Pour la première fois au Sénégal, des chercheurs de l’Iressef, sous la direction du Pr Souleymane Mboup, ont réussi le séquençage complet du génome du complexe Mycobacterium tuberculosis, l’agent responsable de la tuberculose. Cette avancée scientifique majeure, fruit d’un travail pointu de la plateforme génomique de l’institut, permet désormais d’identifier les mutations génétiques de la bactérie et d’adapter les traitements selon les résistances détectées. Notre reporter a visité le fameux laboratoire et s’est entretenu avec le Pr Souleymane Mboup.
Dans le secret des labos de l’Iressef
Désormais, l’agent pathogène de la tuberculose peut être identifié. La prouesse a été réalisée par l’équipe de l’Institut de recherche en santé, de surveillance épidémiologique et de formation (Iressef), dirigée par le Professeur Souleymane Mboup. Immersion à Diamniadio, auprès des chercheurs qui ont ouvert leurs portes au journal «Le Soleil».
Derrière les portes closes d’un bâtiment discret, une armée de chercheurs, techniciens et biologistes mène une guerre silencieuse contre les virus, les bactéries et autres ennemis microscopiques. En blouses blanches, ils scrutent, analysent et innovent pour protéger la santé publique. Ici à Diamniadio, l’équipe de l’Institut de recherche en santé, de surveillance épidémiologique et de formation (Iressef), dirigée par le Professeur Souleymane Mboup, a réalisé pour la première fois au Sénégal le séquençage complet du génome du complexe « Mycobacterium tuberculosis».
Une évolution majeure dans la lutte contre la tuberculose. « Il n’y a pas eu jusqu’ici de séquence qui a été réalisée au Sénégal sur la tuberculose. Donc, c’était un challenge pour nous de faire ce travail scientifique. En plus de ce challenge, on s’est dit qu’il faut utiliser les données scientifiques à but de santé publique. Donc, la tuberculose étant un vrai problème de santé publique, il fallait quand même aider aussi les cliniciens à surpasser ce travail d’approximation», explique le Dr Seyni Ndiaye, biologiste.
Dans la froideur du laboratoire, plusieurs écrans témoignent de la traque des virus et bactéries. Normes de sécurité oblige, les personnes extérieures doivent se munir d’uniformes couvrant tout leur corps. «Si la personne ne connaît pas son statut vaccinal, il ne peut pas accéder au laboratoire», précise le Dr Abdou Padane, pharmacien biologiste et responsable de la plateforme génomique de l’Iressef. Les travaux ont été conduits par la plateforme génomique de l’Iressef, sous la direction du Dr Abdou Padane, dans le cadre de l’enquête nationale de pharmaco-résistance de 2023, menée en collaboration avec le Programme national de lutte contre la tuberculose (Pnt). Dans la lutte contre la tuberculose, l’intérêt de la recherche de lressef est qu’il est désormais possible d’identifier les agents pathogènes, responsables de la tuberculose. «Maintenant, on arrive à les caractériser et ça a un intérêt dans le traitement. Quand on arrive à caractériser et qu’on connaît les espèces et leurs mutations. Ça permet aux cliniciens de pouvoir connaitre les molécules qui sont sensibles et les molécules résistantes. On va utiliser les molécules sensibles pour traiter», expose Dr Seyni Ndiaye. Le séquençage génomique consiste à décoder l’Adn d’un agent pathogène comme le Mycobacterium tuberculosis. Concrètement, cela permet aux chercheurs d’identifier précisément les caractéristiques génétiques de la bactérie, notamment la détection des mutations responsables de la résistance aux antibiotiques, la personnalisation du traitement, un gain de temps et l’amélioration du pronostic, ainsi qu’un suivi épidémiologique et une prévention plus efficaces.
Technologie de pointe
Selon Dr Padane, les traitements diffèrent selon l’espèce. Ainsi, si l’Iressef fait connaitre l’espèce au clinicien, cela facilite le traitement. « On sort les mutations pour isoler les résistants. Donc, si le clinicien traite un patient qui est résistant, il va changer de traitement. Non seulement cela a un intérêt sur le diagnostic mais aussi dans la prise en charge », souligne Dr. Padane. Dans les salles de labo, c’est une constellation de technologies de pointe. Les machines ont pris le relais de l’œil humain. Entre bras robotisés et séquenceurs d’Adn, l’Irresef a offert à ses équipes les moyens de leurs ambitions. «On veut faire en sorte que les récepteurs disposent de ces technologies pour qu’on puisse répondre aux problèmes de santé dans le monde. Il y a trois générations dans les séquenceurs. Nous avons les séquenceurs de première génération, de deuxième et de troisième génération», signale M. Padane. Ces outils sophistiqués permettent d’identifier l’espèce et sa famille. Une fois que le séquençage est terminé, il y a un groupe de jeunes formés qui poursuivent les travaux.
Après ce travail, une équipe est chargée de s’assurer de la qualité de séquençage. «On fait le contrôle de la qualité de ces séquences et on identifie de quel pathogène s’agit-il. Quand l’identification est faite et qu’on confirme que le type de micobactériens tuberculosis, on va connaitre la lignée et la résistance. Cela veut dire que ce pathogène va résister à telle antibiotique ou pas. Si le pathogène est sensible, on va transmettre l’information aux biologistes qui, à leur tour, vont donner la nouvelle aux médecins. Il revient à ce dernier de prendre une décision par rapport au traitement adéquat», expose Mamadou Ndao, membre de l’équipe. Tout un travail qui permet aujourd’hui de faciliter la lutte contre tuberculose.
Par Babacar Gueye DIOP