[SOUVENIRS] Mamadou Dia, héros de l’indépendance: Un symbole d’intégrité et de résistance ! 

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17 décembre 1962 – 17 décembre 2024. Voilà 62 ans, jour pour jour, qu’a été déclenchée la première grande crise politique sénégalaise de 1962. Condamné et emprisonné, Mamadou Dia, ce « grand baobab habité par un peuple d’oiseaux », pour reprendre l’expression chère à Joseph Ki-Zerbo, est considéré comme l’un des pères de l’indépendance sénégalaise. Aujourd’hui, la mémoire effacée de ce symbole de la résistance est ravivée.

 

Mamadou Dia en cinq dates par @Cheikh Tidiane Ndiaye Le Soleil

En politique, Mamadou Dia n’était pas du tout un poisson dans l’eau ; il étouffait, manquait d’oxygène en ces lieux qui avaient la réputation d’empester d’odeur pestilentielle du péché, de l’indifférence, de l’incurie et du manque criant de souci moral pour son prochain. Dès les premiers mois de 1962, des désaccords sont nés entre Senghor et lui. Et peu à peu, le fossé entre les deux s’est rapidement creusé. Là où le président poète, plus modéré, favorisait une continuité avec la France, « Mawdo », lui, adoptait des positions plus radicales.

 

En décembre de la même année, une motion de censure orchestrée par des députés proches de Senghor visait à renverser son gouvernement. Refusant cette tentative, Dia demanda l’intervention de la gendarmerie à l’Assemblée nationale. La motion fut finalement adoptée, et Mamadou Dia fut arrêté le 18 décembre 1962 pour « tentative de coup d’État ». Condamné à perpétuité en mai 1963, il passa douze ans derrière les barreaux avant d’être libéré en 1974.

Mais Dia est un symbole de résistance. Car pour pardonner douze années de déportation loin des siens, il faut plus qu’une vie et de simples convictions politiques. Mamadou, « le premier Mawdo », n’est pas en ces lieux où on le cherche, ce banal militantisme, cet engagement d’écolier ; il possédait sans nul doute une dimension spirituelle intemporelle qui réside dans son impétueux désir de bien faire et d’améliorer les choses. Des traits de caractère qu’il tire d’un parcours hors norme.

 

Socialiste autogestionnaire

 

Mamadou Dia en compagnie de Léopold Sédar Senghor

Né en 1910 à Khombole, dans le département de Thiès, Mamadou Dia, diplômé de l’École normale William-Ponty, commence sa carrière comme instituteur avant de s’engager en politique avec Léopold Sédar Senghor au sein du Bloc démocratique sénégalais (BDS), fondé en 1948. Président du Conseil des ministres en 1956, c’est lui qui signera, quatre ans plus tard, les accords d’indépendance du Sénégal, instituant un régime parlementaire bicéphale où les deux hommes se partagent le pouvoir exécutif. Le poète Senghor, président de la République et gardien de la Constitution, a une fonction de représentation, surtout à l’international. L’ancien instituteur Dia, de son côté, élabore la politique intérieure et économique du pays. À ce poste, il porte une vision économique et sociale ambitieuse, prônant la rupture avec l’ancienne puissance coloniale et une souveraineté économique basée sur l’autogestion et la réforme des structures agricoles.

 

Pendant des décennies, Mamadou Dia reste écarté de la mémoire officielle. L’histoire de l’indépendance sénégalaise est alors largement centrée autour de Léopold Sédar Senghor, présenté comme l’artisan de l’unité nationale. Dia, perçu comme un symbole de radicalisme politique, subit l’ombre imposée par son rival. Pourtant, ses idées visionnaires, notamment son socialisme autogestionnaire et sa volonté de rompre avec les structures économiques héritées de la colonisation, continuent d’inspirer certaines figures politiques et mouvements sociaux.

 

Libéré, donc, en 1974, il reprend rapidement le chemin de la politique avec la création du Mouvement pour le socialisme et l’unité (MSU). En 1983, il se présente à l’élection présidentielle, affirmant sa volonté de réformer profondément l’économie et les institutions sénégalaises. Toutefois, son influence reste limitée face à un système politique dominé par le Parti socialiste (PS) de Diouf et des héritiers de Senghor.

 

Son rôle historique sera progressivement réhabilité à partir des années 2000. Abdoulaye Wade, élu président, contribue à cette reconnaissance en rendant hommage à son ancien mentor et en saluant son intégrité politique. La jeunesse politique sénégalaise, en quête de nouvelles figures inspirantes, redécouvre alors la pensée et l’héritage de Mamadou Dia, qui s’est éteint le 29 janvier à Dakar à l’âge de 99 ans.

 

Raviver la mémoire oubliée de Mamadou Dia

 

Que reste-t-il de l’héritage de Mamadou Dia, cette figure emblématique de l’indépendance de notre pays ? En 2019, le building administratif de Dakar est renommé en son nom par le président Macky Sall, tandis que des initiatives telles que la Fondation Mamadou Dia pour l’économie humaine, dirigée par Moustapha Niasse, tentent de préserver son héritage intellectuel. Toutefois, pour de nombreux observateurs, ces gestes symboliques ne sont pas à la hauteur de son rôle dans la construction de l’État sénégalais moderne.

 

C’est pourquoi, en décembre 2022, une plaque commémorative a été posée sur la place qui porte son nom dans la ville de Thiès. Un hommage post mortem initié par le maire de la commune, Babacar Diop, élu en janvier de la même année sous les couleurs de la coalition de l’opposition Yewwi Askan Wi, destiné à raviver la mémoire oubliée de l’ancien compagnon de route de Léopold Sédar Senghor, devenu son rival. « J’ai toujours été impressionné par Mamadou Dia, son destin inachevé et son parcours tragique », confiait le philosophe, au journal Le Monde.

 

Ce qui confirme qu’aujourd’hui, l’histoire du « premier Mawdo » transcende les clivages politiques. De nouveaux partis comme Pastef-Les Patriotes d’Ousmane Sonko se réclament de son héritage, adoptant son discours sur la souveraineté économique et la nécessité de réformer les structures héritées de la colonisation. « Dès 1957, il dénonçait le franc CFA et militait pour une indépendance monétaire », soulignait avec fierté l’opposant d’alors Moustapha Sarré, devenu ministre, porte-parole du gouvernement de Bassirou Diomaye Faye. Il voit en lui un précurseur des combats contemporains pour une souveraineté africaine.

Le Pastef a baptisé son siège « Keur Mawdo » en hommage à celui qui est aujourd’hui considéré comme un modèle d’intégrité et de rigueur dans la gestion des affaires publiques. Son engagement pour un patriotisme économique, sa volonté de bâtir un État souverain et indépendant des influences étrangères, ainsi que son refus des compromissions, en font une figure incontournable pour les jeunes générations africaines.

Soixante-deux ans après sa chute, le parcours de ce baobab continue de fasciner et d’inspirer les nouvelles générations. Arbre-roi de la savane, symbole de longévité et de force totémique, cet imposant emblème ne change pas quelle que soit la saison offrant le gîte, le couvert et la liberté à tous « ses enfants ». Pour refléter cette grande figure qui ne transhume pas selon la position du pouvoir et de la gloire, Mamadou Dia mourra digne, défendant sans faille les principes qui fondent notre jeune République : le Sénégal.

 

Par Salla GUEYE

 

 

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