Dans quelques jours, un centre d’état civil digitalisé verra le jour à Fass Barigo (commune du département de Guinguinéo). Un projet de plus à inscrire au bilan de Mandiaye Kébé, maire depuis 2014, ancien député et figure de cette localité aux racines spirituelles profondes. Septuagénaire, plusieurs fois vice-président de commission à la Place Soweto, l’homme annonce la fin d’une ère : «C’est mon dernier mandat», confie-t-il, mais avec la satisfaction du devoir accompli. Il explique, dans cet entretien, au «Soleil» son mode de gestion, l’Acte 3 de la décentralisation, l’agriculture, les infrastructures rurales.
Il est élu, mais aussi un mécène pour «soutenir» le budget de la commune. Alors que sa décision de passer la main est «définitive», il tient à présenter son bilan d’élu. «Nous sommes la première localité électrifiée de la zone, avant même le chef-lieu d’arrondissement», rappelle-t-il, non sans fierté. Sous sa mandature, les réalisations s’enchaînent : un centre de santé rénové, une brigade de gendarmerie, une caserne de pompiers, un foyer pour jeunes et un autre pour les femmes, des voies bitumées, un abattoir, une place publique, un centre d’état civil digitalisé avec la coopération Belge (Enabel)…
En plus d’un lycée déjà érigé. « J’ai initié une politique de développement par grappe, étape par étape, même s’il a fallu mettre nous-même la main à la poche», explique-t-il, insistant sur la nécessité de «travailler sur le long temps». Mais, «pour cela, il faut savoir conserver la confiance des populations qui ne sont pas dupes. Un élu local, c’est d’abord de la proximité avec les populations», indique Mandiaye Kébé. Né à l’ombre de l’ancien Khalife général des Tidiane, Serigne Mansour Sy «Borom Daara Ji», Mandiaye Kébé est surtout connu pour son engagement dans la Tidjaniya. Il est d’ailleurs le conseiller du Khalife général de Thiénaba. «Serigne Mansour Sy, c’est mon père, il m’a éduqué», dit-il, soulignant qu’il a pris le «Wird» depuis des décennies. Il explique que parmi ses souvenirs de parlementaire les plus marquants, il y a son siège au comité interparlementaire de l’Organisation de la conférence islamique (Oci).
Après une carrière de 19 ans à la Senelec, il crée une entreprise d’électrification rurale en 2003, avant un engagement politique en 2009 sous l’égide du Président Abdoulaye Wade. L’ancien Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye est alors le leader politique du département. Fass Barigo devient commune en 2011 sur les terres de l’ancienne communauté rurale de Ourour. Fass Barigo est ce qu’on appelait autrefois un village-centre, polarisant plusieurs villages avec un marché hebdomadaire. Le commerce est l’activité principale. Quand Fass Barigo devient commune en 2011, Mandiaye en sera le premier magistrat trois ans plus tard. Après 2012, il restera aux avant-postes, se faisant réélire député sous les couleurs de la coalition «Benno Bokk Yakaar» alors dirigée par le Président Macky Sall».
RETOUR DES JEUNES
Si les nouvelles infrastructures ont remodelé le visage de la commune, au point de noter «un retour des jeunes partis à Dakar ou à l’étranger», à l’instar de beaucoup de communes du Sénégal, Fass Barigo ne vit pas sans contraintes. Des défis persistent. L’épuisement de la nappe phréatique depuis trois ans a obligé la commune à se connecter à des forages voisins. Il fait, toutefois, remarquer que «ce ne sera plus qu’un mauvais souvenir sous peu, car on a démarré un forage et un château d’eau qui sera réalisé par une entreprise chinoise.
Sur l’Acte 3 de la décentralisation, il note «un transfert de compétences sans accorder le minimum de fonds nécessaires» et déplore le non reversement des redevances par des entreprises comme la Senelec et surtout certaines entreprises de téléphonie. «Sudatel n’a jamais payé, Tigo, elle, deux fois seulement», révèle-t-il.
Sur les subventions agricoles, son discours est sans concession : «Beaucoup de paysans ne veulent pas de semences subventionnées, ça leur sert juste de monnaie d’échange au détriment de l’État. Ils n’en ont pas besoin pour cultiver, car les vrais paysans gardent systématiquement des semences pour le prochain hivernage. La réalité est que la plupart revendent sur place les quantités subventionnées qu’ils reçoivent. C’est très simple, car c’est le représentant du fournisseur qui leur rachète ces semences», soutient-il, mordicus. «Cet argent devrait servir à installer des forages», plaide-t-il. En tant que chef d’entreprise, il suggère une meilleure prise en compte de leurs préoccupations.
«L’État ne donne pas à manger. Il organise le cadre permettant aux gens de s’épanouir. Mais on devrait mieux soutenir les entreprises sénégalaises. Car souvent, on met en avant des critères auxquels les entrepreneurs locaux ne peuvent pas satisfaire», déplore Mandiaye Kébé. «Qui parmi nous dispose de 5 milliards de francs Cfa pour un marché», se demande-t-il. Ceci dit, il tient à souligner que son devoir est «d’accompagner les nouvelles autorités». Celui qui se décrit comme «désengagé de la politique» depuis 2022 avoue ne pas préparer sa relève : «Je ne peux pas trancher entre mes potentiels remplaçants. Ce n’est pas simple».
Samboudian KAMARA