Malgré une législation coercitive, la pratique de l’excision se poursuit dans beaucoup de contrées, indépendamment des efforts fournis et qui ont conduit à une baisse des cas. Mais pour éradiquer les Mutilations génitales féminines (Mgf), l’appropriation des lois par les communautés est nécessaire.
Des lois interdisant les Mutilations génitales féminines (Mgf) sont votées dans plusieurs pays, mais la pratique se poursuit. C’est le cas au Sénégal où la loi a été promulguée en 1999. Soit il y a 26 ans cette année. Cependant, Abdoul Aziz Mandiang, spécialiste en plaidoyer sur les Droits en matière de santé sexuelle et reproductive (Dssr), déplore « une non appropriation » des textes de loi relatifs aux Mgf. Abordant les stratégies de plaidoyer les plus efficaces pour sensibiliser les décideurs, les organisations de la société sur cette question, hier, lors d’un panel en ligne organisé par la Task force médias sur les Dssr, il a rappelé que les communautés continuent de pratiquer l’excision de façon discrète. Ce webinaire sur le thème « Justice sociale et droits des femmes : briser le silence sur les aspects négligés des Dssr (Mutilations génitales féminines et Avortement sécurisé) » intervient après la Journée internationale de tolérance zéro à l’égard des Mgf et la Journée mondiale de la justice sociale, respectivement les 6 et 15 février.
Pour M. Mandiang, il est nécessaire de mettre les communautés au cœur des lois votées. Étant entendu que, dans la plupart des cas, quand on parle de textes législatifs, on pense notamment aux aspects répressifs. « On a mis en place des lois, mais les communautés ne s’y retrouvent pas », a-t-il ajouté, invitant à axer davantage la communication sur ces dernières et sur le bien-être des filles et des femmes. Selon lui, il est important « d’aider les communautés à avoir une meilleure connaissance des lois votées et à se l’approprier ». Sans quoi la pratique va persister avec son lot de conséquences désastreuses sur la santé des victimes. De l’avis du Dr Dieudonné Tougbeto, médecin certifié Santé sexuelle et reproductive et droits connexes, les complications peuvent, à court et long termes, être très graves et même trainées toute la vie. Il fait savoir qu’une mort par hémorragie peut survenir, surtout chez les nourrissons, qui jusqu’à l’âge d’un an, ne produisent pas d’endorphine (substance produite par le corps pour soulager la douleur). Sans oublier, entre autres, les risques d’infection au Vih, à l’hépatite B avec les objets tranchants utilisés, les complications d’ordre obstétrical, psychologiques, la dépression en particulier.
Concernant l’avortement sécurisé, surtout en cas d’inceste ou de viol, Abdoul Aziz Mandiang estime que les campagnes de plaidoyer doivent être poursuivies. Il est d’avis qu’il faut développer ou renforcer les argumentaires et les disséminer un peu partout. Donnant le cas du Sénégal, il fait savoir qu’il y existe une approche multisectorielle pour prendre en charge cette question, mais elle se limite au niveau central. « Il faut élargir jusque dans les comités villageois et avoir des campagnes de sensibilisation de manière périodique », préconise-t-il. Même s’il admet que les programmes de plaidoyer, de sensibilisation et d’information sont coûteux, il invite à poursuivre les bonnes initiatives entamées pour que l’avortement médicalisé soit autorisé au moins en cas de viol et d’inceste. M. Mandiang insiste aussi sur l’implication des hommes dans les stratégies de sensibilisation et des médias. Il est d’avis que des initiatives visant uniquement les hommes et les garçons doivent être déroulées pour que ces derniers soient des « acteurs du changement ».
Maïmouna GUEYE