Baron socialiste, maire inamovible, célébrité orientale… Les qualificatifs ne manquent pas pour redimensionner Thiédel Diallo, maire de Goudiry. L’homme a blanchi sous le harnais, mais garde un regard lucide et averti sur l’actualité politique. Mais surtout sur ses administrés et sa ville de Goudiry. Plutôt sur le Boundou qui semble être sa raison de vivre.
Teint clair, regard perçant, Thiédel Diallo reste encore dynamique. Il semble être le mur de lamentations de nombreuses populations qui lui rendent visite quotidiennement, qui pour un dossier administratif, qui pour un différend avec un habitant… Il prend toujours le temps d’écouter l’interpellant pour essayer d’apporter une solution à la sollicitation. Thiédel, comme l’appelle tout le monde, reste un homme de son peuple qui l’a élu pour la première fois en 1989. En qualité de président de la communauté rurale, de 1998 à 2001. Puis encore de 2002 à 2009 après l’intermède d’une délégation spéciale (2001-2002). Maire donc de la ville depuis son érection en commune en 2009, l’homme cumule également deux mandats en tant que député à l’Assemblée nationale sénégalaise entre 1998 et 2006. Sous la bannière du Parti socialiste, une formation politique où il milite depuis 1983, date de son retour de la France.
Il se rappelle encore avec exactitude le jour de son arrivée en France, 1er novembre 1968, un pays qui le forge, où il apprend et avec qui il garde de forts liens. Nous le retrouvons ce matin de septembre en train de suivre l’actualité de ce pays au lendemain de la nomination de Sébastien Lecornu en tant que Premier ministre. C’est dans ce pays que Thiédel affine son engagement communautaire et peaufine son don pour les siens. C’est ainsi qu’il monte le projet associatif inter-villageois de la zone de Sinthiou Boubou, village à 5 km de Goudiry et d’où il est originaire. Mémoire vivante de l’histoire du Boundou, Thiédel Diallo prolonge son engagement pour la collectivité par un militantisme politique. Il est ainsi un témoin de l’histoire du Ps qui a vu l’élévation de la baronne et ministre de la Femme socialiste Mantoulaye Guène qui promeut des groupements féminins. Le ministre connaît des bisbilles avec le tout-puissant Jean Colin, explique Thiédel Diallo qui ne manque pas de saisir l’occasion pour monter un groupement d’intérêt économique dans son fief.
Engagements communautaire et politique
« J’ai toujours fait de la politique qui est entendue comme l’art d’améliorer le sort de la cité et des populations qu’on prétend servir. J’ai toujours fait de la politique associative pour développer mes terres plutôt que de la politique politicienne. Il s’est donc toujours agi, pour moi, de faire de la politique pour le développement. J’ai formalisé mon engagement dans un parti en 1988. C’est là que j’ai connu le respectable Cheikh Abdoul Khadre Cissokho, responsable régional et de premier plan du Ps », rappelle-t-il.
Reconnu comme un socialiste pur jus, Thiédel Diallo n’a pas cédé aux sirènes de la transhumance à la perte du pouvoir des Socialistes en 2000. Préférant rester fidèle à ses convictions de gauche faisant de lui un homme porté vers son prochain. Les présidents Abdoulaye Wade ou Macky Sall n’ont pu le déraciner du Ps. Il aura fallu les divergences entre Socialistes pour qu’il penche, dernièrement, plutôt pour Khalifa Sall pour une « attitude pour le Sénégal » (Taxawu Sénégal). Chantant toujours les louanges de sa formation historique, il fait remarquer qu’il est le parti fondateur de la République tout en mettant en avant ses valeurs. Sur le choix de l’ancien maire de Dakar, il explique que certains avaient une « idée fausse du Ps ». Tout comme il est d’avis que de « véritables opposants ne mettraient pas de gants pour critiquer », comme pour condamner les Socialistes qui n’ont pas assumé leur part d’héritage en allant s’allier avec les formations au pouvoir. Entre l’engagement politique et l’engagement communautaire, Thiédel Diallo continue, malgré le poids des ans (à près de 80 ans), à se battre. Rappelant des partenariats qu’il est parvenu à établir avec des organisations du système des Nations unies (Pnud, Oms, Unicef) pour doter nombre de villages de la zone de puits, cases de santé, magasins pour la sécurité alimentaire, du matériel agricole. Pour lui, la finalité de l’engagement reste de « parvenir à booster les choses pour améliorer le sort des populations ». « J’ai été parmi les premiers à me battre et à renoncer à certains avantages de l’immigration puisque je suis rentré quand j’ai décidé de revenir. Il faut être sur place, constater et vivre les réalités qu’on veut changer. Je suis aujourd’hui fier d’avoir pu réaliser certains de mes rêves en aidant le peuple. De nombreux migrants font beaucoup de choses, mais ne rentrent pas », regrette-t-il. Le Boundou a vu, depuis des lustres, ses enfants s’exporter dans différents pays d’Afrique et d’Europe. Il aurait perdu, ces dernières années, de nombreux enfants dans les bras de la mer. Une situation qui interpelle le maire de Goudiry qui explique qu’il « faut changer d’approche dans l’immigration ».
