Certains leaders écrivent l’histoire dans le fracas et le tumulte, d’autres le font dans le silence méthodique du travail d’orfèvre. Abdou Diouf appartient à cette seconde catégorie.
Technocrate éminent et administrateur de haut vol, il a hérité du pouvoir dans un moment de transition délicat et l’a conduit avec une discrétion et une sérénité qui ont durablement marqué l’État du Sénégal. Héritier désigné de Léopold Sédar Senghor, le natif de Louga a eu la lourde tâche de consolider les fondations d’une jeune république.
Né le 7 septembre 1935 à Louga, Abdou Diouf, d’ascendance sérère et toucouleur, est une figure majeure de l’histoire politique sénégalaise. Son parcours, depuis une enfance passée à Saint-Louis jusqu’à la direction de l’Organisation internationale de la Francophonie, est celui d’un homme de devoir et de continuité.
Fils de postier, Abdou Diouf grandit à Saint-Louis, où il effectue la quasi-totalité de son cursus scolaire, de l’école coranique jusqu’au baccalauréat. Cette éducation biculturelle, à la fois religieuse et occidentale, forge sa vision. Il s’inscrit ensuite à l’Université de Dakar pour y étudier le droit, avant de rejoindre l’École nationale de la France d’outre-mer (ENFOM) à Paris en 1959. Cette formation administrative de haut niveau le prépare à sa future carrière au service du jeune État sénégalais. Dès l’indépendance en 1960, il rentre au Sénégal et intègre la fonction publique.
L’ascension au cœur du pouvoir
Abdou Diouf gravit rapidement les échelons au sein de l’administration et du gouvernement. De 1961 à 1962, il est gouverneur de la région du Sine-Saloum. Puis il est nommé directeur de cabinet du président Léopold Sédar Senghor en 1963, avant de devenir Secrétaire général de la Présidence de la République de 1964 à 1968. De 1968 à 1970, il occupe le poste de ministre du Plan et de l’Industrie.
C’est en février 1970 qu’il accède à la fonction de Premier ministre. Pendant onze ans, il travaille aux côtés de Senghor, ce qui le positionne naturellement comme son successeur.
Un mandat marqué par des réformes et des défis
Le 1er janvier 1981, Abdou Diouf devient le deuxième président de la République du Sénégal après le retrait de Léopold Sédar Senghor. Sa présidence est une période de grandes transformations. Entre réformes politiques, défis économiques et rôle diplomatique, Abdou Diouf tient le cap. La première action notable de son mandat est l’instauration du multipartisme intégral en 1981, un tournant majeur pour la démocratie sénégalaise.
Il remporte ensuite les élections de 1983, 1988 et 1993, consolidant son autorité. Confronté à une crise économique mondiale, il met en place des programmes d’ajustement structurel pour stabiliser l’économie du pays. Sur la scène internationale, il préside l’Organisation de l’unité africaine (OUA) à deux reprises (1985-1986 et 1992), contribuant à faire entendre la voix de l’Afrique.
L’alternance démocratique et la carrière internationale
Après 19 ans au pouvoir, Abdou Diouf perd l’élection présidentielle de 2000 face à son opposant historique, Maître Abdoulaye Wade. Cette défaite, acceptée pacifiquement, est saluée comme un exemple d’alternance démocratique réussie en Afrique.
Loin de se retirer de la vie publique, il entame une nouvelle carrière internationale. Le 20 octobre 2002, il est élu Secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) à Beyrouth. Il sera réélu à l’unanimité en 2006 et 2010, avant de quitter ses fonctions en 2014, après avoir modernisé l’institution et œuvré pour la promotion de la langue française, de la démocratie et des droits de l’homme.
Abdou Diouf reste aujourd’hui une figure respectée, symbole d’une transition politique réussie et d’un engagement constant au service de la paix et du dialogue.
Djibril DIAO
PS: Pour célébrer ses 90 ans le 7 septembre prochain, Le Soleil ouvre cette semaine un album souvenir dédié à Abdou Diouf, retraçant le parcours d’un bâtisseur discret et visionnaire de la démocratie sénégalaise.