La sociologue Marième Ciss Seck estime que le processus de socialisation fait que des rôles et statuts sociaux sont transmis et durablement acquis de génération en génération de façon à paraître naturels, voire innés.
Les rôles sociaux de la femme ou de l’homme ainsi que leur place sont clairement identifiés et distincts dans la société de façon générale. C’est ce qu’affirme la sociologue Marième Ciss Seck. Ainsi, il y a des comportements, des aptitudes et professions exclusivement réservés à l’un ou à l’autre. Cela s’explique, selon elle, par un processus de socialisation qui fait que des rôles et statuts sociaux sont transmis et durablement acquis de génération en génération de façon à paraître naturels, voire innés. Cette division sexuelle est le soubassement de tout un ensemble d’aptitudes et d’attitudes longtemps perçues comme naturelles donc universelles et immuables. « Cependant, cela n’est pas figé. Étant différenciés depuis des générations en fonction du genre », fait-elle savoir. Et de préciser que certains comportements d’« hommes » ou de « femmes » sont considérés comme figés et statiques alors qu’ils peuvent bel et bien évoluer et changer par les mêmes mécanismes qui ont favorisé leur ancrage social.
« On naît femme biologiquement, mais on devient femme par le biais de la socialisation, de l’éducation, de rites d’initiation », affirme la chercheure et consultante affiliée au laboratoire Cierval de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. C’est donc tous ces mécanismes d’apprentissage et d’intégration sociale qui permettent à la femme d’acquérir les aptitudes et attributs qui sont attendus d’elle durant toute sa vie. La sociologue va plus loin en montrant que cela commence dès le bas âge. « La jeune fille est initiée à être timide, sage et faible et à rester dans l’espace privé, notamment familial et formé à rester à côté de sa mère », explique-t-elle. Au même moment, le petit garçon est préparé à être brave, fort et à se familiariser à l’espace public. Il est autorisé à aller jouer au football, à se confronter à des épreuves physiques lourdes, à se battre pour être fort. La sociologue soutient que ces pratiques sont des « différences intériorisées durablement » de façon à paraître naturelles. Parmi ces pratiques et aptitudes différenciées selon le sexe, la chercheure à l’Université Gaston Berger cite, entre autres, le sport, l’exercice de certaines professions comme les travaux d’ouvrage, la mécanique, les métiers de l’énergie qui sont fortement « masculinisées ». Elle déclare que le fait que certaines femmes s’engagent donc dans ces activités est souvent mal perçu du fait qu’il n’entre pas dans le registre des aptitudes socialement valorisées pour une personne de sexe féminin.
La propension de certaines femmes à s’immiscer dans les champs jadis réservés aux hommes peut favoriser le fait qu’elles soient perçues comme des « outsiders ». Ces dernières peuvent, selon Marième Ciss Seck, être étiquetées et stigmatisées, d’une part, et, d’autre part, apparaître comme intruses aux yeux des hommes qu’elles vont rejoindre dans les champs qui leur étaient longtemps réservés. Mais derrière ce choix, la sociologue l’analyse comme une sorte de dénonciation par certaines femmes du caractère arbitraire de la répartition des rôles et responsabilités dans la société, une façon de remettre en cause l’ordre social établi et de prouver, par l’exemple, le caractère dynamique et mouvant des choses.
Arame NDIAYE