La psychose des premières menstrues n’est pas seulement à la vue du sang. La peur de tâcher ses vêtements et d’être embarrassée en public est une préoccupation majeure, selon le psychologue conseiller, Hassane Gaye qui est aussi le chef de la Division formation et recherche action du Centre national de l’orientation scolaire et professionnelle (CNOSP) au ministère de l’Éducation nationale. Dans cet entretien, il revient sur le regard de la société mais aussi le comportement à adopter par l’entourage pour soutenir la fille afin qu’elle puisse surmonter ces périodes.
Pourquoi dans nos sociétés l’apparition des premières menstrues fait souvent peur aux filles ?
Dans nos cultures, les menstruations sont encore entourées de tabous et de silence. Elles peuvent être perçues comme impures, honteuses ou comme un sujet dont on ne doit pas parler ouvertement. Ce silence contribue à la stigmatisation et peut amener les jeunes filles à se sentir isolées ou anormales lorsqu’elles commencent à avoir leurs règles. D’ailleurs, dans nos familles africaines actuelles malgré les progrès, l’éducation sur la puberté et la menstruation reste parfois insuffisante voire tardive. Le module d’éducation en économie familiale et sociale ne débute dans nos programmes qu’à partir de la neuvième année d’étude c’est-à-dire en classe de quatrième collège soit vers 15 ans au plus tôt pour certaines filles. Elles sont alors prises au dépourvu et ne sont pas préparées dans la majeure partie du temps. Le manque de connaissances surtout du tabou qui entoure les menstrues entraîne des peurs liées à l’inconnu, à la douleur potentielle, ou à l’idée de saignement.
En plus, les récits des autres femmes de l’entourage sur les douleurs menstruelles telles que les crampes, maux de tête, fatigue ; peuvent effrayer les jeunes filles avant même qu’elles n’aient leurs premières règles. La perspective de souffrir physiquement chaque mois peut être une source d’anxiété. De ce fait, les jeunes filles sont alors exposées aux mythes et fausses idées sur les menstruations, ce qui peut amplifier leurs craintes. Par exemple, l’idée que les règles rendent « malades » ou « faibles ». Les saignements menstruels peuvent être perçus comme « désordonnés » ou « sales », ce qui contraste avec les idéaux de propreté et de contrôle souvent promus. La peur de tacher ses vêtements et d’être embarrassée en public est une préoccupation majeure pour beaucoup de jeunes filles. Cette anxiété peut être renforcée par le manque d’accès facile à des produits menstruels (serviette hygiénique) ou par la stigmatisation associée aux accidents menstruels.
Est-il possible d’anticiper ce dérèglement émotionnel ?
L’anticipation est la première arme pour préparer la jeune fille. De ce fait, il faut commencer à en parler bien avant l’apparition des premières règles, de manière naturelle et progressive. Il faut éviter d’attendre jusqu’au dernier moment pour aborder le sujet avec sa fille ou sa petite sœur. La jeune adolescente se doit de savoir les différentes options en matière de protection hygiénique (serviettes, tampons, culottes menstruelles), leurs avantages et inconvénients.
L’éducatrice peut, préparer avec la jeune fille une petite trousse avec des serviettes hygiéniques (de différentes tailles), une culotte de rechange, des lingettes et une petite pochette discrète. Cette anticipation permettra à la jeune fille de savoir et pouvoir utiliser la protection qui lui conviendra le mieux et en même temps cela lui donnera un fort sentiment de contrôle et de préparation.
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La pédagogie et le vocabulaire adapté sont aussi essentiels pour préparer la jeune fille. D’abord, il est important qu’elle comprenne que l’apparition des règles est un phénomène normal, naturel et universel qui touche toutes les femmes. L’objectif est de dédramatiser la vue des règles pour la première fois et par conséquent de la rassurer sur la normalisation d’un tel fait ou situation.
Pour ce faire, il reviendra à celle qui se charge de l’éducation hygiénique de la jeune fille de lui expliquer ce qui se passe dans le corps de manière simple et compréhensible, en utilisant des termes corrects et non infantilisants. Elle peut commencer ses explications avec le cycle menstruel, le rôle des hormones du pourquoi de la survenue des règles. Elle doit aussi informer la jeune fille des possibles signes avant-coureurs (annonciateurs) des règles (douleurs abdominales, sensibilité des seins, changements d’humeur) pour qu’elle ne soit pas prise au dépourvu.
Dialoguer de manière ouverte et sans tabou est aussi un excellent moyen de mieux appréhender la nouvelle situation qu’elle est entrain de vivre. En effet, en encourageant la jeune fille à poser toutes les questions, même celles qui peuvent sembler embarrassantes et en y répondant avec patience et honnêteté, sans tabou. Ces moments de dialogue sont essentiels pour lever certains stéréotypes et surtout de rassurer sur la question de la douleur. En effet, la jeune fille doit savoir que des crampes peuvent survenir et en même temps des solutions existent pour les soulager (bouillotte, antalgiques légers après avis médical).
Que doivent faire de leur côté, les parents, notamment, la mère ou la grande sœur pour alléger cette psychose ?
L’éducation par les ainées ou les paires est primordiale pour comprendre et surmonter certaines situations et les premières règles en sont une parfaite situation d’apprentissage et de pratique. Véritable source d’anxiété pour les jeunes filles, la gestion des premières règles à travers l’accompagnement et les conseils par les parents, en particulier la mère ou la grande sœur, est une soupape qui permet d’alléger cette psychose.
Une bonne communication entre mère et fille ou entre sœurs est primordiale pour gérer l’état d’angoisse de la jeune fille qui voit pour la première fois ses règles. En effet, si la mère ou la sœur se sentent à l’aise, elle peut partager leurs propres expériences des premières règles. Cela peut aider la jeune fille à se sentir moins seule et à comprendre que c’est une étape normale de la vie.
Mariama DIEME