusco, mais il note que la situation en République démocratique du Congo continue de constituer une menace pour la paix et la sécurité dans la région. Le Conseil de Sécurité appelle à un plan global de retrait progressif et par étapes, avec des opérations limitées à certaines zones, telles que le Nord-Kivu et l’Ituri. La Résolution 2765 (2024) souligne ainsi l’importance d’un retrait responsable, progressif et durable de la Monusco, en étroite coordination avec le gouvernement de la République démocratique du Congo et les autres partenaires concernés insiste sur la nécessité pour la Monusco de transférer progressivement ses tâches aux autorités congolaises, notamment en matière de sécurité, de protection des civils et de stabilisation.
Le renforcement de capacités des institutions nationales congolaises, en particulier les forces de sécurité et le système judiciaire, afin de leur permettre d’assumer pleinement leurs responsabilités après le départ de la Monusco est l’un des axes prioritaires de ce processus de retrait de la Mission de la Rdc.
Quel bilan tirez-vous de la Monusco qui est l’une des plus anciennes opérations de maintien de la paix des Nations Unies ?
Faire le bilan de la Monusco revient à parler de ses succès et défis qui sont indissociables de ceux de notre partenaire, l’État congolais. Il y a un peu plus de 20 ans, la Rdc était en proie à de grands défis avec la présence d’armées étrangères et de groupes armés qui menaçaient sa stabilité et son intégrité territoriale.
La Monuc a fait appliquer le cessez-le-feu dès son installation et empêché la partition du pays.
Elle a aussi soutenu les dynamiques de construction d’un État unitaire. Aux côtés de nombreux partenaires nationaux, régionaux et internationaux, au fil des années, la Mission a soutenu le processus de paix qui a permis la réunification du pays, la démobilisation et le rapatriement pacifique de dizaines de milliers de combattants étrangers et leurs dépendants vers leur pays d’origine et la mitigation de l’impact de l’activisme des groupes armés sur la population civile. En 2013, la Monusco, aux côtés des Fardc, a joué un rôle central dans les efforts de la communauté internationale à mettre fin à la rébellion M23 dans le cadre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération.
La Monusco a également joué un rôle important dans la gestion de la crise politique générée par le glissement des élections présidentielles de 2016, préparant la voie au premier transfert de pouvoir pacifique dans l’histoire du pays. L’appui logistique et sécuritaire de la Mission en Ituri et au Nord Kivu pour mettre fin à l’épidémie d’Ebola a été décisif. Les conseils, l’appui technique et le plaidoyer de la Mission en faveur de la vision du gouvernement jouent un rôle central dans l’adoption du Programme de désarmement, démobilisation, réintégration, relèvement communautaire et stabilisation (Pddrcs) qui ouvre de nouvelles perspectives pour résoudre le problème des groupes armés à l’est du pays. Les Nations Unies sont fières d’avoir pu accompagner le pays pendant toutes ces années.
Propos recueillis par Oumar NDIAYE