À l’hôpital Dalal Jamm de Guédiawaye, dans la banlieue de Dakar, sur dix patients reçus, neuf sont concernés par l’infertilité, signale le gynécologue Philippe Moreira. Il explique le mode d’emploi de la Procréation médicalement assistée (Pma). Cependant, il faut débourser 2,5 millions de FCfa pour subir ce traitement.
À l’hôpital Dalal Jamm de Guédiawaye, dans la banlieue de Dakar, sous un silence pesant, des dizaines de couples attendent et fixent du regard les murs où sont exposées des affiches parlant d’ovulation, de fécondation in vitro, de calendrier hormonal. Ils sont en quête d’enfants issus de leur union après des années de mariage. Un drame pour certains, une tragédie pour d’autres. Par conséquent, lorsqu’ils ont entendu parler d’Assistance médicale à la procréation (Amp), des mariés sans enfants se sont rués vers l’établissement sanitaire, sis à Guédiawaye. « Ce sont toutes les méthodes médicales, c’est-à-dire les méthodes cliniques et biologiques, qui nous permettent d’aider les couples qui ont du mal à avoir un enfant à pouvoir justement concevoir un bébé. On ne crée pas la procréation, on l’assiste », explique le Pr Philippe Moreira, gynécologue-obstétricien à l’hôpital Dalal Jamm de Guédiawaye.
Cette méthode est-elle fondamentalement différente de la procréation naturelle ? « Il n’y a pas de différence fondamentale. Le principe, c’est que si un couple a du mal à avoir un enfant, il y a une cause. Peut-être qu’à l’intérieur de l’organisme de la mère, on n’arrive pas à avoir cette rencontre entre le spermatozoïde et l’ovule pour féconder et donner naissance à un embryon. En tout cas, pour une raison ou une autre, ce n’est pas possible. Donc, l’assistance médicale à la procréation va permettre cette rencontre, qui n’était pas possible à l’intérieur de l’organisme de la mère, au niveau du laboratoire, en utilisant le spermatozoïde et l’ovule », souligne M. Moreira. En clair, l’on facilite la rencontre entre le spermatozoïde et l’ovule au niveau du laboratoire. Le gynécologue d’ajouter : « S’il y a fécondation, on transfère l’embryon.
C’est pourquoi on dit in vitro, donc au laboratoire. On ne crée rien, on provoque juste ce qui n’arrive pas à se faire de façon naturelle ». Le Pr Mame Diarra Ndiaye, vice-présidente de l’association Fécondation in vitro au Sénégal, apporte des détails. « La fécondation in vitro est plus complexe, parce qu’il faut une bonne préparation avec une dose de médicaments très importante et une surveillance. Après cette étape, il faut aller au bloc opératoire pour prélever les ovules de la femme et les confier au laboratoire. Ensuite, le labo va prendre chaque spermatozoïde et le coupler avec un ovule. Le lendemain, cela va produire des embryons. C’est ce qu’on appelle la culture des embryons. Au 3ᵉ ou 5ᵉ jour, on les place dans l’appareil génital de la femme », expose la gynécologue-obstétricienne.
Au Sénégal, un couple sur cinq est concerné par l’infertilité, selon le Pr Philippe Moreira. Il précise qu’à partir de 35 ans, la fertilité féminine ne diminue pas : elle chute. « Si vous décidez d’avoir une grossesse à 37 ans, vous risquez de rencontrer des difficultés, car à cet âge, la fertilité est en forte baisse. 35 ou 37 ans, c’est jeune dans la société, mais pas en matière de fertilité. Aujourd’hui, peu de femmes se marient à 20 ans. Certaines attendent 25 ans, puis reportent encore le moment de faire un enfant. Malheureusement, leur réserve ovarienne est souvent déjà basse », alerte le médecin.
Selon M. Moreira, l’infertilité n’est pas seulement en hausse au Sénégal. Le phénomène est mondial, car, relève-t-il, il y a aussi des causes environnementales qui affectent autant les hommes que les femmes. Il met en exergue les éléments utilisés dans l’agriculture : pesticides, produits chimiques, etc. « Des hommes de 28, 29, 32 ans présentent des anomalies spermatiques comparables à celles d’un homme de 60 ans. C’est lié à l’alimentation, à la pollution, au stress. Les perturbateurs endocriniens présents dans les déodorants ou les produits cosmétiques jouent également un rôle », note-t-il.
L’intervention de l’État pour réduire le coût
En matière de Fécondation in vitro (Fiv), plus on est jeune, plus on a des chances de succès. Le taux de réussite peut atteindre 50 % si la patiente est jeune. « Le mode de vie compte énormément aussi : tabac, drogue, alcool, obésité… tout cela impacte la fertilité, aussi bien chez l’homme que chez la femme. D’ailleurs, ceux qui s’engagent dans une assistance médicale à la procréation doivent impérativement arrêter le tabac, car il est extrêmement nocif pour les ovules », renseigne le Dr Philippe Moreira. Le gynécologue-obstétricien mentionne qu’il faut 25 à 30 jours pour un protocole complet de Fiv. Toutefois, le problème, c’est le coût. Par conséquent, beaucoup de Sénégalais n’ont pas accès à ce type de soins. Car il faut débourser 2,5 millions de FCfa pour subir ce traitement.
« Les médicaments nécessaires ne sont disponibles qu’en pharmacie privée. Si on veut faire la Fiv à l’hôpital public, on pourrait réduire de 30 % le prix si l’État décidait d’autoriser la distribution de ces médicaments dans les établissements publics de santé aux tarifs hospitaliers. Sur un coût global d’environ 2,5 millions de FCfa, cette réduction serait significative », plaide-t-il. Pour le médecin, l’autre combat, c’est la prise en charge par les assurances : Ipm, Couverture maladie universelle… « Aucun de ces dispositifs ne couvre actuellement la Fiv, ni les examens de fertilité, ni les médicaments.
Pourtant, dans d’autres pays, la loi a intégré l’infertilité dans la liste des affections de longue durée, comme le cancer ou le diabète. L’Organisation mondiale de la santé (Oms) reconnaît d’ailleurs l’infertilité comme une maladie, pas juste un problème », informe-t-il. Selon M. Moreira, si ces mesures sont mises en œuvre, de nombreux couples auront enfin accès à ces traitements. « La souffrance des couples infertiles a été mesurée : elle est comparable à celle des patients atteints de cancer, en termes de douleur psychologique », fait-il savoir.
Par Babacar Guèye DIOP