À 20 ans, Mariama Diao semble bien plus âgée. Avec son corps alourdi et ses cheveux frisés, elle paraît avoir dix ans de plus. Elle tourne en rond, les yeux encore écarquillés par la stupeur. À 5 ans, sensible et innocente, l’enfant de Saré Mamadou a subi le martyr de l’excision. Aujourd’hui mariée, elle traîne un désir furieux d’oublier ce passé douloureux et de profiter pleinement de la vie, mais l’image atroce de ce qu’elle a vécu lui colle à la peau. Mariama peine encore à (re)trouver le goût de la vie.
« Je me suis mariée en 2019. Mais ma vie de couple a été un cauchemar. J’ai vécu un calvaire indescriptible. Depuis la nuit de noces jusqu’à mon opération, je ne pouvais pas avoir de rapports sexuels avec mon mari. La nuit était synonyme de souffrance pour moi. Au début, mon mari ne comprenait pas mon refus, mais au fil du temps, il a fini par comprendre et partager ma douleur de femme excisée. »
L’excision de Mariama a causé un rétrécissement du vagin, ce qui l’empêchait d’avoir des rapports sexuels normaux. « En plus de m’avoir coupé le clitoris, l’exciseuse, sur les ordres de ma mère, a laissé le sang coagulé au-dessus de mon vagin. Avec les années, cela est devenu dur et a rétréci mon sexe. Vous ne pouvez pas imaginer la douleur que j’ai endurée. »
Silence… Un ange passe
C’est grâce à une intervention chirurgicale prise en charge par l’ONG Usu (Umbrella Support Unit) et son partenaire financier, intact, que Mariama Diao a retrouvé une vie conjugale normale. Aujourd’hui, elle sourit et prie Dieu pour porter un enfant. « Moi, en tant que mère de famille, je ne cautionnerai jamais l’excision. Aucune de mes filles, si Dieu m’en donne, ne sera excisée. C’est une pratique désormais bannie chez nous », promet-elle, la main sur le cœur.
Mariama a franchi une étape importante, mais pour une femme qui souhaite porter un enfant, il y a encore de rudes épreuves à surmonter.
De son côté, Marie Coly, sage-femme au district sanitaire de Vélingara, explique les conséquences de l’excision sur les femmes. « Pour les femmes excisées, on constate de nombreuses complications lors des accouchements : déchirures du périnée, du vagin, du col de l’utérus… Lorsqu’une femme subit une excision, cela entraîne un rétrécissement du vagin et cette partie perd son élasticité. Lorsque l’enfant passe par cette voie, il y a souvent déchirure. Certaines femmes nous confient que leur urine ou leurs selles sortent par le vagin. »
Outre le rétrécissement, la malcicatrisation et les hémorragies, certaines filles souffrent de kystes chéloïdes, ces grosses boules qui obstruent le sexe.
À Saré Yéroyel, un village situé à l’extrême ouest, à une dizaine de kilomètres de Vélingara, les pleurs et les douleurs incessantes de Diabou Diamanka, 7 ans, résonnent encore dans les couloirs de la maison des Baldé. Sa mère, Coumba Baldé, au visage marqué par les tatouages, raconte la pathétique histoire de sa fille victime de l’excision. « Avant son opération, dit-elle, ma fille a beaucoup souffert. Elle avait du mal à uriner correctement, son sexe étant complètement fermé. Lorsqu’elle voulait faire pipi, ses cris de détresse alertaient tout le village. J’ai perdu tout espoir et pensé qu’une deuxième excision allait résoudre le problème. Mais cela a aggravé sa souffrance. Pendant 7 ans, elle a vécu un véritable supplice. J’ai frappé à toutes les portes, en vain. J’ai essayé tous les médicaments traditionnels, mais sa douleur s’intensifiait chaque jour. »
Diabou faisait partie des onze filles excisées qui ont dû subir une intervention chirurgicale à Kolda. Ce n’est qu’après cette opération réussie que l’enfant a recommencé à jouer au cache-cache avec ses camarades. Cette expérience vécue a renforcé la détermination de sa mère à ne plus jamais exciser ses filles.
Coumba Baldé : « Désormais, aucune de mes filles ne sera excisée. Je suis fermement contre cette pratique. La santé de nos enfants est en jeu, il faut absolument bannir cette pratique dans nos sociétés. »
Ibrahima KANDE
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