Créé en 1998, le Parti de l’unité et du rassemblement (Pur) a connu des succès électoraux notables ces dernières années. Mais, il est également le théâtre de tensions internes, notamment en ce qui concerne le sort de ses secrétaires généraux après chaque élection. Des analystes politiques décortiquent le destin de ces derniers.
Il est impossible de dissocier le parcours du Parti de l’unité et du rassemblement (Pur) de celui de son chef et responsable moral, Serigne Moustapha Sy. Le Pur, c’est avant tout la vision et la posture de son leader. Cet homme religieux en est le guide moral, spirituel et politique. Bien que la formation politique ait été fondée en 1998, elle n’a réalisé une percée électorale que récemment. Lors des élections législatives du 30 juillet 2017, le Pur a fait son baptême du feu dans les urnes. Sa liste nationale était dirigée par l’universitaire El Hadji Issa Sall, ingénieur en informatique et fondateur de l’Université du Sahel. Le Pur a créé la surprise en déjouant les pronostics et en décrochant trois sièges à l’Assemblée nationale, se positionnant ainsi à la quatrième place, derrière les trois grandes coalitions de l’époque : « Benno Bokk Yaakaar », « Manko Taxawu Sénégal » et « Wattu Sénégal ».
Conscient de sa place sur la scène politique sénégalaise, le parti a présenté son candidat à l’élection présidentielle de 2019. El Hadji Issa Sall a été choisi une nouvelle fois. Il a obtenu l’investiture de sa formation politique le 8 décembre 2018 et sa candidature a été validée par le Conseil constitutionnel quelques semaines plus tard. Il s’est classé quatrième à l’issue de cette élection remportée par Macky Sall. Il est aussi derrière Idrissa Seck et Ousmane Sonko, mais devant Madické Niang. Après cette élection, le Pur a rejoint la coalition « Yewwi Askan Wi » pour les élections locales de 2022. Le parti a réussi à obtenir plus de 600 conseillers municipaux et départementaux, six maires et une centaine d’adjoints au maire.
Dans le cadre de cette même coalition, le Pur a décroché 11 sièges à l’Assemblée nationale lors des élections législatives de juillet 2022. Pour mener les « troupes » lors de l’élection présidentielle de mars 2024, Serigne Moustapha Sy a choisi un profil international pour tenter de gagner l’élection nationale. Aliou Mamadou Dia, fonctionnaire du Système des Nations unies, est rentré au bercail pour mener la bataille. Il a terminé troisième parmi les 19 candidats en lice et a retrouvé son statut dans le système onusien en devenant représentant résident du Pnud au Liberia. Des directives à appliquer Les observateurs l’ont souvent rappelé : le Pur, c’est la méthode dans l’organisation et un guide dans la vision.
Mais, gare aux secrétaires généraux au lendemain des élections. Leur destinée à la tête du secrétariat national dépend de la volonté du guide suprême. El Hadji Issa Sall a été « écarté » de son poste après son rapprochement avec l’ancien président Macky Sall suite à la présidentielle de 2019. Actuellement, une crise couve au sein du Pur. L’actuel secrétaire général national, Cheikh Tidiane Youm, élu député sur la liste « Samm Sa Kaddu », semble être sur un siège éjectable. Certains responsables du parti réclament sa tête. Ils l’accusent de « semer la zizanie et d’approfondir les désaccords » entre la base et la direction ». Ces accusations ne sont pas prises au sérieux par l’intéressé. « C’était un groupuscule qui parlait. C’est un détail. C’est anecdotique. Je suis en réunion avec les responsables du parti. Le parti continue sa vie », a répondu le député, promettant d’en parler en temps voulu.
Cependant, des questions se posent. Pourquoi les secrétaires généraux du Pur sont-ils souvent menacés après chaque échéance électorale ? Ont-ils une marge de manœuvre ou sont-ils simplement là pour appliquer les directives du responsable moral ? L’analyste politique Mamadou Seck souligne que le « Pur fonctionne selon les principes d’une confrérie, d’un « ndiguel » (directive) », même si c’est un parti légalement constitué. Selon lui, « le Pur sait sélectionner des profils intéressants, mais ils souffrent d’un manque de background politique et d’expérience. Cela fragilise leur légitimité au sein du parti. S’ils avaient une légitimité construite dans le temps, il serait difficile de les évincer si facilement. Malheureusement, ce sont des figures qui ont été construites de toutes pièces et, lorsqu’il s’agit de les remplacer, cela ne pose aucun problème, car leur base de légitimité n’est pas solide ». M. Seck estime que les changements fréquents de secrétaire général créent une instabilité.
« La légitimité se construit dans le temps. Les conquêtes solides se font sur la durabilité. On ne peut pas, après chaque échéance, produire une nouvelle figure que l’opinion doit apprendre à connaître, à découvrir et à apprécier. Cela pose problème », explique-t-il. De son côté, le journaliste et analyste politique Abdoulaye Mbow déplore qu’après chaque échéance électorale, « on assiste à une sorte de purge au sein du Pur ». Pour lui, la seule solution pour mettre fin à ce cycle et garantir une longévité aux secrétaires généraux serait de réorganiser le parti. « Il faut que ce parti convoque un congrès afin de désigner, de manière transparente, un secrétaire général pour une durée définie par leurs textes.
Cela permettrait d’assurer une certaine continuité en ce qui concerne la personne qui a été élue démocratiquement par le congrès », a-t-il suggéré tout en indiquant que démettre Cheikh Tidiane Youm de ses fonctions de secrétaire général national serait une erreur pour le Pur. Ce, d’autant que, justifie-t-il, « c’est un homme politique respecté. Le mettre de côté serait perdre une voix autorisée, un très bon profil ».
Aliou DIOUF