La réalité douloureuse du cancer fait que de nombreuses femmes ont une peur bleue de se faire dépister, alors qu’il est possible de guérir d’un cancer du sein ou du col de l’utérus s’il est diagnostiqué très tôt. Amener toutes les femmes du pays à se faire dépister à temps, tel est l’objectif de la Ligue sénégalaise contre le cancer (Lisca), qui organise chaque jour, à son siège, des consultations gratuites durant tout le mois d’octobre.
Octobre, mois de la lutte contre le cancer du sein, est symbolisé par la périphrase « Octobre Rose», un concept devenu emblème de la formation et de la sensibilisation des femmes. Au siège de la Lisca, le vendredi 3 octobre, la mobilisation est palpable : des bénévoles, filles comme garçons, vêtus de tee-shirts roses, accueillent avec bienveillance les femmes venues se faire dépister. Le dépistage gratuit, ouvert depuis le 1er octobre, constitue une activité phare de la structure. Pour la présidente, Dr Fatma Guenoune, ce dépistage est un atout majeur pour guérir de la maladie. Il représente un pas décisif vers le diagnostic et la prévention. Pourtant, les femmes tardent à se faire dépister, alors que 90 % des tumeurs de petite taille détectées tôt guérissent, rappelle la spécialiste. « Les tumeurs vues tôt sont guérissables. Dans ce cas, la femme n’aura pas besoin de chimiothérapie. On lui fera une tumorectomie (opération pour enlever les tumeurs), suivie d’une radiothérapie complémentaire », explique-t-elle. Selon le Dr Amadou Cissé, chirurgien-oncologue à l’hôpital Dalal Jamm de Guédiawaye, la peur et les préjugés constituent les principaux freins au dépistage. Trouvé dans un bureau de consultation au siège de la Lisca, il insiste sur l’importance de l’autopalpation, que chaque femme devrait pratiquer régulièrement. « Il s’agit de palper le sein dans son intégralité pour vérifier la présence d’une éventuelle masse. Il faut lever un bras pour dégager le thorax et palper la glande mammaire de manière bilatérale avec l’autre main», instruit-il. Cependant, la palpation ne doit pas s’arrêter au sein. « Il faut également examiner les aires ganglionnaires, notamment les aisselles, car elles peuvent abriter des cellules cancéreuses à travers les ganglions », ajoute Dr Cissé. Les mains protégées par des gants blancs, il examine Mame Diarra Ndiaye, 27 ans, allongée sur un lit de consultation, les mains sous la nuque.
De l’autopalpation à l’examen clinique : un dépistage crucial
La jeune femme confie avoir longtemps hésité à se faire dépister, par peur, avant que le décès de sa mère du cancer ne la pousse à franchir le pas.
Selon Dr Cissé, Mame Diarra est une patiente à surveiller, du fait de ses antécédents familiaux. Si son examen clinique ne révèle aucun nodule, il recommande une mammographie afin de détecter d’éventuelles microcalcifications ou désorganisations architecturales du sein. Il préconise aussi une consultation oncogénétique, permettant d’évaluer le caractère héréditaire d’un cancer. « Les patientes avec des antécédents familiaux doivent impérativement faire une Irm mammaire, un examen plus performant, comparable au scanner », précise-t-il. Le cas de Mame Diarra rejoint le témoignage d’Anete Enilde De Nelo Nato. Cette Capverdienne estime que la mammographie devrait être fortement recommandée dès 40 ans. « À partir de 40 ans, les femmes doivent faire une mammographie tous les deux ans », rappelle Mame Diarra Guèye, une autre patiente. Selon les analyses du Dr Cissé, l’échographie mammaire est toutefois plus adaptée aux jeunes femmes, en raison de la densité de leur tissu mammaire, qui rend parfois la mammographie moins lisible.
Mammographie et échographie mammaire : un examen en profondeur
Au Plateau médical Serigne Saliou Mbacké de la Médina (rue 6), Mamy Lèye (49 ans) et Awa Kane (52 ans) viennent d’effectuer leur mammographie. Elles pour- suivent leur dépistage par une échographie mammaire. Dans la salle d’attente, leurs visages trahissent une certaine inquiétude. Dans la salle d’examen, une machine d’environ deux mètres de haut, dotée de planches en verre reliées à un ordinateur, capture les seins sous différents angles: oblique, de profil et de face. « Ces positions permettent de visualiser l’intégralité du sein et les aisselles afin de détecter d’éventuelles anomalies », explique Médoune Gueye, technicien en imagerie médicale. Sur l’écran, une image de sein s’affiche: elle semble normale, mais une tache plus claire derrière le mamelon laisse soupçonner une masse, dont la nature ne peut être confirmée qu’à l’échographie. « L’échographie permet une appréciation plus précise de certaines lésions détectées à la mammographie », conclut la radiologue Dr Soukayna. C’est justement ce qui inquiète Awa Kane qui a tardé à se faire dépister. «J’ai décidé de venir parce que je ressens des picotements au sein », confie-t-elle, le regard triste.
Si des masses suspectes sont confirmées par l’échographie, une biopsie est nécessaire, explique Dr Cissé. Cet examen consiste à prélever un fragment de la masse pour une analyse anatomopathologique. «La biopsie permet de dé- terminer s’il s’agit d’une tumeur bénigne ou maligne », précise-t-il. Les tumeurs bénignes-adénopathies, adénofibromes, mastopathies fibrokystiques ou tumeurs phyllodes – sont simplement surveillées. « J’ai subi une opération de mastopathie fibrokystique, causée par un déséquilibre hormonal, après un dépistage», témoigne Awa Lèye. En revanche, si la tumeur est maligne, comme un carcinome, la patiente est prise en charge par chimiothérapie selon un protocole bien défini. «Dans certains cas, une mastectomie (ablation du sein) accompagnée d’un curage ganglionnaire est nécessaire », détaille Dr Cissé. Le sein est ensuite envoyé en laboratoire pour analyse afin de déterminer la nécessité d’un traitement complémentaire.
Reportage de Aida GUEYE (Stagiaire) et Ndèye Seyni SAMB (Photos)