Lors de la clôture de la session ordinaire unique, le président de l’Assemblée nationale, El Malick Ndiaye, a accordé une interview à nos confrères de la RTS, en présence du Soleil. Dans cet entretien, il est revenu sur son bilan depuis l’installation de l’Assemblée nationale, le 2 décembre 2024. Interpellé sur l’affaire des véhicules, le président de l’Assemblée nationale a assuré qu’« il n’y a aucune pratique illégale à l’Assemblée nationale ». Pour lui, toute la procédure a été réalisée sous la supervision de la DCMP (Direction centrale des marchés publics).
Quel bilan tirez-vous de vos premiers mois à la tête de l’Assemblée nationale ?
Il est difficile de dresser ce bilan en quelques minutes. Mais depuis que le peuple nous a fait confiance, nous avons mené de nombreux projets, en collaboration avec tous mes collègues députés de l’opposition, de la majorité, des non-alignés, sans oublier l’administration de l’Assemblée. Il a fallu faire face aux urgences dès le début, avec le vote du budget et la ratification de plusieurs traités. Nous devions aussi revoir le règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Cela a été fait de manière consensuelle, pour un règlement intérieur qui transcende toutes les législatures. Parmi les réformes, on peut citer la création de la chaîne parlementaire, qui va contribuer à la promotion des activités de l’Assemblée nationale. Nous avons également mis en place un nouveau règlement administratif, qui n’avait pas été réformé depuis 1985, ainsi qu’une réforme du règlement financier, qui datait de 1963. Un nouveau statut du personnel a aussi été adopté. Par ailleurs, nous avons travaillé à une digitalisation complète : aujourd’hui, je peux dire qu’à l’Assemblée nationale, toutes les procédures sont numérisées. Cela permet aux députés d’être plus efficaces, en utilisant les technologies de l’information et de la communication.
Vous avez aussi renforcé les commissions d’enquête parlementaire et mis l’accent sur l’évaluation des politiques publiques. Pourquoi ?
Vous savez, voter les lois est sans doute la chose la plus simple à l’Assemblée nationale. Vous verrez, nous allons prochainement examiner de nombreux projets et propositions de loi, peut-être même en session extraordinaire. Mais il fallait prendre le temps de bien faire les choses. C’est pourquoi nous avons revu l’écosystème afin qu’il puisse mieux prendre en charge les priorités des populations. Les problèmes que nous avons connus ces dernières années concernant l’opportunité de certains projets viennent du fait que l’Assemblée nationale n’a pas pleinement joué son rôle de contrôle et de suivi-évaluation des politiques publiques. Il fallait un guide, un document de référence, un véritable livre de chevet pour chaque député. Dès lors, des rapports assortis de recommandations seront remis au gouvernement pour évaluer l’impact des projets. Comme dans les grandes démocraties, nous avons créé un Comité permanent, composé des 14 présidents de commissions et représentant les différentes sensibilités politiques. Toutes nos réformes sont condensées dans un document. Tous les documents sont désormais numérisés et disponibles sur le site de l’Assemblée nationale.
Concernant la diplomatie, vous avez également posé des jalons. Quelle est votre vision en matière de diplomatie parlementaire ?
Ma vision s’inscrit dans celle du président de la République, qui détermine la politique étrangère et la diplomatie du pays. Nous sommes en parfaite harmonie avec ce principe. Sous sa houlette, nous œuvrons tous au renforcement des liens entre le Sénégal et les autres pays. Dans le cadre de la diplomatie parlementaire, les parlements doivent être des ponts entre les peuples. J’en discute régulièrement avec le chef de l’État. Nos conseillers diplomatiques collaborent étroitement avec ceux de la Primature et de la Présidence dans ce sens. D’ailleurs, dans les prochains jours, je représenterai le président de la République aux Comores, à l’occasion de la célébration de leur indépendance. Il existe une parfaite collaboration entre les différents pouvoirs dans ce domaine.
La polémique sur les véhicules de l’Assemblée nationale ne risque-t-elle pas de perturber le travail que vous menez ?
Nous sommes dans une dynamique de « Jub, Jubal, Jubanti ». À notre arrivée, nous aurions pu laisser les choses en l’état, cela aurait été plus simple. L’Assemblée nationale a toujours eu son budget, mais personne ne pouvait dire précisément comment celui-ci était utilisé. Nous avons décidé de mettre en place un système de contrôle, pour jouer la carte de la transparence, de la rigueur et de la modernité. Nous avons eu la chance d’évoluer dans des multinationales avant d’entrer en politique. Il est donc normal de transposer les bonnes pratiques de ces structures au secteur public. On entend rarement parler de mal gouvernance ou de détournements dans les multinationales, non pas parce que les employés y sont plus vertueux, mais parce que des systèmes rigoureux y sont en place. Nous avons ainsi mis fin à plusieurs pratiques, comme le paiement en espèces. Nous avons donné un ultimatum aux travailleurs, le 14 février, pour qu’ils nous remettent leur relevé bancaire. Certains, ayant contracté des prêts, ne voulaient pas que leur salaire transite par leur banque. Il n’existait aucun logiciel de gestion des ressources humaines ni de comptabilité. Nous avons lancé une réforme en ce sens. Désormais, toutes les dépenses liées au budget de fonctionnement et d’investissement sont traçables. Dès notre élection, la commission de comptabilité et de contrôle budgétaire a été activée. J’ai demandé à ses membres de travailler sans complaisance et de produire un rapport tous les trois mois. Nous n’avons rien à cacher. La reddition des comptes est une exigence à laquelle nous nous soumettons pleinement.
Et sur l’affaire des véhicules, y a-t-il eu un appel d’offres ? Un de nos collègues s’est exprimé publiquement sur cette question.
Mais je le redis : il n’y a aucune pratique illégale à l’Assemblée nationale. La gestion des groupes incombe aux groupes parlementaires eux-mêmes. Les anciennes pratiques ont été abolies. Même sur les per diem, lorsque le Premier ministre a pris une décision, j’ai convoqué mes équipes pour leur demander de s’aligner. Concernant les véhicules, nous avons constaté que dans toutes les législatures précédentes, les députés avaient droit à une voiture. En tant qu’opposants, nous avions à l’époque critiqué cette pratique, mais nous devons aujourd’hui reconnaître qu’une obligation de résultats doit être précédée d’une obligation de moyens. Un décret datant de la 14ᵉ législature prévoit une indemnité de transport de 900 000 Fcfa pour les députés. Nous aurions pu nous en contenter, mais nous avons préféré mettre les députés dans de meilleures conditions, en leur évitant d’acheter des véhicules d’occasion. Les véhicules que nous allons acquérir seront immatriculés au nom de l’Assemblée nationale. Avec le Bureau et la Conférence des présidents, il a été décidé de procéder à l’achat de ces véhicules. Toute la procédure sera rendue publique. Nous avons choisi de soumettre l’Assemblée au Code des marchés publics, alors qu’elle aurait pu s’en affranchir en vertu de son autonomie. Nous avons mis en place une cellule de passation des marchés, un plan d’acquisition, une commission des marchés, une commission de réception. Toute la procédure a été supervisée par la Dcmp. Si le marché était illégal, la Dcmp n’aurait pas donné d’avis favorable. Tout sera fait dans la transparence.