À Ben Guérir, aux portes du Sahara, l’Université Mohammed VI Polytechnique façonne les contours d’une ville durable où l’Afrique invente ses propres solutions. Plus de 8500 étudiants, issus de plus de 40 nationalités, dont des Sénégalais, apprennent dans ce lieu d’excellence, fondé en 2017, où la durabilité sert de fil conducteur.
BEN GUÉRIR – Les allées larges et impeccablement entretenues voient défiler des groupes d’étudiants qui se rendent d’un laboratoire à un autre. Certains sont en blouse blanche, tandis que d’autres ont les yeux braqués sur l’ordinateur. Malgré l’immensité du site, une atmosphère calme enveloppe le campus, comme si les bâtiments absorbaient le bruit. Dans cette ville au climat semi-aride, à 72 kilomètres au nord de Marrakech, se dresse un centre de conférences massif, un hôtel moderne pour chercheurs et partenaires. Au même moment, le cœur de campus révèle salles de cours lumineuses, incubateurs, ateliers techniques et espaces de co-working. Tout paraît récent, pensé d’un seul geste.
Sous une douceur d’hiver proche des 10 degrés, les pavés du campus alternent avec des bandes vertes. Mustapha Bouhssini, vice-doyen de la recherche au Collège des sciences de l’agriculture et de l’environnement, rappelle : « Tout a commencé ici, en 2017. L’ambition était simple : répondre à des problématiques africaines… par les Africains. » Tout autour, les bâtiments en béton brut et verre fumé se découpent sur le désert. Le campus, aujourd’hui vaste de 80 hectares, doit devenir le noyau d’une ville verte de 1.000 hectares. Dans cette petite ville de 120.000 habitants, la durabilité traverse laboratoires, instituts et salles de classe. « Le learning by doing, apprendre en faisant, c’est notre philosophie. Et tout est conçu pour tester en vrai », insiste M. Bouhssini désignant le Green & Smart building park.
Plus de 8.500 étudiants, 40 nationalités
Ce lieu ressemble à un village d’architecture expérimentale : une vingtaine de maisonnettes érigées en 2017, certaines en terre, d’autres en résidus de phosphate ou en fibres de cannabis. Un laboratoire grandeur nature où chercheurs et étudiants évaluent résistance, ventilation et performances thermiques pour imaginer des constructions adaptées à l’Afrique. La ferme expérimentale attenante au Collège d’agriculture répond à la même logique. Serres, parcelles pilotes, semences résilientes, tests d’engrais et mesures de salinité y rythment le quotidien. « Tout ce qui est enseigné doit se vérifier dans le sol », glisse Mustapha Bouhssini, pointant du doigt des doctorants penchés sur des plants de blé. Non loin, les panneaux solaires du Green energy park scintillent. Premier centre africain de test solaire en conditions extrêmes, il reproduit chaleur, poussière et vents secs pour déterminer les technologies réellement adaptées au continent.
StartGate, le campus d’incubation, bourdonne : prototypes, algorithmes, agriculture intelligente, échanges entre ingénieurs, codeurs et architectes. « L’écosystème nourrit les étudiants et les étudiants nourrissent l’écosystème », résume M. Bouhssini. La durabilité s’exprime aussi par l’inclusivité sociale : 80 % des étudiants sont boursiers, la plupart d’entre eux entièrement pris en charge. « L’université privée à utilité publique, c’est ça. Il s’agit de ne pas laisser le facteur financier décider de qui peut apprendre », explique le vice doyen.
Plus de 8500 étudiants issus de 40 nationalités se côtoient, particulièrement des Nigérians et des Rwandais. Les filles représentent 55 % des effectifs. Autant de données qui font de cette université un centre d’excellence au service de l’Afrique d’aujourd’hui et de demain. L’Um6p est un projet stratégique du groupe Office chérifien des phosphates (Ocp) du Maroc. Son ambition est de devenir un pôle d’excellence en recherche appliquée et innovation au Maroc, axé sur le développement durable, les mines, l’agriculture et l’économie africaine.
Babacar Gueye DIOP (envoyé spécial)

