L’incompatibilité d’humeur au sein de couples sénégalais peut être comprise, d’après le sociologue Souleymane Lô, à travers trois dimensions essentielles : le choix du conjoint, le stress face à la baisse tangentielle du pouvoir d’achat du mari et la perspective d’une seconde noce. Pour le choix du conjoint, Souleymane Lô explique que la question se posait moins dans la société traditionnelle au motif que le sentiment d’amour de l’individu était relégué au second plan face au devoir sociétal. En effet, la relation matrimoniale était bâtie sur les qualités de l’autre, notamment celle de la famille, voire de la classe sociale à laquelle il appartient. Sous cet angle, il estime qu’on n’épouse pas une femme, mais un groupe social, soit une famille, une ethnie, voire une conscience collective qui exprime le mieux les attentes de la société en matière de relations matrimoniales. Le mariage était plus une fin en soi pour la perpétuité d’une descendance qu’un moyen de produire le bonheur pour l’individu. L’incompatibilité d’humeur est, par conséquent, anéantie par la volonté d’un vivre ensemble définie dans le projet de société dont le couple s’approprie les principes fondamentaux en agissant au nom et pour le compte du groupe social, de la communauté dont il est d’ailleurs plus amoureux qu’à sa propre personne.
« Aujourd’hui, les mariages sont fondés sur la recherche exclusive du bonheur suivant la sensation, le désir né des pulsions amoureuses qui engagent l’un à s’unir à l’autre et souvent envers et contre les attentes de la communauté », fait savoir le sociologue. Il parle même « d’amour égoïste » en ce sens qu’il se prive des repères sociétaux pour exister au nom et pour le compte de l’amour.
« Les éducations et les parcours de vie ne sont pas pareilles. Lorsqu’une différence de point de vue surgit au sein du couple avec la conséquence d’opposer dans le temps ceux qui se juraient amour et fidélité, on assiste à une collision culturelle rendant difficile toute possibilité de compréhension au sein du couple », explique-t-il. Le sociologue soutient que l’incompatibilité d’humeur n’est autre que le résultat de la différence de culture, d’éducation, voire de repères sociaux auxquels le couple, égoïste et aveuglé par ses propres sentiments, ne voulait guère se fier à l’aube de sa naissance. « Ce sont ces malentendus répétitifs et relatifs à la différence culturelle qui finissent par disloquer le couple », admet-il.
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Les difficultés financières de l’époux peuvent aussi avoir comme conséquence une incompatibilité d’humeur. « Quand l’homme rencontre des problèmes pour faire face à la vie, il demeure une proie facile au stress au point que sa tolérance trouve ses limites dans chaque fait et geste de l’épouse », explique-t-il. M. Lô indique que dans de pareilles circonstances, l’incompatibilité d’humeur s’installe et altère les relations du couple. Enfin, la perspective d’une seconde lune de miel n’est pas à écarter. « Les soupçons d’une femme portée à la jalousie maladive qui la rend inéluctablement paranoïaque ont souvent comme résultat le caractère acariâtre dont elle fait montre envers l’époux », déclare-t-il.
Le refus d’admettre la cohabitation, le manque de confiance en soi, le sentiment de culpabilité en pensant avoir manqué au devoir conjugal sont, selon lui, tant d’états d’âme susceptibles de mettre une femme dans un doute existentiel perpétuel. « L’incompatibilité d’humeur se comprend par des agissements irrationnels de la femme désormais incapable de tout discernement au point que sa tolérance souffre devant les faits, les mots et gestes de l’époux », fait observer Souleymane Lô. Ainsi, les disputes, meilleurs baromètres des dysfonctionnements au sein du couple, vont finir par déteindre négativement, au fur et à mesure, sur la « santé » du couple jusqu’à ce qu’un divorce vienne mettre un terme à ce qui était censé être une relation sincère.
Arame NDIAYE