Le Premier ministre et son équipe gouvernementale feront face aux députés de la 15e Législature ce 27 décembre pour la Déclaration de politique générale (Dpg). Ousmane Sonko est-il tenu de poser la question de confiance au terme de cet exercice ? Une motion de censure de l’opposition peut-elle prospérer ?
Au Sénégal, nombreux sont ceux qui assimilent la Dpg à une motion de censure ou à une question de confiance, deux mécanismes parlementaires utilisés pour tester la majorité à l’Assemblée nationale.
Cependant, dans ce cas précis, il n’existe aucun risque juridique susceptible d’entraîner un vote de confiance lors de la Déclaration de politique générale du Premier ministre. L’explication réside dans la Constitution du Sénégal, qui, dans son article 55, dispose : « Après sa nomination, le Premier ministre fait sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale. Cette déclaration est suivie d’un débat qui peut, à la demande du Premier ministre, donner lieu à un vote de confiance. En cas de vote de confiance, celle-ci est accordée à la majorité absolue des membres de l’Assemblée nationale. »
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Il est évident que cette disposition indique très clairement que la Dpg est suivie d’un débat qui peut, à la demande du chef du gouvernement, donner lieu à un vote de confiance. Il s’agit d’une option offerte au Premier ministre, qui est libre de solliciter ou non ce vote. En d’autres termes, si le Premier ministre ne demande pas le vote de confiance devant les députés, il n’y a aucune possibilité de faire tomber le gouvernement. D’autant plus que la question de confiance n’est pas une obligation, mais une démarche dépendant du choix du Premier ministre lui-même.
En effet, l’article 86 de la Constitution du Sénégal, dans sa version issue de la révision constitutionnelle n° 2016-10 du 5 avril 2016, précise : « Le Premier ministre peut, après délibération en Conseil des ministres, décider de poser la question de confiance sur un programme ou une déclaration de politique générale. Le vote sur la question de confiance ne peut intervenir que deux jours francs après qu’elle a été posée. La confiance est refusée au scrutin public à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale. Le refus de confiance entraîne la démission collective du gouvernement. »
Là encore, les mêmes remarques s’appliquent. Le Premier ministre peut décider de poser la question de confiance, mais cela ne signifie pas qu’il doit obligatoirement le faire lors de sa déclaration de politique générale. En somme, l’absence de question de confiance équivaut à l’absence de motion de censure dans ce cadre. Tel est l’esprit et la lettre des articles 55 et 86 de la Constitution.
Il pourrait cependant demander un vote de confiance, sachant qu’il est majoritaire, pour montrer qu’il bénéficie toujours de la majorité de soutien au sein de l’hémicycle.
En ce qui concerne la motion de censure, elle est peu probable. En effet, même si l’opposition venait à la déposer sur le bureau du président de l’Assemblée nationale, Ousmane Sonko ne serait pas inquiété, d’autant plus que son parti, Pastef, dispose d’une majorité confortable de 130 députés, ce qui permettrait de rejeter une telle motion.
L’histoire des motions de censure, de 1960 à aujourd’hui
Quoi qu’il en soit, depuis l’indépendance, seule l’une des cinq motions de censure soumises au vote de la Représentation nationale a abouti, le 17 décembre 1962, entraînant la célèbre crise de 1962. À l’époque, sous le régime du parti unique, l’Union progressiste sénégalaise (Ups), des députés d’une même famille politique avaient décidé de renverser le gouvernement du président du Conseil, Mamadou Dia.
Il faudra attendre la fin du mandat d’Abdou Diouf, deuxième président de la République, pour que les motions de censure refassent surface, notamment en 1998. Cette fois, l’initiative provient de l’opposition, sous l’impulsion du groupe parlementaire dirigé par l’ex-ministre Djibo Leyti Ka, ancien membre du Parti socialiste, en alliance avec l’Alliance Jëf-jël de Talla Sylla. Ils tentent de renverser le gouvernement du Premier ministre Mamadou Lamine Loum. Cette démarche n’aura toutefois pas le succès escompté, et la marche du pays vers le progrès se poursuit, toujours marquée par des débats politiques intenses. En parallèle, le système démocratique sénégalais amorce sa première alternance politique.
Ce n’est qu’en avril 2002 que le Premier ministre sous le président Abdoulaye Wade, Mme Mame Madior Boye, sera convoquée devant l’Assemblée nationale suite à une motion de censure déposée par l’honorable député Moussa Tine du groupe Alliance Jëf-jël. Toutefois, la majorité parlementaire incarnée par la coalition Sopi a rejeté cette motion, empêchant ainsi le renversement du gouvernement.
Sous le quatrième président de la République, Macky Sall, arrivé au pouvoir en 2012, le pays vit sa deuxième alternance. Le Premier ministre Abdoul Mbaye est confronté à une motion de censure déposée par le groupe parlementaire Démocratie et liberté, dirigé par Modou Diagne Fada, en décembre 2012. Cependant, cette motion est également rejetée.
Enfin, en décembre 2022, le successeur d’Abdoul Mbaye, Amadou Ba, fait face à une motion de censure déposée par le groupe parlementaire Yewwi Askan Wi, dirigé par Birame Soulèye Diop et soutenu par les députés du parti Pastef, après sa déclaration de politique générale. Cette motion échouera également, marquant la seconde tentative infructueuse de renverser un gouvernement sous la présidence de Macky Sall.
Salla GUEYE