Le très attendu rapport a été publié, jeudi soir. La Cour des comptes y décèle des écarts et manquements graves dans la gestion des finances publiques. Mettant dos-à-dos pouvoir et opposition.
Chaque camp y est allé de ses arguments, explications et commentaires. L’un accuse. L’autre riposte. Et c’était beau de voir tous ces accusés, dignitaires d’hier, se déchainer, se rebiffer, se défendre et essayant de se laver à grande eau pour dénoncer énergiquement les accusations de la majorité. L’objectif est connu : gagner la bataille de la communication et faire douter l’opinion nationale et internationale. La stratégie est classique. En réalité, c’est le contraire qui aurait surpris.
Donc, rien d’anormal jusqu’ici. Là où il y a véritablement matière à réfléchir, c’est le traitement qu’en a fait une grande partie de la presse nationale. En fait, beaucoup de confrères sont tombés dans le piège (peut-être inconsciemment), immergés dans un jeu d’équilibrisme brouillant davantage le message adressé aux citoyens. Et les unes de ce vendredi sont révélatrices : « Le gouvernement enfonce, l’Apr démonte », « Le pouvoir charge, l’Apr réplique », « Qui tient le FAUX ? » ou encore « La guerre des chiffres entre le pouvoir et l’ancien régime », etc.
C’est comme si certains confrères résumaient le rapport explosif du gendarme des finances publiques en un simple problème entre politiciens, oubliant qu’il s’agit de nos deniers publics qui doivent être au cœur de l’État de droit et de la démocratie. Une posture qui interpelle, mais surtout qui ne passe pas. Faut-il le rappeler, les médias doivent être en première ligne contre la corruption. Et c’est même leur raison d’être : informer juste et vrai, dénoncer les irrégularités, combattre la corruption, promouvoir la transparence et favoriser une société plus juste. De telles accusations dans un autre pays mobiliseraient tout le monde, société civile, journalistes et citoyens, dans une belle synergie, pour exiger la lumière sur les dossiers et contrats exécutés.
Parce qu’il n’y a pas de secret : pour se développer, un pays n’a que deux leviers principalement : les impôts et les recettes tirées de l’exploitation des ressources. Plus de ressources donnent normalement plus de marge au pays pour financer son développement. Et cela se confirme sur le terrain : Chine, États-Unis, Russie, Japon, France, Allemagne se sont tous développés grâce à leurs ressources. Mais ce qui a fonctionné et fait le bonheur des populations ailleurs ne marche visiblement pas chez nous, en Afrique. En effet, le continent regorge de pays immensément riches en ressources dans tous les domaines, mais véritablement très pauvres. Croulant sous les dettes. Sans industries. Important tout. Avec des systèmes de santé défaillants. Des écoles et universités repoussantes. Des taux de chômage records.
En somme, une pauvreté endémique. Pourquoi ? C’est simple : parce que chez nous, on peut encore s’amuser avec l’argent public et dormir tranquille. Sans être inquiété. Incroyable, mais vrai. Nous sommes un des rares continents où on peut tout se permettre de voler, vider les caisses de l’État et falsifier des documents pour se bâtir un pactole et se pavaner dans les rues. Les exemples de simples fonctionnaires ou hommes d’affaires (sans affaires ni entreprises) devenus milliardaires foisonnent. On les rencontre dans tous les pays du continent.
Ces gens qui ont peu travaillé, rien hérité de leurs parents, mais qui ont profité des failles d’un système pour se bâtir une fortune. Ils roulent dans de rutilantes voitures, vivent dans de somptueuses et inégalables villas, n’hésitant pas parfois à snober les populations et à exhiber leurs richesses. Et ces voyous à col blanc sont très malins. Pour blanchir l’argent volé des caisses de l’État ou obtenu en échange de juteux contrats, ils intègrent le champ politique, infiltrent les palais présidentiels, les familles religieuses ou se font des amis dans la presse. Dans un pays comme le Sénégal, c’est la meilleure manière d’échapper à dame justice et éviter, par conséquent, un séjour carcéral.
abdoulaye.diallo@lesoleil.sn