Rokhaya Niang et Khadiatou Diallo partagent un dénominateur commun : être mères d’enfants atteints de troubles du spectre de l’autisme (Tsa). Ces deux femmes parlent presque le même langage : l’amour, le handicap, la souffrance et l’isolement ponctuent leur discours. Nous les avons contactées dans le cadre de la célébration du mois dédié à l’autisme.
Rokhaya Niang, directrice d’école, est la mère d’Assane Niang, un jeune autiste âgé de 17 ans. Sa fibre maternelle l’a aidé à détecter une anomalie dont souffrait son fils. «Quand il avait deux ans, j’ai remarqué qu’il ne parlait pas et j’ai pensé à un retard de langage », raconte-t-elle. Ce n’est que quatre ans après la naissance de leur fils, plus précisément au retour de son mari d’Espagne, qu’ils se sont rendus compte de l’évidence : leur enfant peinait à communiquer et à interagir avec les autres. Ils prennent rendez-vous à l’hôpital de Fann où il bénéficie des premiers soins. Armée de sa foi religieuse, Rokhaya s’engage à soutenir son fils avec le même amour qu’elle porterait à un enfant. « J’ai essayé de l’inscrire à l’école, mais c’était très difficile. Aucun établissement ne voulait l’accueillir », regrette-t-elle avec tristesse. En 2017, l’école Thianar Ndoye de Rufisque ouvre ses portes à Assane. Des chances de réussite lui sont offertes, mais il ne parvient pas, après trois ans d’études, à passer en classe supérieure. Elle est contrainte de le retirer de l’école. « Maintenant, il reste à la maison», dit-elle, le cœur lourd. Sa chance, dit-elle, est qu’Assane est un enfant de bon cœur. Il est non violent et très attentionné.
La colère de son fils atteint d’autisme crée le déluge chez elle « Il est spécial. Il ne parle toujours pas, mais je l’implique dans les tâches ménagères. Je l’envoie à la boutique et à la boulangerie, et il ouvre la porte lorsque quelqu’un sonne. Je fais tout pour qu’il ne s’isole pas, je le considère comme un enfant normal », explique-t-elle. Elle invite les autorités à aider les parents d’enfants autistes, car la prise en charge est coûteuse. « Les prix des médicaments sont élevés, et les séances avec les spécialistes coûtent 25.000 FCfa chacun. Pour un parent qui ne travaille pas, c’est dur comme épreuve », souligne-t-elle. Rokhaya plaide également pour la construction de centres de formation professionnelle et l’octroi de bourses d’études pour les enfants autistes, ainsi que la création d’écoles publiques spécialisées. Elle déplore que les écoles dites inclusives ne le soient que de nom. Khadidiatou Diallo, résidente à Fann-Amitié, est la mère de Mouhamed Noel Diaw, un enfant autiste âgé de 12 ans. C’est son fils unique. Au début de sa scolarité, ce dernier avait des « comportements bizarres en classe ».
Le médecin de l’établissement l’a convoquée pour l’informer de l’état de santé de son fils : il souffrait de troubles autistiques. Il lui a suggéré de l’encadrer correctement. Car, sans cela, il risquait de sombrer. Elle a été orientée vers l’hôpital de Fann pour sa prise en charge, mais faute de moyens, elle n’a pas pu assurer le suivi. « Mon époux est à la retraite et malade. J’ai donc décidé de canaliser mon fils, de l’aider à évoluer dans un environnement bienveillant et à développer certaines habiletés », explique-t-elle. A l’école primaire, Mouhamed s’en sortait tant bien que mal, bénéficiant de l’écoute et du soutien de sa maîtresse. Cependant, en classe de 6e, au lycée Seydou Nourou Tall de Dakar, il néglige ses études. « Il ne se concentre plus et préfère dessiner ou faire autre chose au lieu de suivre les explications des professeurs », déplore-t-elle.
Un autre défi est son comportement d’isolement. Il n’aime pas être en compagnie d’autres personnes et, lorsqu’il est en colère, cela peut devenir chaotique à la maison. « Lorsqu’il est aux prises à des crises, il met la maison sens dessus dessous, détruit ses affaires personnelles et devient très violent», précise-t-elle. En revanche, elle a constaté des progrès en matière d’autonomie. « Mouhamed gère maintenant ses besoins tout seul. Il se lave les dents et il est très réceptif à mes messages », raconte Khadidiatou. Elle privilégie le dialogue et lui parle avec douceur pour éviter de le mettre en colère. « Ma seule crainte est qu’il pique une crise sur le chemin de l’école où qu’il se mette en colère en plein cours. J’ai été voir ses professeurs pour leur expliquer sa maladie », dit-elle. Comme toutes les mamans vivant avec un enfant ayant un handicap, Khadidiatou demande à l’État de leur donner un coup de pouce dans la prise en charge. *
Par Aliou DIOUF