Dans cet entretien, le 7e vice-président de l’assemblée nationale, Samba Dang, revient sur la portée du dernier réaménagement ministériel qui, d’après lui, doit permettre d’aller vers la redynamisation de l’action gouvernementale. Le coordonnateur départemental de Pastef/Mbirkilane a aussi insisté sur la nécessité d’une plus grande responsabilisation des politiques en charge des affaires publiques.
Honorable, quel regard portez-vous sur le dernier réaménagement ministériel du 6 septembre dernier ?
C’est un réaménagement ministériel qui était nécessaire dans la mesure où il fallait apporter des réponses aux Sénégalais qui commençaient à se poser des questions sur la justice et sur l’organisation gouvernementale. Dans ce sillage, nous avons vu une réorganisation de certains ministères comme celui du Tourisme, qui est désormais lié à l’Artisanat et la Culture. Je félicite notre camarade, le ministre Amadou Ba. Nous avons aussi essayé d’organiser les infrastructures avec le ministre Déthié Fall à qui l’on souhaite un plein succès. Ce n’est pas un remaniement ministériel, mais un réaménagement ministériel. Un gouvernement, c’est l’expression de la volonté populaire et de temps en temps, on a besoin d’avoir des mises à jour. En outre, il fallait donner un nouveau souffle à l’action gouvernementale dont les défis et les enjeux sont en perpétuelle mutation. Nous espérons que ce réaménagement va prendre en charge toutes les questions liées à la réalisation de l’agenda transformationnel « Vision Sénégal 2050 » afin d’améliorer le quotidien des Sénégalais. L’opposition a dénoncé la politisation des postes de souveraineté (Justice et Intérieur) avec des personnalités proches de Pastef, ce qui constitue, à leurs yeux, le premier jalon du Parti-État.
Que répondez-vous face à ces allégations ?
Selon moi, c’est un faux débat. Quand vous partez à la conquête du pouvoir, vous le faites en compagnie d’une équipe. Dans l’exercice du pouvoir, il est tout à fait naturel de travailler avec les collaborateurs qui vous ont accompagné dans cette quête. Vous allez aux États-Unis, on vous parle d’administration Trump qui dirige avec son équipe. On cherche donc le pouvoir avec ses gens de confiance et le gère avec ses proches collaborateurs. Je pense que les gens oublient que nous avons été victimes de la judiciarisation dans l’espace politique. Vous ne pouvez pas être victime de cette forfaiture et cherchez à la reproduire contre vos opposants. Nous avons les hommes qu’il faut à la place qu’il faut. Le Pastef regorge de talents et de cadres susceptibles de conduire les affaires de l’État. Nous souhaitons juste qu’ils puissent être à la hauteur de la confiance que le chef de l’État et son Premier ministre leur ont accordée afin de remplir au mieux leurs missions au service des Sénégalais. L’Assemblée a adopté la loi liée à la Rutel. Certains Sénégalais estiment que cela va renchérir les coûts des transactions de mobile money pour les consommateurs.
Le gouvernement qui s’est engagé à répondre à la demande sociale n’évolue-t-il à contrecourant de sa politique avec cette mesure ?
Je ne pense pas qu’il faut voir cette problématique sous l’angle d’un enrichissement du coût de la vie pour les consommateurs. C’est un partage des gains entre l’État, les entreprises de mobile money et les citoyens. Il y a très peu de risques que ça alourdisse le panier de la ménagère. Cette petite contribution émanant de la redevance sur l’accès ou l’utilisation du réseau des télécommunications publiques (Rutel) sera autant bénéfique pour l’État que pour le citoyen. Parce que tout ce qui sera tiré de cette redevance sera redirigé vers des politiques sociales comme la santé, l’éducation, l’agriculture, le logement et les secteurs primaires. Ce développement des filets sociaux va permettre d’augmenter les bourses sociales au bénéfice des populations. Récemment, les détenus politiques ont manifesté pour réclamer plus de célérité de la justice concernant les violences entre mars 2021 et juin 2024.
Quelle est votre position sur cette affaire alors que vous avez défendu la loi d’interprétation de la loi d’amnistie abrogée par le Conseil constitutionnel ?
