Le tourisme médical, particulièrement la greffe de cheveux, attire, chaque année, des milliers de visiteurs en Türkiye. Le phénomène a pris une telle ampleur que certains l’ont rebaptisé « Turkish (Hair)lines », un jeu de mots mêlant le nom de la compagnie aérienne turque et « hair », qui signifie cheveux en anglais. Dans ce reportage, réalisé à Istanbul, en octobre 2025, les patients expliquent leurs motivations.
ISTANBUL – Dans le salon d’attente d’un hôtel stambouliote, June pianote sur son iPhone. Baskets aux pieds, lunettes bien vissées, bandeau sur le front, ce jeune Sud-Coréen a tout d’un dandy. Toutefois, ce ne sont pas ces objets qui attirent l’attention, mais plutôt sa coupe de cheveux. Sur ses tempes perlent de prometteuses touffes. Il a subi une greffe de cheveux il y a quelques jours.
L’entrebâillement de la porte d’entrée, au gré des entrées et sorties des visiteurs, laisse entrer une bouffée d’air frais. L’automne turc se montre clément. La conversation s’engage d’abord en anglais avant de se poursuivre en coréen et en français, ChatGpt jouant le rôle du traducteur.
Comme des milliers de personnes, June a choisi Istanbul, précisément la clinique Long Hair, pour cette chirurgie esthétique. Essentiellement pour des raisons économiques. « En Corée aussi, il y a des transplantations capillaires, mais cela coûte généralement très cher. C’est pourquoi, en cherchant des établissements spécialisés, j’ai découvert qu’Istanbul, en Türkiye, était très réputée dans ce domaine. J’ai donc suivi la procédure et j’ai pu bénéficier d’une intervention à un coût relativement abordable », explique-t-il.
Il a payé 2.800 dollars (environ 1,5 million de FCfa) pour l’intervention chirurgicale. Si on y inclut le billet d’avion qui revient à environ 1.000 dollars et les dépenses sur place sont environ 200 à 300 dollars, cela revient à 4.100 dollars, soit un peu plus de 4 millions de FCfa. « Au final, cela semble être très rentable », sourit June.
Mais, il y a des options moins chères. À la clinique Estetica Istanbul, la prestation est facturée entre 1.800 et 2.000 dollars (1 million à 1,12 million de FCfa). À titre de comparaison, la greffe de cheveux coûte environ 6.000 euros (près de 4 millions de FCfa) en Espagne et peut même atteindre 7.000 euros (4,5 millions de FCfa) en France. Aux États-Unis, c’est encore plus cher, la facture pouvant aller jusqu’à 20.000 dollars. Pis, ce genre de prestation n’est pas remboursé par la sécurité sociale.
C’est pourquoi de nombreux Américains se rendent à Istanbul pour réaliser une greffe de cheveux. « J’ai choisi la Türkiye pour le prix et l’hébergement. Le tout me revient à 5.000 dollars (environ 2,8 millions de FCfa), alors qu’aux États-Unis cela m’aurait coûté environ 20.000 dollars (plus de 11 millions de FCfa). La différence est énorme », témoigne Janaah Baxley, une jeune Américaine rencontrée à Istanbul le 18 octobre, alors qu’elle venait de subir une greffe de cheveux.
Tout comme June, le Sud-Coréen, Janaah est très satisfaite du résultat. « Je suis très satisfaite. Les équipes sont très professionnelles et attentionnées », confie-t-elle. « D’après le médecin, la greffe a réussi, mais il faudra observer les résultats sur une période de trois à six mois. Cependant, comme j’ai beaucoup récolté d’informations via YouTube, j’attends avec impatience les résultats », complète June.
Comme plusieurs patients, June et Janaah se sont renseignés sur Internet. En consultant Google Maps, on peut facilement trouver de nombreux établissements spécialisés et dénicher de bonnes adresses.
La clinique Estetica Istanbul est l’un des nombreux établissements stambouliotes spécialisés dans la chirurgie esthétique. « Nous réalisons entre quatre et huit opérations par jour », explique Amel Goyildar, responsable du développement des affaires internationales à Estetica Istanbul. Avec 10 ans d’expérience dans le domaine médical, elle gère la clientèle francophone et arabophone (elle est originaire d’Algérie).
Mais, la clinique Estetica ne se limite pas seulement à la greffe de cheveux. L’esthétique dentaire, la rhinoplastie (chirurgie du nez), la mastopexie (lifting des seins)… l’établissement offre toute une gamme de chirurgie esthétique. Généralement, les patients contactent la clinique sur Internet. Une fois le contact établi et le prix convenu, s’ensuit la préparation de la venue du patient en Turquie.
« On recueille les informations sur l’état de santé du patient : s’il n’a pas de maladies chroniques, s’il fume ou prend de l’alcool. Si c’est le cas, on va lui demander de s’abstenir trois jours avant sa venue en Türkiye », indique Amel. Durant l’intervention chirurgicale, le patient peut choisir d’être mis sous sédation (ce qui est recommandé) ou sous anesthésie locale sur la partie donneuse (la nuque).
Chirurgie esthétique
Après l’intervention chirurgicale, le patient peut rentrer chez lui après trois jours de récupération à l’hôtel et le suivi se fait à distance. « Il faut prendre des médicaments et se laver les cheveux avec précaution pendant environ 15 jours », renseigne Janaah Baxley.
En effet, la zone greffée est assez sensible. Donc, il faut éviter tout contact et faire preuve de prudence, en prenant soin de la zone pendant environ un mois, ajoute June le Sud-Coréen.
La greffe de cheveux consiste à extraire de minuscules greffes de poinçon du cuir chevelu portant les cheveux ou à couper une plus grande partie du cuir chevelu du donneur en plus petits morceaux pour les utiliser comme greffes. Ces greffons sont ensuite transplantés dans une région chauve ou amincissante du cuir chevelu.
Les greffons ainsi réalisés sont tous de tailles et de formes différentes. Environ 10 à 15 cheveux sont généralement présents dans les greffons de forme ronde. La microgreffe comprend un à deux cheveux, alors que la mini-greffe a deux à quatre cheveux. Les greffons fendus comprennent quatre à dix cheveux chacun et sont placés dans des fentes pratiquées dans le cuir chevelu ; les greffes en bande sont longues et fines et comprennent 30 à 40 cheveux.
« Si le patient a des cheveux sur l’arrière de la tête (la partie donneuse), on peut prendre jusqu’à 5.000 greffants », explique Amel Goyildar. Toutefois, cela dépend de l’équipe qui fait la chirurgie. « Il faut au minimum quatre personnes pour former une équipe », ajoute Mme Goyildar.
Les patients qui se rendent en Türkiye pour une greffe de cheveux ou une chirurgie esthétique ont chacun ses propres motivations. « En Corée, l’apparence est relativement valorisée. C’est pourquoi j’ai envie d’améliorer mon apparence. Même si ce n’est pas une petite dépense, je suis prêt à investir un montant conséquent pour rehausser mon apparence ; d’où ma venue ici », témoigne June.
De son côté, Janaah Baxley, qui avait perdu ses tempes il y a quelques années, tenait à retrouver une apparence normale et se sentir bien dans sa tête ou plutôt dans ses… cheveux.
Seydou KA (envoyé spécial en Türkiye)

