37 ans après la proclamation de l’État palestinien par l’Organisation de libération de la Palestine (Olp), la question de sa reconnaissance internationale reste au cœur des batailles diplomatiques. Plus de 150 pays ont franchi le pas et accordé un statut officiel à la Palestine. Pourtant, certaines grandes puissances continuent de temporiser, conditionnant leur décision à un accord politique global avec Israël.
À ce jour, environ 157 des 193 états membres de l’Onu reconnaissent la Palestine comme un État souverain, soit plus des trois quarts de la communauté internationale. Dès la fin des années 1980, les pays arabes, africains, asiatiques et latino-américains avaient massivement soutenu la proclamation palestinienne. L’Algérie, la Tunisie, l’Afrique du Sud, l’Inde, la Chine, le Brésil ou encore l’Indonésie font partie des soutiens historiques, rejoints progressivement par une grande partie du monde en développement.
En Europe, le mouvement était longtemps resté timide. Quelques pays comme la Suède avaient pris les devants dès 2014. Mais depuis 2024, la dynamique s’est accélérée. L’Irlande, la Norvège, l’Espagne, la Slovénie, puis la Jamaïque, le Bahama, et Trinité-et-Tobago ont officialisé leur reconnaissance. L’année 2025 marque un tournant : le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et le Portugal ont basculé, suivis au printemps par la France, la Belgique, le Luxembourg, Monaco, Malte et Andorre. Ces décisions coordonnées traduisent un basculement de la diplomatie occidentale et portent à un niveau record le nombre d’États reconnaissant la Palestine.
Malgré cette avancée, certains pays influents refusent toujours de franchir le pas. Les États-Unis, allié indéfectible d’Israël, estiment que la reconnaissance ne peut découler que d’un accord bilatéral et craignent qu’une décision unilatérale ne radicalise les positions. L’Allemagne et l’Italie partagent cette prudence, mettant en avant la nécessité de préserver un cadre de négociation. Le Japon et la Corée du Sud, proches des positions américaines, refusent eux aussi de reconnaître la Palestine tant qu’un règlement global n’aura pas été trouvé.
À l’inverse, d’autres puissances affichent un soutien clair. La Chine et la Russie reconnaissent depuis longtemps la Palestine et utilisent ce dossier comme levier diplomatique face aux États-Unis. De même, l’Afrique du Sud, l’Inde, le Mexique ou l’Argentine plaident pour une pleine intégration de la Palestine au sein de la communauté internationale.
Un enjeu politique et symbolique
Pour l’Autorité palestinienne, chaque nouvelle reconnaissance est perçue comme une victoire diplomatique, renforçant sa légitimité et sa capacité d’action dans les enceintes internationales. Depuis 2012, la Palestine dispose du statut d’État observateur non membre à l’Onu, ce qui lui permet de participer aux travaux de l’Assemblée générale et d’adhérer à plusieurs agences et traités internationaux. Du point de vue des pays qui franchissent le pas, la reconnaissance est un moyen de rappeler leur attachement à la solution à deux États, jugée comme la seule issue durable au conflit israélo-palestinien. Pour beaucoup, il s’agit aussi d’un geste politique fort destiné à répondre aux violences récurrentes à Gaza et en Cisjordanie, ainsi qu’aux attentes de leurs opinions publiques. La multiplication des reconnaissances par des pays occidentaux, longtemps prudents, reflète un changement de perception lié à la guerre à Gaza déclenchée en 2023 et à la crise humanitaire qui a suivi. Plusieurs gouvernements européens, confrontés à une opinion publique largement favorable à la reconnaissance de la Palestine, ont décidé de coordonner leurs décisions pour peser sur le rapport de force diplomatique. Toutefois, le chemin reste semé d’embûches. Israël rejette catégoriquement toute reconnaissance unilatérale, y voyant un affaiblissement de ses marges de négociation et une menace pour sa sécurité. Les États-Unis et leurs alliés les plus proches continuent de plaider pour une approche conditionnée, estimant qu’une reconnaissance hors processus de paix pourrait geler les discussions. Si la majorité des États ont reconnu la Palestine, l’absence d’un consensus parmi les grandes puissances occidentales freine encore son accession pleine et entière au statut de membre de l’Onu.
Aly DIOUF