Le relèvement de l’âge légal du mariage de 16 à 18 ans, voire plus, pour les jeunes filles tarde à devenir effectif dans notre pays. Il demeure encore au stade des recommandations formulées par les mouvements féministes. Ce point figure dans leur plan d’action visant à promouvoir un développement humain durable. Il est également question d’une harmonisation des dispositions du Code de la famille avec les nombreux traités et conventions signés par le Sénégal.
L’un des objectifs majeurs reste la recherche d’une harmonie familiale durable en raison du rôle central de la femme dans le développement de nos jeunes nations. La révision de l’âge du mariage à 18 ans fait partie intégrante de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, adoptée le 18 décembre 1979 par l’Assemblée générale des Nations unies. Mais, les associations féminines sont conscientes qu’il faut déployer toute une panoplie de stratégies pour convaincre les esprits réfractaires au changement de se ranger à leurs côtés.
Ces derniers s’opposent à cette réforme qui vise avant tout à protéger un grand nombre de jeunes filles dont l’avenir est souvent compromis par les mariages précoces. Des leaders traditionnels et religieux ne saisissent pas pleinement l’intérêt de cette cause et demeurent convaincus que le mariage sert de bouclier contre les dérives de la jeunesse. Ils continuent à percevoir le mariage comme un instrument de protection de la femme. Certains se réfèrent à l’esprit des textes religieux selon lesquels l’union sacrée offre un environnement de paix, d’amour et de co-construction. Dans leur entendement, le mari reste le pourvoyeur et le protecteur de son épouse et de sa famille. Il est chargé de leur procurer une sécurité matérielle et affective.
La femme dispose, d’après la religion musulmane, de la possibilité de travailler, de préserver ses biens et de dépenser ses revenus à sa guise. Elle n’aurait donc, à leurs yeux, rien à perdre en se mariant à 16 ans. Cependant, tous les hommes n’ont pas épousé ces valeurs, les réalités actuelles reposant sur de nouvelles règles du jeu. Les femmes vivant à l’ombre de leurs maris à cause d’une dépendance financière l’ont appris à leurs dépens : elles subissent les méfaits de l’absence ou de l’insuffisance des revenus de leurs conjoints ainsi que leur désengagement dans la prise en charge familiale. Pour autant, les craintes des aînés à propos du relèvement de l’âge du mariage se fondent sur les risques liés à une sexualité précoce et incontrôlée. Ils ne sont pas les seuls à partager ces appréhensions à l’ère du numérique : de nombreux parents ont le sentiment de perdre le contrôle de leurs enfants.
Les mutations sociales et technologiques ont brisé des repères et des modes de pensée, entraînant une banalisation de la sexualité précoce. De plus en plus de jeunes se donnent les moyens d’explorer leur corps à leur guise, souvent à leurs risques et périls. Parfois, les adolescents, en pleine construction identitaire, s’exposent à toutes sortes de dangers : sexualité non protégée, infections sexuellement transmissibles, déscolarisation, etc. Une situation parmi d’autres, qui favorise le statu quo en matière de mariages précoces, alors qu’il est avéré que cette voie n’est pas moins risquée et qu’elle renforce la vulnérabilité des jeunes filles. Celles-ci font face à des complications liées à la grossesse et à l’accouchement, ainsi qu’à des problèmes néonataux et à une mortalité infantile accrue. L’expérience a également montré que le mariage précoce a brisé l’élan de brillantes jeunes filles promises à un avenir radieux.
Elles ont perdu toute perspective d’emploi et d’autonomie financière au profit de conjoints capables de s’offrir une cure de jouvence et d’épouser plus jeunes qu’elles à tout moment… matel.bocoum@lesoleil.sn


