L’ambassadeur de Türkiye au Sénégal, Nur Sağman, se félicite de la solidité des liens entre ces deux Nations. Dans cet entretien, accordé au « Soleil » à la veille de la célébration de la fête nationale de son pays, elle évoque la volonté partagée d’approfondir la coopération bilatérale en cohérence avec la « Vision Sénégal 2050 ».
Comment appréciez-vous actuellement l’état de la coopération entre la Türkiye et le Sénégal ?
C’est un plaisir pour moi de parler de cette coopération que je qualifie de brillante. Je peux l’affirmer en toute connaissance de cause, car je travaille pour le raffermissement de la coopération entre mon pays et l’Afrique depuis maintenant plus de 10 ans.
Pour rappel, j’ai été ambassadrice à Conakry en 2015, puis chargée d’affaires à Libreville en 2019, avant d’être nommée directrice générale pour l’Afrique au sein du ministère turc des Affaires étrangères en 2020. La Türkiye a ouvert son ambassade au Sénégal en 1962. Ce n’est donc pas une nouvelle mission diplomatique. Et depuis lors, nous entretenons d’excellentes relations. Je tiens à dire que j’ai le plaisir de travailler avec quatre femmes diplomates au sein de cette ambassade et que chacune contribue fortement à la vitalité de cette coopération bilatérale, évidemment en synergie avec tous nos autres collègues et les différentes institutions turques basées à Dakar.
L’installation d’un nombre important de compagnies turques reflète, aux yeux de certains, la solidité des liens entre les deux pays. Qu’en pensez-vous ?
Plusieurs institutions soutiennent effectivement ce partenariat, à savoir la compagnie Turkish Airlines, qui dessert la ligne Dakar–Istanbul sept fois par semaine, la Tika (Agence turque de coopération et de coordination), est la première à s’être implantée en Afrique subsaharienne, notamment au Sénégal, en 2007, les écoles Maarif, présentes à Dakar, Saint-Louis et Thiès, l’Institut culturel Yunus Emre qui organise des ateliers et promeut à la fois la culture turque, la culture sénégalaise et l’apprentissage de la langue turque…
La Turquie est, aujourd’hui, bien implantée au Sénégal, avec près d’une centaine de compagnies, allant de petites et moyennes entreprises à de grandes sociétés ayant réalisé d’importantes infrastructures, telles que l’aéroport international Blaise-Diagne, le stade Abdoulaye Wade de Diamniadio, le Cicad et le Dakar Arena. Nous avons aussi d’importantes compagnies qui opèrent dans les domaines de l’industrie alimentaire, l’ameublement, l’énergie. Les autorités des deux pays ont récemment évoqué leur intention de faire passer le volume des échanges commerciaux à un milliard de dollars.
Des mesures ont-elles été prises dans ce sens ?
Il y a un an, le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye a effectué une visite de travail en Türkiye suite à l’invitation du président Recep Tayyip Erdoğan.
À cette occasion, les deux chefs d’État ont exprimé leur volonté de faire passer le volume des échanges commerciaux à un milliard de dollars. Des mesures spécifiques sont en cours pour atteindre cet objectif, dans le cadre d’un commerce plus équilibré. La tenue récente du Forum économique Türkiye-Afrique a contribué également à renforcer cette dynamique. La rencontre a accueilli une importante délégation sénégalaise. Elle a offert un cadre d’échanges pour développer un partenariat mutuellement bénéfique.
Dans le même esprit, une délégation turque séjournera à Dakar en décembre prochain. Notre partenariat s’étend sur différents secteurs. Nous comptons mettre particulièrement l’accent sur le secteur agricole, qui est stratégique pour nos deux pays, et favorisons le transfert d’expertise vers le Sénégal.
Pour nous, l’essentiel est de bâtir une coopération fondée sur le respect mutuel et une approche gagnant-gagnant, en parfaite cohérence avec la « Vision Sénégal 2050 ». La visite du Premier ministre Ousmane Sonko en Türkiye, en août dernier, s’inscrit dans cette même dynamique. Il a rencontré de nombreux investisseurs turcs comme l’avait fait le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye en octobre 2024. Ces échanges renforcent la confiance et encouragent davantage d’opérateurs économiques turcs à s’intéresser au Sénégal.
Des axes prioritaires n’ont-ils pas été définis dans cette coopération ?
