Le manque d’information sur les droits sexuels et reproductifs, combiné au poids des tabous et à la persistance des violences faites aux femmes (mariages précoces, excision), crée un environnement hostile pour la jeunesse. Pour briser ce cycle et restaurer le dialogue, l’initiative Jeunes filles en mouvement se mobilise. Son objectif est de transformer ces filles en actrices clés du changement pour améliorer leur accès aux droits et aux services.
L’accès aux Droits en santé sexuelle et reproductive (Dssr) reste limité pour de nombreux adolescents(es) et jeunes. Pire, la plupart d’entre eux ignorent l’existence de ces services et évoluent dans un environnement marqué par un tabou autour de la sexualité. Pour cette raison, les grossesses précoces et non désirées ne cessent d’augmenter.
Elles continuent ainsi de freiner l’ambition de beaucoup d’adolescentes et de jeunes filles obligées d’arrêter leurs études ou toute activité pouvant leur permettre de s’épanouir. Il s’y ajoute qu’elles sont souvent victimes de violences basées sur le genre (Vbg).
Pour donner confiance aux jeunes filles et les autonomiser, deux Ong (Equipop et Jeunesse et développement : Jed), ayant déjà travaillé sur le renforcement de cette tranche d’âge dans le domaine de la santé de la reproduction, ont uni, à nouveau, leurs forces pour poursuivre les initiatives entamées et développer le plaidoyer mené par les jeunes filles pour qu’elles soient des actrices du changement en matière de santé reproductive et de lutte contre les Vbg.
C’est ainsi qu’a été initié, en 2023, le projet Jeunes filles en mouvement (Jfm) qui concerne les communes de Matam, Mbour (Thiès) et Fimela (Fatick).
De l’avis de Mame Fama Ndiaye, coordonnatrice de l’Ong Jeunesse et développement (Jed) dans le département de Mbour, interrogée dans le cadre de la campagne de plaidoyer pour la mobilisation des ressources domestiques en faveur des Dssr et de la lutte contre les Vbg, plusieurs facteurs peuvent expliquer le manque d’informations des jeunes en matière de santé sexuelle et reproductive.
Elle cite notamment « une faible intégration de l’éducation sexuelle dans les écoles, les tabous liés à la sexualité, un isolement géographique et une faible couverture des services adaptés dans des zones comme Fimela et Matam où il est difficile de trouver des services adaptés ».
Si ces deux communes sont ciblées avec celle de Mbour, c’est parce que la prévalence des Vbg est élevée dans les régions d’exécution du projet : 67,5 % à Fatick, 53,8 % à Thiès et 36,3 % à Matam. Ces situations de précarité renforcent les vulnérabilités des jeunes filles, « les exposant à l’exploitation sexuelle et aux dangers de l’exode rural ».
D’où la nécessité de « contribuer à la lutte contre les violences basées sur le genre pour garantir un environnement favorable, égalitaire et équitable pour les femmes et filles dans les régions de Matam, Thiès et Fatick », souligne la coordonnatrice de l’Ong Jed à Mbour.
Influencer les politiques locales
Selon elle, le renforcement des compétences de ces filles vise à en faire des actrices du changement, capables d’agir sur leurs environnements familial, social et économique. Elle précise qu’elles contribuent à cette transformation « en sensibilisant leurs pairs » et, plus encore, « en participant à des groupes de jeunes, elles contribuent à transformer la culture autour de la violence basée sur le genre dans leur communauté ».
Le projet est donc essentiel, car il « renforce leur confiance, leur prise de parole et leur capacité à agir dans leur communauté ». Par ce biais, il est également susceptible « d’influencer les politiques locales (via le plaidoyer), amenant les institutions à prendre des engagements concrets pour la protection des filles ».
Cette action est d’autant plus cruciale que les violences basées sur le genre « sont présentes jusque dans les écoles et les filles restent exposées ». Enfin, la coordinatrice de Jed à Mbour souligne un obstacle majeur : « le tabou autour de l’éducation sexuelle freine la mise en place de cours complets dans les écoles ».
Mame Fama Ndiaye fait également part de pratiques liées aux « harcèlements, violences sexuelles ou abus » et qui « limitent l’accès des filles à l’information et aux services de santé reproductive ».
Relever le défi de la non-dénonciation des abus
Concernant les droits humains, Mame Fama Ndiaye fait remarquer que « le manque de recours à la justice ou aux mécanismes de signalement face aux abus est une réelle préoccupation ». Dans un tel contexte, « les filles peuvent ne pas savoir comment porter plainte, craignant aussi des représailles sociales », explique-t-elle, regrettant que « beaucoup d’entre elles ne participent pas aux décisions sur leur propre santé sexuelle et reproductive ».
Interrogée sur les résultats attendus à travers l’initiative Jeunes filles en mouvement (Jfm), elle fait savoir que le projet inclut, entre autres, leur « accès à un paquet de services », leur « conscientisation sur les enjeux liés à la lutte contre les Vbg », ainsi que « la mobilisation des acteurs et des décideurs ».
C’est pourquoi les principales activités tournent autour de la fourniture de services aux jeunes filles ciblées, notamment en termes « d’éducation, de santé, de formation, de suivi psychosocial et juridique, de renforcement des capacités et de plaidoyer ».
S’y ajoutent « la mise en œuvre d’un plan d’action de plaidoyer et le suivi et la capitalisation du projet ».
Maimouna GUÈYE

