Le maraîchage est en plein essor dans le département de Podor (Nord). À Ndioum Walo, un quartier de la commune de Ndioum, près de 300 femmes ont montré l’exemple en mutualisant leurs forces. Grâce à leur dévouement et abnégation, elles sont devenues des pionnières dans le domaine, forçant respect et admiration.
Arrosé par le fleuve Sénégal et ses affluents, le département de Podor est une zone à fort potentiel agricole. Dans la commune de Ndioum, les femmes ont exploité cette opportunité à fond. Avec près de 300 membres, un groupement féminin s’est fixé comme objectif de nourrir la population à travers le maraîchage. Malgré des moyens limités, elles se sont lancées, la détermination en bandoulière. Plus de 10 ans après leurs débuts, « Gesel rewbe » (le champ des femmes) se porte bien. « Nous avons commencé avec l’arachide, le niébé et le gombo. Chaque femme trouvait elle-même ses propres ressources pour assurer la campagne. Malgré les difficultés, nous avons souvent eu de bonnes récoltes ; ce qui nous a permis de tenir toutes ces années », témoigne Gamou Ndaw, présidente du Gie des femmes de Ndioum Walo.
À la tête du groupement depuis deux ans, Gamou connaît toutes les péripéties du projet. « Nous sommes dans une zone où l’agriculture a toujours été un domaine réservé aux hommes. Mais, il fallait briser ces barrières et montrer que les femmes aussi sont capables de travailler la terre », explique-t-elle. Pour y arriver, il a fallu beaucoup d’énergie et de sacrifices pour ces braves dames. Ne bénéficiant pas de soutien ou de financement, elles se sont retroussées les manches pour réaliser leur rêve. « Notre Gie compte 268 membres et c’est déjà une bonne chose. Au lieu d’attendre des financements, nous avons décidé de cotiser pour dérouler nos activités. Par la grâce de Dieu et avec une bonne organisation, nous nous en sortons », renseigne Mme Ndaw.
Une cotisation de 5.000 FCfa par membre
À l’unanimité, les membres du Gie, des femmes au foyer, adhèrent à la vision du bureau. Ainsi, chacune d’elles débourse annuellement 5.000 FCfa, pour un total de 1,340 million de FCfa. Une somme importante qui leur permettra de dérouler la campagne agricole en toute quiétude. En effet, avec cet argent, elles vont acheter le carburant nécessaire pour les cinq mois de campagne, payer le pompiste et le gardien et solder la facture du mécanicien en cas de panne de la motopompe « Pour faciliter le travail, nous avons formé sept secteurs dirigés chacun par une coordinatrice chargée de la supervision. En ce qui concerne l’irrigation, chaque secteur dispose d’un jour complet », explique Billal Hanne, coordonnatrice du secteur 2.
Un financement tombé du ciel
Le côté logistique réglé, il fallait s’attaquer aux semences. Mais, sur ce point, les femmes ont des opinions divergentes. À côté de l’arachide qui faisait leur bonheur, certaines veulent y associer d’autres spéculations. Et pour éviter la cassure de cette belle dynamique, un consensus a été trouvé. « Si nous sommes connues dans la zone, c’est grâce à l’arachide. Toutefois, si les gens veulent cultiver autre chose, ils sont libres. D’ailleurs, c’est une bonne chose, car le marché en demande », pense Gamou Ndaw. Ainsi, d’autres variétés sont venues accompagner l’arachide. Les dames cultivent désormais du piment, du poivron, des courges, du concombre ou encore de l’oignon. Et depuis deux ans, les femmes de Ndioum Walo peuvent compter sur l’accompagnement de l’Ong 3D en partenariat avec les Espagnols de Manos Unidas. Un financement a donc été trouvé et les activités ont pris une autre tournure. « Ce financement est venu à son heure. Nous avons bénéficié d’un grillage pour clôturer le périmètre, d’une motopompe puissante, des semences de qualité et de l’engrais », renseigne la présidente du Gie « Gesel rewbe ».
Pour la nouvelle campagne soutenue par le financement de l’Ong 3D, les femmes de Ndioum Walo ont expérimenté des courges et du concombre, des spéculations jusque-là inconnues dans la zone.
Les bons rendements obtenus ont poussé les bailleurs à renouveler leur accompagnement. « C’était vraiment risqué de dérouler une campagne en période d’hivernage. Mais, avec leur dévouement, elles ont obtenu de bons résultats. C’est pourquoi nous avons décidé de prolonger cet appui pour cette présente campagne », renseigne Khalifa Gaye, superviseur de l’Ong 3D et chargé du suivi technique du projet à Ndioum Walo.
Lancé en 2024, le projet des femmes de Ndioum Walo devrait se poursuivre jusqu’en 2026. Pour la présente campagne, Gamou Ndaw et ses braves collègues vont cultiver du piment, de l’oignon, du gombo ou encore du poivron. Des spéculations nombreuses et variées, mais sur un périmètre assez limité. D’ailleurs, sur ce point, ces femmes spécialisées dans le maraîchage ne manquent pas de se faire entendre à chaque fois qu’elles en ont l’occasion. « Dans nos zones, l’homme a toujours eu le contrôle sur les terres. Mais, le monde bouge et les mentalités doivent aller avec. Nous sommes des acteurs de l’économie. Et comme eux, nous devons avoir accès à la terre », martèle la présidente.
Dans un passé récent, ces dames avaient exigé des terres pour le maraîchage. Elles avaient obtenu gain de cause avec l’octroi de 14 hectares à moins d’un kilomètre de la ville. Mais, après une seule campagne et faute de moyens, elles avaient fini par céder ce périmètre à un particulier, sous forme de location. « Nous disposons toujours de ces 14 hectares et notre objectif est de les viabiliser. Il nous faut un financement conséquent, car c’est assez vaste. Nous sollicitons l’appui des autorités pour concrétiser ce rêve de nourrir toute la population », ajoute Souadou Ndiaye, membre du Gie « Gesel rewbe ».
Par Mamadou Thiam (correspondant)