D’abord, j’aimerais apporter ma compassion à toutes les familles de victimes des violences politiques. Dans mon département de Mbirkilane, la famille d’une des victimes me demande toujours qui a été l’auteur de l’assassinat de leur papa et de leur fils, Tamsir Cissé. En tant que député et responsable politique, j’ai le devoir de leur apporter une réponse. Si les procédures judiciaires tardent à se mettre en œuvre, nous devons veiller à ce que la justice se mette en branle pour leur rendre justice. Ensuite, l’association des victimes de violences politiques à toute notre sympathie et notre soutien pour l’éclatement de la vérité sur ces sombres évènements. Par ailleurs, les associations des victimes ne doivent pas oublier que le président Bassirou Diomaye Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko qui sont aussi des ex-détenus politiques sont conscients des enjeux. Ils peuvent avoir confiance concernant une issue favorable à cette affaire. Malgré l’abrogation de la loi interprétative, ils ont toujours la possibilité de porter plainte auprès de différentes juridictions pour obtenir gain de cause. Par ailleurs, le procureur lui-même, à la fin, dans une enquête, peut s’autosaisir pour demander à faire la justice. Beaucoup de responsables de l’ancien régime sont en prison dans le cadre de la reddition des comptes. Beaucoup parlent de règlement de compte.
Est-ce que la procédure judiciaire dans ces dossiers garantit les droits des prévenus ?
Nous sommes pour la responsabilisation des personnalités politiques en charge des biens publics. Si vous demandez à être responsabilisé dans la gestion des affaires publiques, vous devez aussi avoir l’honnêteté de dire que je suis prêt à rendre compte de ma gestion. Pour nous, ce n’est pas un problème politique. Ils (ndlr : anciens responsables de l’ancien régime) ont eu maille à partir avec la justice. Une justice qui travaille en toute indépendance et en toute sérénité sur la base de rapports de corps de contrôle de l’État qui datent de l’ère Macky Sall. Une personne qui n’est pas fonctionnaire, ni gestionnaire et qui cautionne à hauteur de 400 milliards de FCfa, c’est très louche. Ça veut dire qu’aujourd’hui, si on lui avait demandé de cautionner à hauteur de 800 milliards de FCfa, est-ce qu’il allait le faire ? La question mérite d’être posée. Nous sommes dans l’ère du processus de la reddition des comptes et de la visibilité financière.
Que répondez-vous aux déclarations des organisations des droits de l’homme qui s’inquiètent des conditions de détention de certaines personnalités politiques ?
Je pense que l’opposition doit arrêter cette campagne de dénigrement de notre justice qui est au service des Sénégalais. Il faut savoir qu’être en prison n’a rien à voir avec l’état de santé de la personne. Si un détenu veut lier son état de santé à son emprisonnement, ça pose énormément de problèmes. C’est deux choses qui n’ont rien à voir. Combien de Sénégalais sont en prison ? C’est plus de 13 000, voir 14 000 personnes. Est-ce que tous ses milliers de personnes peuvent dire que leur état de santé n’est pas compatible avec l’emprisonnement. Aucun état de santé n’est compatible avec la prison. L’administration pénitentiaire a prévu le pavillon spécial. Il ne faut pas oublier que le président Ousmane Sonko qui était détenu a été interné dans un pavillon spécial bis à l’hôpital Principal après qu’il était tombé dans le coma. À cette époque, on a vécu une nuit terrible et si l’on nous avait dit que le président Ousmane Sonko allait survivre, on n’allait pas y croire. Il avait perdu la sensibilité d’une partie de son corps. Cela n’a pas empêché qu’il demeurât dans les rigueurs de la détention. Donc, aujourd’hui, les hommes politiques qui veulent se ranger derrière cet alibi en prison me paraissent peu crédibles. Nous demandons juste que la justice continue à faire son travail. On vous présente comme un député proche du monde rural et partisan de l’exploitation agricole familiale.
En quoi est-ce important de préserver la capacité productive de nos terroirs afin d’assurer la souveraineté alimentaire ?
Nous devons aller vers le développement de l’exploitation agricole familiale pour assurer l’autosuffisance alimentaire. Il est nécessaire que l’État les accompagne à travers les Coopératives agricoles communautaires (Cac). L’idée de la coopérative agricole est bonne, mais dans la matérialisation, il nous faut aller vers des coopératives d’exploitation. Ce système ne sera plus basé sur la commune, mais sur un regroupement de surfaces cultivables cohérentes. Nous devons aussi aller vers un regroupement des exploitations agricoles et former des joint-ventures avec des acteurs privés à travers un système d’actionnariat. Cette démarche nous permettra par la suite d’aller vers la transformation, agricole qui sera du ressort des Groupements d’intérêt économique (Gie) et des groupements de femmes pour la commercialisation. La création de cette chaine de valeur sera bénéfique pour les paysans qui ne seront pas obligés de se transformer en ouvrier agricole. Dans cette dynamique le programme « Sen Souf » qui est un plan gouvernemental qui permet de délimiter votre domaine agricole et permet d’avoir une délibération à la mairie. Une immatriculation qui permettra de lever des fonds pour pouvoir exploiter sa surface agricole. On espère que ce programme sera vulgarisé à travers toute l’étendue du territoire pour favoriser la sécurité alimentaire dans notre pays.
Entretien réalisé par Mamadou Makhfouse NGOM (texte) et Ndèye Seyni SAMB (Photo)