Entre panne du scanner en radiologie, vieillesse du bâtiment, morgue vétuste, la situation de l’hôpital régional de Saint-Louis est au centre de toutes les polémiques dans l’ancienne capitale du Sénégal.
SAINT-LOUIS – Jeudi 26 décembre, il est environ 10h. Bineta Diagne sort de l’hôpital régional de Saint-Louis avec sa mère qu’elle est venue accompagner. Elles y étaient avant l’aube. Tenant une enveloppe qui contient les documents médicaux de sa mère, sa mine laisse entrevoir sa grande déception. Sa patiente n’a pas pu faire le scanner qui lui était demandé. « Cette situation est vraiment très dure. Tu te lèves très tôt pour venir à l’hôpital. À l’arrivée, on te dit de rentrer parce que la machine est en panne », peste Bineta Diagne.
Elle ajoute que c’est coûteux d’aller jusqu’à Louga pour un scanner. « Car il faut louer une ambulance ou emprunter les transports en commun, ce qui peut dégrader l’état de santé du malade », dénonce vigoureusement cette habitante du quartier Guet Ndar à Saint-Louis.
En effet, le scanner du service radiologie de l’hôpital régional de Saint-Louis est encore en panne. Cela fait plus d’un mois que les patients sont obligés de se rendre à Louga pour faire cet examen. Des pannes répétitives qui ont fini d’installer les malades et leurs accompagnants dans une situation difficile. Cette nouvelle panne est due, selon Moustapha Diop, le surveillant du service radiologie de l’hôpital de Saint-Louis, à un dysfonctionnement.
« La table ne se stabilise pas. À chaque fois qu’on la remonte, elle redescend automatiquement. Après plusieurs essais avec le service de la maintenance de l’hôpital, le problème persiste. On a fait appel à l’entreprise qui avait procédé à l’installation de l’appareil pour le régler. Mais après diagnostic, elle a constaté que c’est l’unité centrale, sur lequel repose le gros du travail, qui a des soucis techniques », explique M. Diop.
Des propos étayés par le directeur général de l’hôpital. Joint au téléphone, El Hadji Maguette Seck indique que la commande de la pièce défectueuse a été faite. « Pour le scanner, c’est une panne pour laquelle on est obligé de passer par le représentant exclusif du fabriquant au Sénégal. Il a été contacté, un diagnostic a été fait. Il fallait payer la pièce défectueuse. Nous avons fait le bon de commande. Maintenant à leur niveau, ils passent un bon de commande au fabriquant qui est en Chine », informe le directeur de l’hôpital de Saint-Louis.
Selon M. Seck, ces pièces ne sont pas stockées. « C’est la raison pour laquelle ça a pris plus de temps. Le problème, c’est au niveau du fournisseur qui gère l’appareil, mais également du fabriquant », ajoute-t-il. Mais pour les organisations de défense des droits des Saint-Louisiens, le problème de l’hôpital régional est plus profond. La structure est en état de délabrement avancé, car elle subit les effets du temps.
« Le plateau médical de l’hôpital de Saint-Louis laisse à désirer. Il est obsolète, donc il ne règle pas du tout les problèmes des malades. Ces derniers sont obligés d’aller jusqu’à Louga. Aujourd’hui nul n’ignore que le scanner joue un rôle important dans la santé. On ne peut pas s’en passer. Nous interpellons les autorités et les Saint-Louisiens », lance Banda Sarr, président de l’association des hémodialysés de Saint-Louis.
La morgue à l’agonie
« L’hôpital régional de Saint-Louis est vieux de plus de 300 ans. Tout est délabré. Il n’y a pas d’ascenseur pour acheminer les malades qu’on vient d’opérer. Le sous-sol est inondé. Le bâtiment est dans un état piteux », fustige Alé Thiam dit Gas El Salvador, activiste et président du collectif « Sauver Saint-Louis ».
En plus du scanner, souligne-t-il, la morgue fait aussi face à d’autres difficultés. Selon Gas El Salvador, plusieurs personnes se sont plaints d’avoir retrouvé les dépouilles de leurs proches dans un état de putréfaction après seulement 24 h de séjour à la morgue de l’hôpital régional de Saint-Louis.
« On a été choqué quand on a visité la morgue. Il n’y a que trois tiroirs qui fonctionnent dans la chambre froide et un seul climatiseur. Quand vous entrez, c’est une chaleur étouffante qui vous accueille, alors que ce sont des cadavres qui y sont gardés. Nous avons reçu plusieurs témoignages de personnes qui ont récupéré leurs cadavres dans un état de décomposition avancé », renseigne-t-il. Le président du collectif « Sauver Saint-Louis » mentionne aussi que les sanitaires de la structure médicale sont fréquemment bouchés. Selon Alé Thiam, il y a deux chambres qui sont fermées. Il souhaiterait qu’elles soient réfectionnées pour servir à garder les cadavres d’enfant.
« Il y a que trois tiroirs qui fonctionnent dans la chambre froide, et quand il y a un accident, ou drame de la migration irrégulière, c’est compliqué. Il y a eu des cas où les corps étaient étalés à même le sol », dénonce le président du collectif « Sauver Saint-Louis ».
L’organisation a ainsi entrepris des démarches comme une collecte de fonds pour venir au secours de l’hôpital. Des vidéos dénonçant l’état de la morgue ont fait le tour des réseaux sociaux. Pour M. Thiam, ils ont pu réunir plus de 2 millions de FCfa et des climatiseurs.
Concernant le scanner, les membres du collectif disent avoir saisi le ministère de la Santé et de l’Action sociale pour permettre à l’hôpital de disposer d’un nouveau scanner.
« Nous voulons un nouveau scanner, les pannes répétitives sont vraiment fatigantes », regrette Alé Thiam. Cependant, le directeur de l’hôpital régional de Saint-Louis fustige la démarche de ce collectif. À en croire Elhadji Maguette Seck, contrairement à ce qu’avancent les membres dudit collectif, il n’y a aucun problème à la morgue.
« Ça râle de partout, mais il n’y a aucun souci parce que nous avons une armoire mortuaire de 6 tiroirs et les 4 sont fonctionnels, il n’y a que les deux qui sont en panne, et d’habitude on n’a pas 4 corps en même temps dans la morgue. Donc il n’y a pas de problème. Je ne vais pas polémiquer, je préfère être dans mon rôle. S’il y avait un souci, j’allais informer mes supérieurs », indique M. Seck. Il reconnait toutefois que la morgue est vétuste.
« S’ils (les gens du collectif) veulent accompagner l’hôpital, ça me va, mais la manière n’est pas la bonne », désapprouve El Hadji Magatte Seck.
Le démarrage des travaux de l’hôpital de niveau 4 attendu
L’hôpital de Saint-Louis est un grand corps malade qui souffre de sa vieillesse. Sa réhabilitation figurait dans le programme de beaucoup de candidats lors des législatives anticipées de novembre 2024.
En juillet 2022, l’ancien président de la République, Macky Sall, avait même procédé à la pause de la première pierre d’un hôpital de niveau 4 à Saint-Louis. Les travaux de construction étaient prévus pour 18 mois. Mais depuis, ils ne sont toujours pas entamés.
Jeanne SAGNA (Correspondant)