Pour nous, la priorité est toujours ce que souhaite notre partenaire. Nous discutons et restons à l’écoute du Sénégal en tenant compte de ses besoins et attentes. Ce qui compte, c’est de partager notre savoir-faire, dans le respect de la souveraineté nationale, principe auquel la Türkiye est très attachée.
Nos deux Présidents ont signé, l’an dernier, un accord sur l’établissement d’un Conseil de coopération stratégique de haut niveau, qui marque une étape majeure dans notre partenariat. Cet accord symbolise le partage d’expérience et de technologie, surtout dans les domaines de la défense, de l’industrie et du développement. Les axes prioritaires de cette coopération ont été énumérés dans ce protocole. Il est à noter que de nouveaux axes peuvent, bien évidemment, être ajoutés à cette liste de priorités.
La Türkiye célèbre sa fête nationale ce 29 octobre. Quelle en est la symbolique ? Nous allons célébrer la 102e année de la proclamation de la République de Türkiye. Pour tout diplomate, c’est un moment fort, un symbole de fierté et d’amitié entre les peuples. Cette année, nous mettons l’accent sur la culture sénégalaise, que nous souhaitons associer à la gastronomie turque, pour créer un moment d’échange et de convivialité. Ce sera comme une évasion dans les rues d’Istanbul, mais avec une touche sénégalaise. C’est pour moi un grand plaisir de célébrer, pour la troisième fois, la fête nationale au Sénégal.
L’axe Dakar-Ankara semble se consolider avec les récentes visites de haut niveau ?
Absolument ! Nous avons été honorés des visites du Président et du Premier ministre en Türkiye. Ces séjours ont porté leurs fruits avec la signature de plusieurs accords pour consolider notre coopération.
Nous espérons aussi accueillir, au Sénégal, notre président, Recep Tayyip Erdoğan, qui a été invité par son homologue. Comme susmentionnés, lors de ces visites, plusieurs accords ont été signés, spécialement l’accord sur l’établissement du Conseil de coopération stratégique de haut niveau ; le mémorandum d’entente dans les domaines de l’énergie et des hydrocarbures ; l’accord de coopération sur la mécanisation agricole ; le protocole d’entente sur la coopération dans le secteur de l’urbanisme et aussi un mémorandum d’entente dans le domaine de l’enseignement supérieur. Des accords paraphés lors de la visite du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye.
Et concernant les exportations sénégalaises vers la Türkiye, des évolutions ont-elles été notées ?
C’est un axe que nous voulons renforcer, car je peux dire qu’il ne reflète pas encore le potentiel que représentent nos deux pays. Nous invitons nos hommes d’affaires à plus d’échanges. D’autre part, pour parvenir à un commerce plus équilibré, nous encourageons les hommes d’affaires sénégalais à développer leurs offres vers la Türkiye. Nous avons au sein du Conseil des Relations économiques étrangères de la République de Türkiye (Deik) un Conseil d’affaires Türkiye-Sénégal. Nous travaillons de même pour la création d’une Chambre de commerce turco-sénégalaise à Dakar afin de favoriser ces échanges. Ces structures sont nécessaires pour atteindre le niveau souhaité d’échanges entre nos deux pays.
Le Sénégal occupe-t-il une place particulière dans la politique africaine de la Türkiye ? Bien sûr ! Le Sénégal est un partenaire clé de la Türkiye en Afrique. Avec 44 ambassades en Afrique, la Turquie est l’un des pays les plus présents sur le continent. Le Sénégal y tient une place de choix, comme en témoignent les nombreuses visites de notre Président, qui s’y est rendu à plusieurs reprises, y compris lorsqu’il était Premier ministre. Cela traduit l’importance et la solidité de notre relation bilatérale. L’approche turque en Afrique est caractérisée par une coopération dynamique sur différents plans depuis plus de deux décennies et un partenariat gagnant-gagnant. En effet, la Türkiye a lancé un partenariat étroit avec les pays africains depuis le début des années 2000. L’ouverture vers l’Afrique de la Türkiye n’est pas limitée aux relations bilatérales qu’elle entretient avec les pays.
Elle a aussi une dimension multilatérale que le pays a développée avec l’Union africaine. Elle est devenue ainsi partenaire stratégique de l’Union africaine depuis 2008. La Türkiye est prête à partager son expérience, son expertise, son savoir-faire dans tous ces domaines avec des pays amis comme le Sénégal.
Par Matel BOCOUM (texte) et Ndèye Seyni SAMB (photo)


 
								