Certes, l’homme n’est plus de ce monde depuis près de 40 ans, mais sa pensée, elle, est restée et continue même de coller à l’actualité. Aussi bien sur le plan politique, culturel que linguistique, Cheikh Anta Diop a légué à la postérité une œuvre monumentale qui permet de lire le présent. S’il en est ainsi, c’est parce que le « pharaon du savoir » a marqué son époque d’une pierre blanche.
Il a tout exploré avec professionnalisme, avec sérieux et avec une telle profondeur que même ses adversaires les plus radicaux n’ont pu les contester. Alors, lorsque son ancien compagnon politique, Dialo Diop, le qualifie de « contemporain capital du Sénégal et du monde noir », on ne peut que lui donner du crédit.
D’ailleurs, il suffit de replonger dans le parcours et l’œuvre titanesque de l’enfant de Thieytou pour s’en convaincre. Sa vie durant, il s’est évertué à rendre à l’homme noir sa dignité en démontrant que l’Afrique était bel et bien le berceau de la civilisation à travers l’Egypte. Le geste du savant multidisciplinaire est d’autant plus magnifique qu’il a dû faire face, seul, à une intelligentsia européenne négationniste. Méthodiquement, sans se lasser, enjambant lestement les barrières de difficultés volontairement dressées devant lui, faisant de la science son arme, Cheikh Anta Diop a fait tomber les idées racistes et erronées sur l’Afrique en restituant l’existence, l’antériorité et la richesse des civilisations négro-africaines.
Il remet ainsi en cause les fondements mêmes de la culture occidentale relatifs à la genèse de l’humanité et de la civilisation. Mais Cheikh Anta Diop ne s’est pas contenté de l’écrire, « il a démontré sur des bases scientifiques que les noirs ont créé les plus anciennes civilisations historiquement attestées de l’humanité à savoir Egypte, Koush et Axoum et que la civilisation grecque a emprunté l’essentiel des éléments de sa culture aux noirs et à l’Egypte. Le parrain de l’université de Dakar démontre ainsi que la régression du continent africain et la situation générale des noirs sont la conséquence des agressions subies par l’Afrique.
Dans sa quête de rendre aux Africains leur dignité et leur histoire volées, l’auteur de Nations Nègres et Culture a fait preuve de pugnacité et s’est donné les moyens intellectuels de porter ce combat. Ce n’est pas tous les jours qu’on voit quelqu’un passer, la même année, un baccalauréat scientifique et un baccalauréat philosophique, avant de se lancer, à l’université, dans des études de Philosophie, de Physique-chimie puis d’Histoire. Il fallait être Cheikh Anta Diop et voilà ce qui le rend unique dans l’histoire sénégalaise et africaine.