Ce 26 septembre marque le 23ᵉ anniversaire du naufrage du ferry sénégalais, « Le Joola ». Cette catastrophe, survenue en 2002, reste la plus meurtrière de l’histoire maritime civile, avec un bilan officiel d’au moins 1 863 morts et disparus. Vingt-trois ans plus tard, si le souvenir est honoré, les familles des victimes continuent d’exiger justice et vérité.
Depuis 1991, le « Joola » assurait la liaison maritime entre Ziguinchor et Dakar. Le naufrage s’est produit dans la nuit du 26 septembre 2002, alors que le ferry ralliait Dakar. Conçu pour un maximum d’environ 580 passagers, il transportait près de 2 000 personnes à son bord, soit plus du triple de sa capacité officielle, selon les sources. Cette surcharge incluait des véhicules et des marchandises mal arrimées.
Aux alentours de 22h GMT, le navire a rencontré une violente tempête au large des côtes gambiennes. Le vent et la houle ont fait gîter le bateau. En l’espace de cinq minutes, selon les témoignages et un rapport d’enquête publié par Le Monde, le navire a basculé rapidement. L’inclinaison a atteint plus de 20 degrés, provoquant le chavirement total du « Joola ». Des centaines de passagers sont restés piégés sous la coque : hommes, femmes, enfants, étudiants, étrangers, etc., ne sont jamais arrivés à destination. Seuls 64 passagers ont survécu à cette tragédie.
Une opération de « search and rescue » (SAR) fut déclenchée par le ministère des Forces armées, dirigé par Youba Sambou. De son côté, le ministère de l’Intérieur lança le plan d’urgence Orsec. Des chalutiers furent détournés vers le ferry et quatre navires de la marine nationale sénégalaise furent dépêchés sur zone. Les premières opérations de sauvetage n’ont commencé que plusieurs heures après le naufrage (18 heures), menées initialement par des pêcheurs locaux.
La réaction du Président Abdoulaye Wade
Le 1ᵉʳ octobre 2002, le Président Abdoulaye Wade s’est adressé à la nation. Dans son discours, il a appelé les Sénégalais à « l’examen de conscience » et au sursaut face à la « légèreté » et au « manque de sérieux » perçus comme des causes profondes de la catastrophe. Il a promis que « la vérité, toute la vérité » serait établie par l’enquête de la commission technique, visant à situer les responsabilités.
Le chef de l’État a décidé la création de cimetières pour les corps non identifiables (notamment à Dakar, Ziguinchor et Kaffountine), l’indemnisation des victimes et l’édification d’un mémorial.
Conséquences judiciaires
L’enquête sénégalaise fut cependant classée sans suite dès août 2003, soit moins d’un an après le drame.
La justice a retenu la seule responsabilité du commandant de bord, Issa Diarra, disparu dans le naufrage. Personne n’a été inculpé ni jugé, aucun procès n’a été intenté. Or, d’après les documents, le capitaine Diarra n’était qu’à la fin d’une chaîne de négligences graves.
Si le bateau avait été surchargé de passagers et de marchandises mal réparties et mal arrimées, les enquêtes ont montré qu’il n’aurait pas dû prendre la mer, car il n’était ni techniquement ni administrativement en règle. Cette décision a conduit à des accusations de négligence dirigées contre l’État et le gouvernement de l’époque.
La commémoration du 23ᵉ anniversaire
En 2025, la douleur reste vive et la quête de justice demeure au cœur des commémorations. L’anniversaire est traditionnellement marqué par des cérémonies à Ziguinchor, lieu de départ du ferry, notamment au Musée-Mémorial Le Joola.
Pour cette 23ᵉ année depuis le naufrage, le Président Bassirou Diomaye Faye a invité le gouvernement à prendre des mesures appropriées. Le chef de l’État a chargé le gouvernement de collaborer étroitement avec les associations de familles de victimes pour garantir le bon déroulement des cérémonies de commémoration.
Les associations (ANFVR-J) insistent sur la nécessité d’une nouvelle approche de la commémoration et exigent la réouverture du dossier judiciaire pour que les responsabilités étatiques soient établies. Elles plaident également pour la pleine valorisation du Musée-Mémorial de Ziguinchor, afin qu’il devienne un véritable lieu de souvenir, de prévention et d’éducation contre l’oubli.
Djibril DIAO