ENTRE INTERDICTION ET NÉCESSITÉ D’ÉVOLUTION

Sondages sous embargo : mesurer l’air du temps ou peser l’avenir ? (1/5)

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La fréquence des alternances au sommet de l’Etat confirme la vitalité de la démocratie sénégalaise. Pour autant, la question des sondages d’opinions reste en suspens. Qui pèse quoi en dehors des élections ? Quel est l’indice de popularité des leaders ? Dès lors, les perceptions sur « l’air du temps » continuent à forger des convictions et assoir des réputations sur la seule base des médias et des réseaux sociaux. Alors que la loi interdisant la publication des sondages durant les périodes électorales vise à protéger l’opinion publique contre la manipulation, des acteurs politiques jugent cette réglementation « obsolète » et plaident pour sa réévaluation.

24 mars 2024. Un vent de changement souffle sur le Sénégal. Une nouvelle alternance, la troisième depuis l’indépendance, est actée au premier tour de scrutin. Bassirou Diomaye Diakhar Faye est élu président de la République du Sénégal avec plus de 54 % des voix. Ce scrutin a été précédé par une guerre des chiffres pour ne pas dire des « sondages ». Entre enquêtes d’opinion prédisant une victoire éclatante de Bassirou Diomaye Faye et scores annonçant la victoire d’Amadou Ba, candidat de la coalition Benno Bokk Yakar. Cette bataille eut surtout lieu sur les réseaux sociaux. Des chiffres sans aucune base scientifique partagés sur la toile pour faire de son candidat le futur locataire du palais. Illustration, sur X (ex twitter), un sondage non sourcé annonçait Amadou Ba vainqueur, suivi de près par Khalifa Sall, puis par Bassirou Diomaye Faye. Toutes ces publications, dépourvues de fiabilité, sont illégales, car, au Sénégal, la publication de sondages d’opinion est interdite pendant la période préélectorale et électorale, à compter de la date de publication au Journal officiel du décret portant convocation du corps électoral jusqu’à la publication définitive des résultats du scrutin. « La publication ou la diffusion de tout sondage d’opinion ayant un rapport direct ou indirect avec un référendum ou une élection réglementée par le code électoral est interdite à compter de la date de publication au Journal officiel du décret portant convocation du corps électoral jusqu’à la publication définitive des résultats du scrutin », précise la loi du 14 avril 1986 interdisant les sondages d’opinion. L’ambition de cette loi est de protéger l’opinion publique sénégalaise contre toute manipulation à des fins politiques et commerciales. Les manquements à cette loi peuvent entraîner des peines et amendes prévues par le Code pénal pour diffusion de fausses nouvelles.

Une loi « obsolète et impertinente »

L’ancien député Cheikh Oumar Sy estime que la loi interdisant les sondages d’opinion est « obsolète ». Selon lui, elle doit être revisitée. L’opinion publique, indique-t-il, doit avoir un baromètre pour mesurer la perception des Sénégalais vis-à-vis de la mise en œuvre des politiques publiques et de l’analyse des impacts, y compris ceux liés à la politique et à la vie des partis. « Cette loi n’a plus sa raison d’être. Il faut laisser les structures capables de réaliser des sondages faire leur travail et s’assurer au maximum de la fiabilité. Puisque le seul danger qui menace est la manipulation des chiffres et le traitement de l’information qui peut être orientée dans un sens comme dans l’autre. Il faut, pour cela, la crédibilité des structures qui réalisent ces enquêtes », a déclaré l’ancien parlementaire. Il ajoute : « Il est important que l’opinion publique puisse être mesurée par des sondages pour mieux orienter les politiques publiques, avoir une appréciation de ce qui est mis en œuvre et aider les décideurs à comprendre où les populations souhaitent que l’on concentre les priorités. Donc, il est nécessaire que ces sondages soient accessibles aux décideurs publics. »

