Dans les ateliers de l’Institut polytechnique de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (Ugb), deux esprits visionnaires travaillent d’arrache-pied pour révolutionner la mobilité des personnes vivant avec handicap. El Hadj Abdou Boye et Amadou Sow, respectivement élève ingénieur en informatique et élève ingénieur en électromécanique, ont uni leurs compétences pour concevoir un fauteuil roulant intelligent et connecté.
Leur invention a remporté le prix du recteur de l’Université Gaston Berger lors de la semaine de l’innovation et de l’entrepreneuriat de l’Ucad. Loin d’être un simple projet académique, celle-ci baptisée Optimove est le fruit d’une ambition plus grande : bâtir un avenir où la technologie brise les barrières du handicap et permet une inclusion totale. Plus qu’une avancée technologique, Optimove est une révolution sociale portée par deux jeunes ingénieurs animés par une conviction profonde : rendre l’autonomie aux personnes vivant avec un handicap. Il s’agit d’El Hadj Abdou Boye et Amadou Sow, respectivement élève ingénieur en informatique et élève ingénieur en électromécanique.
Les grandes inventions naissent souvent d’une histoire personnelle, dit-on. Et Optimove n’échappe pas à la règle. Amadou Sow raconte avec émotion l’expérience qui a tout déclenché. « Optimove est né d’une expérience personnelle marquante », confie-t-il. Il se souvient de son camarade El Hadj Abdou Boye qui vivait avec son oncle gravement malade.
Celui-ci, totalement dépendant, ne pouvait rien faire par lui-même. « Cette dépendance le frustrait profondément, même lorsqu’il recevait de l’aide », poursuit-il. Pendant des mois, son camarade l’a assisté, l’aidant dans ses gestes les plus quotidiens, jusqu’à ce que la maladie l’emporte. Ce décès a été un déclic. L’idée de créer une solution qui redonne de l’autonomie aux personnes en situation de handicap s’est imposée comme une évidence. Amadou et El Hadj ont alors engagé une réflexion de fond : comment concevoir un fauteuil roulant capable de répondre aux défis du handicap dans un pays où les équipements ne sont pas toujours adaptés ?
De cette question, naîtra un projet concrétisé aujourd’hui.
Un fauteuil pas comme les autres
Contrairement aux fauteuils roulants classiques, Optimove repousse les limites de la mobilité assistée en intégrant des technologies de pointe adaptées aux besoins spécifiques de chaque utilisateur. L’un des aspects les plus révolutionnaires du fauteuil est sa capacité à être contrôlé à distance via un smartphone. Grâce à une application mobile intuitive, l’utilisateur peut appeler son fauteuil, qui se déplace automatiquement vers lui. Cette fonctionnalité est particulièrement utile pour les personnes dont la mobilité est fortement réduite et qui ne peuvent pas atteindre leur fauteuil quand celui-ci est hors de portée. Une fois installé dans son fauteuil, l’utilisateur dispose de plusieurs options de pilotage. Pour ceux qui conservent une certaine motricité des mains, un joystick est disponible, offrant une prise en main intuitive et fluide. Ce mode de contrôle leur permet de se déplacer facilement et en toute autonomie, sans dépendre donc d’une tierce personne, fait savoir M. Sow.
Le défi du premier prototype
Mais la véritable prouesse technologique d’Optimove réside dans son système de contrôle par la pensée. Destiné aux personnes atteintes d’un handicap moteur sévère, ce dispositif repose sur des capteurs cérébraux qui traduisent les signaux neuronaux en commandes pour le fauteuil.
Ainsi, un simple effort mental permet à l’utilisateur d’indiquer au fauteuil la direction souhaitée. « Ce concept, qui semblait autrefois relever de la science-fiction, devient une réalité grâce aux avancées dans les domaines de la neurotechnologie et de l’intelligence artificielle. Avec Optimove, toute personne vivant avec un handicap, quelle que soit la nature, peut se déplacer en toute autonomie », affirme Amadou Sow. Passer de l’idée au prototype n’a pas été une mince affaire. « Notre premier défi était de transformer notre idée en une solution concrète », explique Amadou. Pendant des mois, les deux ingénieurs ont consacré des nuits et des weekends à la recherche, à la conception et aux tests.
Le prototype, aujourd’hui fonctionnel, intègre déjà le contrôle via smartphone et joystick. La prochaine version, en cours de développement, inclura le contrôle par la pensée, une avancée majeure qui nécessite l’intervention de spécialistes en neurosciences et en intelligence artificielle.
« Nous travaillons sur un prototype avancé, intégrant tous les éléments nécessaires à garantir une autonomie optimale, un confort maximal et une sécurité renforcée pour l’utilisateur », ajoute Amadou. Loin d’être un simple gadget, Optimove est conçu pour répondre aux défis énergétiques et ergonomiques, renseignent ses inventeurs.
« Nous souhaitons garantir une alimentation continue. C’est pourquoi nous avons intégré un panneau solaire placé à l’arrière du fauteuil », explique Amadou Sow.
Cette innovation, dit-il, permet d’assurer une autonomie prolongée, essentielle dans un contexte où l’accès à l’électricité peut être limité.
Un impact social et économique majeur
L’intelligence artificielle embarquée joue également un rôle clé. Elle permet non seulement de contrôler la navigation et d’adapter la conduite aux besoins de l’utilisateur, mais aussi d’assurer un suivi médical en temps réel. « L’IA optimise le contrôle, la navigation et l’adaptation du fauteuil aux besoins de l’utilisateur. Elle assure un suivi médical en temps réel, détecte les anomalies et facilite la rééducation grâce à l’analyse des mouvements », explique Amadou. Optimove ne se contente pas d’apporter seulement une solution technique. Il s’inscrit dans une démarche sociale et inclusive
. « Nous avons choisi de travailler sur la mobilité des personnes en situation de handicap afin de favoriser leur inclusion sociale », souligne Amadou. Dans un pays où les infrastructures restent inadaptées aux personnes à mobilité réduite, a-t-il soutenu, la possibilité de se déplacer librement change radicalement le quotidien.
« Ce fauteuil intelligent permet à nos cibles non seulement d’être plus indépendants, mais aussi d’accéder plus facilement aux opportunités professionnelles et éducatives », fait savoir l’élève ingénieur. En plus, Optimove pourrait avoir un impact significatif sur l’économie locale. « Notre projet peut générer de nombreux emplois, notamment dans la fabrication et l’assemblage des fauteuils avec un modèle personnalisé ainsi que dans les domaines de l’informatique et de l’énergie », explique Amadou.
L’objectif des deux ingénieurs est clair : assurer, d’ici à cinq ans, une inclusion totale des personnes en situation de handicap au Sénégal, en leur facilitant l’accès à l’éducation, à l’emploi et à toutes les activités du quotidien. « Nous envisageons, ensuite, d’étendre notre projet à toute l’Afrique », conclut Amadou Sow.
L’ambition de ces deux jeunes ne s’arrête pas là. Ils imaginent déjà une amélioration de leur trouvaille pour plus d’autonomie et de sécurité ainsi que la création d’un réseau de maintenance local pour assurer sa durabilité.
Douda DIOUF