L’équipe chargée de la transplantation rénale à l’Hôpital Général Idrissa Pouye est prête. Mais, elle attend le financement de l’État pour permettre aux personnes souffrant d’insuffisance rénale de bénéficier d’un véritable traitement de substitution à la dialyse.
Le coordonnateur médical du comité de transplantation de cet Établissement public de santé (Eps), l’urologue Dr Issa Labou, revient en détail sur les étapes franchies et les défis à surmonter. L’hôpital général Idrissa Pouye (Hogip) de Grand Yoff, à Dakar, est prêt pour réaliser sa première greffe rénale. Pour le Dr Issa Labou, urologue, par ailleurs coordonnateur médical du comité de transplantation de cet Établissement public de santé (Eps), l’accréditation est obtenue depuis mai 2024. Cela, après avoir satisfait aux exigences du Comité national de don d’organes et de transplantation (Cndt), renseigne le spécialiste avec qui nous nous sommes entretenus.
Toutefois, faute de financement public, les opérations n’ont pas encore démarré. Comme c’est déjà le cas au niveau de l’Hôpital militaire de Ouakam (Hmo), première structure sanitaire sénégalaise à accomplir avec succès plusieurs greffes de rein. « Notre véritable problème, c’est le financement de l’activité parce que la prise en charge de la transplantation rénale doit être une mission régalienne de l’État », soutient Dr Labou, selon qui l’Hogip n’a pas les moyens de prendre en charge la greffe rénale.
« Si on veut une activité pérenne et accessible à toutes les couches de la population, il faut que l’État mette la main à la pâte », estime-t-il, précisant que le personnel est déjà formé, les infrastructures réaménagées et quelques matériaux nécessaires pour assurer la transplantation rénale acquis. De l’avis de l’urologue, les interventions réalisées à Hmo ont permis de démontrer que « c’est possible au Sénégal ». « Nous sommes prêts. Ce qui manque, c’est l’accompagnement de l’État », insiste le coordonnateur médical du comité de transplantation de l’Hogip. Il renseigne que le coût d’une greffe rénale est évalué à 16 millions de FCfa. « Selon le Cndt, le coût total d’une transplantation (prise en charge du donneur et du receveur, bilans médicaux, interventions, hospitalisation, médicaments immunosuppresseurs) s’élève à environ 16 millions de FCfa », confie-t-il, soulignant que « cette estimation repose sur une moyenne des tarifs observés dans trois hôpitaux de référence au Sénégal : Dalal Jamm, Hogip et Aristide Le Dantec. »
Toutefois ce montant reste inaccessible pour la majorité des patients, déjà fragilisés par des années de dialyse avec des centres saturés, par conséquent de nombreux patients figurent sur la liste d’attente. « Tant qu’un patient ne décède pas, une place ne se libère pas. Il est urgent de lancer la transplantation pour désengorger les centres », alerte le Dr Issa Labou. Des investissements conséquents réalisés Pourtant, à ce jour, aucun financement pérenne n’est défini pour assurer la transplantation rénale. « Dans tous les pays que nous avons visités, c’est l’État qui prend en charge. Si ce n’est pas l’État, qui le fera ? », s’interroge le médecin. Il souligne que l’hôpital général Idrissa Pouye a financé, sur fonds propres, la formation des équipes, l’achat de matériels de chirurgie et d’imagerie, ainsi que la modernisation de son service de stérilisation.
« Malgré ces investissements conséquents, le principal obstacle reste aujourd’hui le financement de l’acte médical lui-même », persiste Dr Labou. Il fait savoir que, conscient de l’enjeu, l’hôpital général Idrissa Pouye a constitué deux équipes médicales complètes composées de chirurgiens, néphrologues, anesthésistes, biologistes, infirmiers spécialisés… Elles ont été formées en France (Toulon et Tours) et en Tunisie, sélectionnée comme pays africain de référence. « Cette double immersion a permis d’acquérir une expérience pratique en amont, en suivant les patients avant, pendant et après la greffe », confie le coordonnateur médical du comité de transplantation de l’Hogip. Concernant les critères d’éligibilité, le Dr Issa Labou signale que « seuls les dons entre personnes apparentées sont actuellement autorisés par la loi ».
Il ajoute que le receveur, tout comme le donneur, doit passer plusieurs examens pour exclure toute contre-indication médicale. « Le processus est strictement encadré par les néphrologues, en lien avec les chirurgiens », précise-t-il. Selon lui, toute personne atteinte d’insuffisance rénale, sauf contre-indication médicale, est éligible à la transplantation rénale. Cependant, il clarifie que le choix appartient aux néphrologues qui sélectionnent les patients. Il fait savoir que le chirurgien-urologue n’intervient pas à ce stade, mais au moment de la préparation de l’opération. En effet, ce spécialiste doit évaluer aussi bien le donneur que le receveur.
Rendre disponibles les médicaments immunosuppresseurs
Outre le financement de l’intervention chirurgicale pour la transplantation rénale, la fourniture continue d’immunosuppresseurs préoccupe le Dr Issa Labou, coordonnateur médical du comité de transplantation de l’Hôpital général Idrissa Pouye (Hogip) de Grand Yoff. Simplement parce que, sans ces médicaments, le greffon est rejeté. « Il nous faut un circuit d’approvisionnement sécurisé, sans rupture, avec des médicaments de qualité et accessibles », plaide l’urologue. Selon lui, une chose est de pouvoir réaliser techniquement la transplantation, mais l’autre aspect est de surveiller le rein pour que le receveur ne le rejette pas. Donc, estime le médecin, il faut un circuit des médicaments immunosuppresseurs qui ne connaisse pas de rupture.
Des outils de communication disponibles pour sensibiliser le public
S’agissant de la sensibilisation des populations sur l’offre de service de greffe rénale au Sénégal, le Dr Issa Labou, coordonnateur médical du comité de transplantation de l’Hôpital général Idrissa Pouye (Hogip) de Grand Yoff, soutient : « Tous les outils de communication sont prêts : brochures, modules pour les hôpitaux, les religieux, le grand public… ». Cependant, leur diffusion reste suspendue à la disponibilité effective du service. À son avis, il ne s’agit pas de créer des espoirs irréalistes sans avoir la capacité de traiter les malades. Si le financement nécessaire à la transplantation rénale est disponible, les stratégies de communication déjà élaborées seront déroulées. À ce niveau, l’urologue estime que « les médias auront un rôle clé à jouer dans la sensibilisation, surtout lorsqu’on élargira à terme aux dons cadavériques ».
Maïmouna GUEYE