L’ancien maire de Kaffrine et porte-parole du Parti socialiste, Abdoulaye Wilane, abonde dans le même sens. Pour lui, cette loi est « obsolète et inappropriée ». Il explique son point de vue : « Les sondages d’opinion sont des éléments d’évaluation qui peuvent être utiles à un gouvernement, à un décideur et aux acteurs publics en général ». De ce point de vue, il pense qu’il faut s’adapter. L’adaptation, précise-t-il, est une disposition d’esprit et de comportements permettant à l’institution et aux décideurs de s’ajuster. « Aujourd’hui, nous avons besoin, certes, de gouvernants qui ont une vision claire de ce qu’ils veulent faire, une détermination à aller dans le sens de leur conviction, mais aussi d’une capacité à réformer et à envisager l’évolution des choses dans l’avenir », a-t-il indiqué. Selon lui, tout le monde effectue des sondages, qui sont réalisés en fonction d’objectifs précis, qu’ils soient généraux ou spécifiques. « Un décideur politique doit toujours recourir à une étude d’opinion et à l’analyse des données scientifiques pour savoir quoi faire, comment le faire, à partir de quelles ressources et dans quelle séquence temporelle », a-t-il souligné, ajoutant même que les enquêtes de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd) sont une forme de sondage. Il clame donc : « Je ne vois pas pourquoi il faudrait interdire les sondages ». Mais au-delà de nos frontières, certains maintiennent la même posture que le Sénégal. Dans l’Union européenne, seize des vingt-sept pays interdisent la publication des sondages avant le jour du vote. Trois pays (Italie, Slovaquie et Luxembourg) interdisent la diffusion plus de sept jours avant les élections. C’est tout à fait le contraire aux États-Unis. Au pays de l’oncle Sam, la publication des sondages est considérée comme une liberté d’expression, et donc, ils peuvent être publiés à tout moment. En France, une interdiction de publication a longtemps été en vigueur, mais certains médias enfreignent toujours cette mesure.

Mise en place d’une commission nationale de sondages

Contrairement aux parlementaires, le journaliste et chroniqueur judiciaire, Daouda Mine pense que cette interdiction a encore tout son sens, compte tenu du nombre pléthorique de partis politiques au Sénégal, de la manipulation observée dans le paysage politique et du non-respect des règles techniques indispensables à la fiabilité des sondages. « Si la publication de ces sondages était autorisée, l’opinion serait encore plus brouillée et les contestations électorales exacerbées, chaque parti pouvant brandir un sondage commandité pour soutenir ses allégations », prévient-il, tout en précisant qu’il n’est pas interdit à un parti politique de faire réaliser un sondage par un institut pour sa propre information. Ce qui est interdit par la loi, c’est la publication des résultats de ces sondages. Selon Daouda Mine, cette loi ne constitue pas une entrave à la liberté d’expression, surtout que les électeurs peuvent s’exprimer librement par la voie des urnes. Les différentes alternances que le Sénégal a connues, dans la paix et la sérénité, le prouvent amplement. « Cette loi sert juste à réglementer le secteur, ce qui est une prérogative régalienne reconnue à tout État », explique-t-il. En effet, la publication des sondages n’est pas interdite à tout moment. En dehors de la période préélectorale, elle est soumise à deux validations : la détention, par l’organisme qui procède à l’enquête, d’un agrément de la commission nationale des sondages (article 16), et l’obtention, par ce même organisme, d’une autorisation de publication, sur la base d’un certain nombre d’éléments à présenter à la commission (articles 17 et décret 86-616 du 22 mai 1986). D’après Daouda Mine, l’État a l’obligation de mettre en place une « commission nationale des sondages » qui devrait superviser les enquêtes d’opinion sénégalaises et donner les autorisations aux instituts de sondage avant publication. Malheureusement, il regrette que « cette commission n’ait pas été instituée ».

Selon Daouda Mine, cette loi ne constitue pas une entrave à la liberté d’expression, surtout que les électeurs peuvent s’exprimer librement par la voie des urnes. Les différentes alternances que le Sénégal a connues, dans la paix et la sérénité, le prouvent amplement. « Cette loi sert juste à réglementer le secteur, ce qui est une prérogative régalienne reconnue à tout État », explique-t-il. En effet, la publication des sondages n’est pas interdite à tout moment. En dehors de la période préélectorale, elle est soumise à deux validations : la détention, par l’organisme qui procède à l’enquête, d’un agrément de la commission nationale des sondages (article 16), et l’obtention, par ce même organisme, d’une autorisation de publication, sur la base d’un certain nombre d’éléments à présenter à la commission (articles 17 et décret 86-616 du 22 mai 1986). D’après Daouda Mine, l’État a l’obligation de mettre en place une « commission nationale des sondages » qui devrait superviser les enquêtes d’opinion sénégalaises et donner les autorisations aux instituts de sondage avant publication. Malheureusement, il regrette que « cette commission n’ait pas été instituée ».

Aliou DIOUF

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