La notion d’incompatibilité d’humeur est très souvent invoquée comme motif de divorce des couples. Mais derrière cette expression « fourre-tout », se cachent des secrets difficilement avouables devant le juge.
Mamy Guèye a mis fin à son union avec son époux pour une raison bien particulière. La bonne dame n’a pas eu le soutien de son mari qui « préférait être dans le déni » quand sa belle-famille lui menait la vie dure. « Sa mère lui a demandé de choisir entre elle et moi. Il a évidemment choisi sa mère », confie-t-elle avec amertume. Le regard vide, la femme de 25 ans a encore du mal à évoquer cette phase douloureuse de sa vie. Mais, face au juge, elle a préféré taire les véritables raisons de sa demande de divorce. Par conséquent, elle a opté pour la séparation par consentement mutuel. « Nous avons opté pour un consentement mutuel, car les deux parties étaient d’accord pour le divorce », fait-elle savoir.
À l’image de son mariage, la procédure a duré le temps d’une rose. « On nous a convoqués une seule fois et on avait remis au juge la demande de divorce avec consentement mutuel », avoue-t-elle, peinée.
« C’est ma femme qui a demandé le divorce », confie Modou Diop. Quadragénaire et père de deux enfants, il a dû faire face à des disputes incessantes avec sa conjointe. « Il y avait un certain nombre de comportements que je n’aimais pas chez elle. Cela a altéré notre relation », dit-il, dans la confidence. Le sieur explique qu’il ne pouvait pas supporter certains écarts de conduite et de langage. Le couple opte alors pour un divorce par consentement mutuel pour cause d’incompatibilité d’humeur. L’enseignant a laissé la garde de ses deux enfants à son ex-épouse avec qui elle a de bons rapports.
Nafi Diakhoumpa a consenti à se marier pour fuir la pression sociale qui pesait sur ses frêles épaules. Ainsi, la trentenaire s’est lancée dans un mariage sans amour. « Je croyais que j’allais tomber amoureuse de mon époux dans le mariage. Malheureusement, il n’était pas romantique et cela aggravait la relation », révèle-t-elle. La jeune femme affirme que le caractère romantique joue « un rôle primordial » dans un mariage. Elle juge que cela peut inciter les conjoints à s’aimer plus. Cependant, Nafi et son ex-mari ont préféré choisir le divorce pour incompatibilité d’humeur comme motif et par consentement mutuel. Pour elle, cela permet de « masquer » le vrai motif. « Nous avons nos réalités et cela peut permettre aux conjoints de garder leur relation pacifique », avoue-t-elle.
« Incompatibilité d’hormones »
« Aucune femme ne souhaite le divorce. Cependant, quand cela arrive, il faut l’accepter avec grandeur », dit Khoudia Diop, plongée dans ses pensées. Les plaies sont encore béantes et la jeune femme peine à parler de son divorce. L’arrivée d’un enfant devait consolider son couple, malheureusement, elle n’en a pas eu… « Je ne pouvais pas enfanter », dit-elle en étouffant un sanglot. Mais, comme un malheur n’arrive jamais seul, Khoudia voit la flamme de son mariage se consumer. « Nous avons finalement décidé, d’un commun accord, de divorcer par consentement mutuel », déclare-t-elle. L’incompatibilité d’humeur est la raison évoquée, mais Khoudia Diop parle d’une « incompatibilité d’hormones » comme pour donner un mot à son mal-être.
Un motif pour sauver les apparences
L’incompatibilité d’humeur peut être invoquée comme motif de divorce. Mais, selon Me Abdou Dialy Kane, avocat à la Cour, cela n’est pas sans risque. Il précise que demander un divorce en se fondant sur l’incompatibilité d’humeur constitue un danger pour l’époux qui le fait. « Le risque est que quand un conjoint invoque devant une juridiction l’incompatibilité d’humeur à l’appui de sa demande de divorce, il est prononcé à ses torts », déclare-t-il. L’avocat à la Cour explique que la personne qui prend le risque d’invoquer l’incompatibilité d’humeur peut être condamnée à payer des dommages et intérêts. C’est ce que prévoit le Code de la famille en son article 175 : « Lorsque le divorce est prononcé aux torts de l’un des conjoints, il peut être condamné à payer des dommages et intérêts ».
« L’incompatibilité d’humeur n’est pas définie par la loi. Il appartient au juge, à travers la jurisprudence, de préciser ce que recouvre cette notion », renseigne Me Abdou Dialy Kane.
Celui qui invoque l’incompatibilité d’humeur peine à motiver sa demande. « C’est une notion fourre-tout, une arme facile que la personne qui veut, coûte que coûte, mettre fin au mariage utilise, à ses risques et périls », soutient-il. Le conseil pense que ce motif peut être invoqué pour sauver les apparences. « C’est une arme conforme à nos valeurs sociales », déclare-t-il.
Arame NDIAYE