Avec l’apparition la fièvre de la vallée du Rift, le Parc des grands ruminants de Diamaguène-Sicap Mbao est sous surveillance. Si l’État a renforcé le dispositif pour contrer l’avancée de la maladie, membre de la catégorie des zoonoses, les éleveurs sont partagés entre inquiétudes et déni.
Dans la commune de Diamaguène-Sicap Mbao, le jour du 23 octobre 2025 s’est levé sur une brume laiteuse. Dans cette partie de la banlieue dakaroise, les meuglements des bœufs se mélangent aux pas lourds de leurs sabots. Au Parc des grands ruminants, le plus grand foirail de bovins de la capitale sénégalaise concentrant environ 3 00 bovins, la poussière danse dans les rais de lumière comme une prière suspendue. Ici, l’air sent le cuir chaud, la paille humide, la viande cuite. Depuis quelques semaines, un mot inconfortable flotte dans l’air : fièvre de la vallée du Rift.
Le virus a frappé le Nord du pays, du côté de Saint-Louis, selon les bulletins du ministère de la Santé et de l’Hygiène publique. Mais, à Diamaguène, personne n’a encore vu la mort d’un animal liée à cette maladie. Les éleveurs observent, s’interrogent, se rassurent chacun dans sa langue, principalement en pulaar. Le commerce, lui, continue. Parce que la vie, ici, ne s’arrête jamais. Ousseynou Ba observe le ballet avec l’œil attentif d’un médecin de campagne. Uniforme d’éleveur noué, il a son carnet de notes à la main. « Pour l’instant, la fièvre de la vallée du Rift, nous n’en avons que des échos. Nous n’avons enregistré aucun cas dans le parc. Nous prions Dieu », dit-il, calmement.
Le parc de Diamaguène est un monde à part, un entrepôt à ciel ouvert. Des camions bâchés y déversent, chaque matin, leur cargaison de chair et de souffle : bœufs aux cornes torsadées venus du Mali, vaches efflanquées du Burkina Faso, zébus mauritaniens au regard fier. Dans cette atmosphère, Ifra Sow, président des éleveurs du parc, s’avance d’un pas lourd. Sa voix porte, grave et assurée, malgré la fatigue. « Nous travaillons d’arrache-pied avec nos vétérinaires pour contrer cette maladie. Nous ne voulons pas être surpris », confie-t-il. Son regard balaie les enclos, les haies de fer tordues, les abreuvoirs creusés à la hâte. Derrière lui, un veau se débat contre sa corde, un homme crie, un autre rit. Le parc vit, indifférent aux inquiétudes des hommes. « Avant d’acheminer les bovins à Dakar, les services vétérinaires les consultent pour voir s’ils ne sont pas malades. Pour le moment, les animaux qui avaient cette maladie ne sont pas arrivés ici », poursuit Ifra Sow. Toutefois, il recommande de rester sur le qui-vive.
La sueur perle sur sa peau. Ifra Sow exprime la solidarité des éleveurs mais insiste sur la vigilance des gardiens et de la nécessité de comprendre la situation. « Depuis l’apparition de la fièvre, le ministère de l’Élevage n’est pas encore venu nous voir. Certains de nos collaborateurs participent aux actions, certes, mais nous demandons à rencontrer les autorités de tutelle. Ce parc est un carrefour sous-régional les bêtes viennent de partout. Si le virus passe par ici, il se répandra partout », déclare M. Sow. Autour de lui, des hommes hochent la tête. Les mots circulent comme un vent chaud : fièvre, vaccins, Dieu, marché, misère.
Par Babacar Guèye DIOP et Assane SOW (Photo)

