Elles viennent de villages distants de quelques dizaines de kilomètres, dans cette partie orientale du Sénégal où les pistes poussiéreuses mènent souvent à l’isolement médical. Pourtant, les histoires de Faty Diouf et Fatima Ly se rejoignent dans un même combat : vaincre la fistule obstétricale, cette blessure intime qui ronge le corps et brise parfois les vies.
Faty Diouf (nom d’emprunt), native de Séoudji dans le département de Bakel, a porté sa douleur pendant des années ans. Mariée à treize ans, mère de sept enfants, c’est lors de son dernier accouchement, à domicile, que le drame s’est noué. L’enfant se présentait mal, le pied en premier. La matrone du village ne pouvait rien. Évacuée tardivement, Faty, 62 ans aujourd’hui, en est sortie marquée à vie. Depuis, elle vit avec des écoulements continus, des couches de fortune, et un combat chirurgical sans fin. Pourtant, elle a eu la chance rare de ne pas être abandonnée : son mari est resté, vendant son bétail pour payer ses soins, l’accompagnant à chaque opération.
Fatima Ly, elle, n’a pas eu ce soutien. Mariée à quinze ans, elle a contracté la fistule à la naissance de son quatrième enfant. Deux ans de douleurs, d’isolement, d’humiliation, avant qu’une sage-femme ne la mette sur la voie de la guérison. Quand enfin le traitement a été possible, son mari avait déjà tourné la page, prétextant le poids financier de la maladie. Ainsi, Fatima, 30 ans, est retournée vivre chez ses parents, aidée par sa mère commerçante, élevant seule ses trois enfants.
Aujourd’hui le regard de ces deux femmes se croise dans le même éclat d’espoir : elles sont guéries. Si Faty rêve encore d’une intervention qui mettrait définitivement fin à son calvaire, Fatima, elle, veut retrouver son autonomie, lancer un petit commerce pour nourrir sa famille. Et pourquoi ne pas reprendre sa place dans le foyer qu’elle a dû quitter. « Je veux retourner avec mon mari qui m’avait abandonnée lors de la ma maladie. Je lui ai pardonné », clame-t-elle, insouciante. Deux chemins différents, mais un même message silencieux : derrière chaque fistule réparée, il y a une femme qui a survécu à la douleur, à l’exclusion, et parfois à l’abandon. Dans cette partie du Sénégal, le « Boundou », leur victoire reste fragile, mais elle brille comme une promesse : celle que plus aucune femme ne devrait avoir à choisir entre sa dignité et sa survie.
Babacar Gueye DIOP