Au tribunal départemental de Kaolack, Abdou Diop se fait remarquer par son travail de cadi, mais aussi par sa passion pour la lecture et le goût de l’écriture. Ce gendarme à la retraite, natif de Foundiougne, en 1953, a très tôt chopé le virus de la lecture. Il a d’abord fréquenté l’école coranique avant d’entamer son cycle élémentaire de 1960 à 1968, tout en continuant l’apprentissage du coran. En 1976, il entre dans l’armée et deux ans après, il est reçu à l’école de la gendarmerie nationale. Un corps qu’il a servi pendant 30 bonnes années, avant de prendre sa retraite en 2008. Il se remémore de quelques anecdotes de son séjour à la gendarmerie. Pendant la guerre du Golfe (en 1990) « Tempête du désert », notamment lors de « l’opération Daguet », Abdou Diop raconte qu’il a joué un rôle déterminant aux côtés des troupes sénégalaises. « Alors que j’étais en service à la brigade territoriale de Foundiougne, j’ai été sélectionné suite à un appel à candidatures d’interprète en arabe pour accompagner les forces sénégalaises pendant la guerre du Golfe. Le deuxième gendarme sénégalais était un certain Faye, je ne me souviens de son prénom. Le recrutement était très sélectif car le militaire ou le gendarme postulant devrait pouvoir lire et réciter le coran et surtout de comprendre la langue arabe et pouvoir la parler. Des conditions que je remplissais déjà car j’avais obtenu mon diplôme de 3ème cycle en pédagogie arabe au département Arabe de l’Université Cheikh Anta Diop. Sur le terrain, Faye et moi servions d’interface entre les armées arabes et non arabes, nous assurions la traduction des messages, des discours et autres propos », raconte Abdou Diop actuel imam à Sara Nimzath (Kaolack) et cadi au tribunal d’instance. Il affirme avoir aussi participé à plusieurs concours internationaux de récital du saint coran. Le dernier en date, dit-il, est celui organisé en 2003 par l’Arabie Saoudite destiné aux militaires. « Nous étions trois sénégalais à avoir représenté notre pays. Et au terme de la compétition, j’avais comme récompense un diplôme et un prix », confie l’écrivain et cadi de Kaolack.
Après avoir rempli pleinement sa mission dans l’armée et la gendarmerie pendant 32 ans, le vieux Abdou Diop, s’est retiré dans la commune de Kaolack, où il vit paisiblement sa retraite dans le quartier Sara-Nimzath. Une retraite sans repos car Abdou Diop continue de faire travailler sa mémoire et à servir son peuple et sa religion musulmane. Dans son quartier, il se fait distinguer par ses qualités et son comportement d’un musulman exemplaire. Sa maîtrise du saint coran et du droit musulman ont fait de lui un homme de Dieu respecté par le voisinage. Ses qualités et ses compétences ont beaucoup influé sur son imamat de la localité.
Abdoulaye Sène, son ami et frère d’armes, camarade de promotion à la gendarmerie, retient d’Abdou Diop un homme cultivé, social et pieux. « Abdou et moi avons beaucoup partagé depuis l’armée et la gendarmerie. C’est plus qu’un frère, on est presque des jumeaux. On a cheminé plus de trente-deux ans en tant que gendarmes. A la retraire, nos destins se croisent encore dans un même quartier de Kaolack dont il est l’imam. Le compagnonnage continue encore dans une parfaite compréhension mutuelle. A 72 ans, nous vivons toujours ensemble avec les mêmes principes et la même complicité », témoigne Abdoulaye Sène, gendarme à la retraite et ami d’Abdou Diop.
En 2017, alors âgé de 65 ans, Abdou Diop ne voulait pas rester oisif, inactif. Il cherche à avoir une occupation utile à la société. C’est ainsi qu’il dépose son dossier de candidature au ministère de la justice pour le poste de cadi au tribunal d’instance de Kaolack. Après examen du dossier suivi d’une enquête de moralité, sa candidature a été acceptée. Il est nommé cadi par décret présidentiel. Depuis lors, Abdou Diop intervient dans plusieurs dossiers relatifs à la charia et au Code la famille. « Le mot cadi signifie en arabe juge, mais dans la législation sénégalaise le cadi ne joue pas le rôle de juge, il ne juge pas. Il est plutôt un connaisseur du droit musulman, rattaché auprès du président d’instance, comme conseiller ou consultant en matière islamique. Loin d’être juge, le cadi se prononce uniquement sur les questions relatives à la charia que le juge lui demande. Au tribunal, quand le litige est relatif aux successions de droit musulman, les deux parties peuvent être renvoyées devant le cadi aux fins de tentatives de réconciliation », explique Abdou Diop. Pendant huit bonnes années, il exerce ce métier avec passion et professionnalisme.
Birame Sène, président du tribunal d’instance de Kaolack, reconnaît en lui un collaborateur loyal et dévoué à la tâche. « Le doyen Abdou Diop nous donne entière satisfaction. Il exécute toutes les missions qu’on lui confie. En matière d’affaires successorales, il règle beaucoup de conflits entre les familles », témoigne le président du tribunal d’instance de Kaolack.
Dans son bureau, au deuxième bâtiment du tribunal d’instance de Kaolack, c’est une pile de livres et de journaux qui ornent sa table. Ces moments de pause, il les consacre à la lecture (le saint coran, les quotidiens nationaux, des livres divers) et à l’écriture. Sa passion et son goût pour les livres et la lecture occupent une place centrale dans son quotidien. En 2018, il publie son premier ouvrage intitulé « Sabor ». Un livre qui met en lumière la richesse de la culture sénégalaise dans sa diversité. Cette publication est suivie par trois autres manuscrits en français qui sont à la recherche d’éditeur. « Un futur philosophe face au destin de son peuple », « Mariage et dévolution successoral en droit musulman », « D’amour au drame » en sont les titres. « Mon ambition est de léguer à la postérité une banque de données en matière de documentation et de réflexion sur les faits et phénomènes de société. La finalité de mes pensées et de mes écrits, c’est d’inviter la communauté à la restauration et la préservation de nos valeurs pour bâtir une société solide, juste et stable »confie-t-il.
Pape Coly NGOME