Âme charitable
« Nous avions, à l’époque, une grande association de travailleurs sénégalais en France. C’est avec l’évènement de Valéry Giscard d’Estaing, en 1975, que les cartes de séjour ont été instaurées. Nous, Sénégalais, étions privilégiés par rapport à d’autres nationalités sur la durée de cinq ans que nous avions. Il faudrait attendre l’arrivée de François Mitterrand pour que cette carte de séjour soit harmonisée à dix ans. Il est important de savoir qu’il était possible pour les immigrés d’apprendre, de se former avec les Fonds d’action sociale prélevés de leurs cotisations. Ce n’est plus comme maintenant puisqu’à l’époque, on venait nous chercher dans les Foyers pour travailler. D’où la nécessité de revoir la migration », conseille-t-il. Il insiste sur l’exhortation du président Senghor qui leur demandait d’être de dignes « ambassadeurs du Sénégal » à l’étranger. Il préfère retenir les bons côtés de l’immigration qui a permis l’érection de bâtiments, de faire face aux années de sécheresse. Allant jusqu’à dire que « si les gens ne sont pas morts de faim, c’est grâce aux immigrés ». Il appelle encore à faire de l’immigration un atout pour « créer des cadres productifs, intégrer des circuits productifs dans chaque région, développer l’élevage semi-moderne, moderne, extensif, l’agriculture, l’artisanat ».
Toujours attaché à ses terres, Thiédel Diallo ne jure que par son Boundou. Rappelant qu’avant 1999, le calvaire que les populations du Boundou vivaient pour voyager du fait d’absence d’infrastructures routières et que Goudiry est la dernière à être reliée au chef-lieu de la région, il souhaite que « chaque chef-lieu de commune puisse être relié à la capitale départementale ou de la région ». Il appelle également les autorités étatiques à mieux prendre en considération le département le plus vaste du Sénégal avec ses nombreuses potentialités, mais faisant face à un enclavement et à un accès difficile. Déjà que de nombreux travaux (Maison des jeunes, Eno, routes) sont à l’arrêt ; une situation qu’il comprend avec l’arrivée des nouvelles autorités, tout en espérant une « reprise très prochaine de tous ces travaux ». Aussi, la capitale départementale est située à 77 km de la frontière avec le Mali. Ce qui motive son combat pour plus de ressources pour sa ville qui n’en profite pas, contrairement à Tambacounda ou Kidira. Âme combattante, Thiédel Diallo assure qu’il continuera toujours à se battre pour les siens « puisque c’est dans mon sang que de se battre ». Il taquine en disant être « déjà à la retraite, mais seule la mort m’arrêtera et se battre me donne de l’énergie ».
Un amour que lui rendent les populations qui n’hésitent pas à lui renouveler toujours le bail. Décrit comme une « âme charitable, il redistribue tout ce qu’il a au profit des populations ».
Par Ibrahima Khaliloullah NDIAYE et Ibrahima KANDE (textes)