Certains lutteurs ont marqué l’histoire par leurs exploits sportifs, avant de se reconvertir après leur retraite. La rubrique « Que sont-ils devenus ? » raconte leur vie d’après-carrière. Aujourd’hui : Abdoulaye Wade, couramment appelé Ablaye Wade.
Ablaye Wade est un nom qui prête souvent à confusion. Homonyme de l’ancien Président de la République, il a pourtant tracé un destin bien différent : celui d’un lutteur passionné. Né à Réomao, il a grandi avec une admiration sans bornes pour Zale Lô, le champion de Fass et parent originaire de la même localité. Déjà maçon à Guédiawaye, il partage son temps entre le chantier et les rêves de grand champion de lutte sénégalaise. Son premier grand test se déroule lors d’un tournoi de quartier à l’Arrêt Dial Mbaye. Face à Omar Fall « Moumeu », star locale très confiante, il crée la surprise. « J’ai pu le soulever très haut avant de l’écraser au sol », se souvient-il. Cette victoire fondatrice lui ouvre les portes de l’école de lutte Mor Fadam. Dans la foulée, il prend aussi le dessus sur le teigneux athlète Thier de Marché Boubess. Le 5 mars 2006, il effectue ses débuts en lutte avec frappe, en lever de rideau du combat Tyson Jr – Gris Bordeaux. Il bat Mame Ngoné Gadiaga et se persuade qu’il peut réussir dans ce sport. Malgré un talent jugé « non géant », sa carrure impressionnante lui permet d’accumuler les succès : Ndongo Daara, Thionk-Essyl de Rock Énergie, Nar Sogas de Pikine, Mitrailleuse de Rock Énergie, Ndiol Ngor. Mais la lutte reste exigeante : Forza de Fass, Keur Diène du Sine Saloum et Assurance lui infligent de durs revers. En treize combats, il affiche dix victoires pour trois défaites, un bilan honorable. En 2013, sa carrière prend un virage inattendu. Sélectionné pour un tournoi international, il découvre l’Espagne.
Après plusieurs allers-retours, il décide de s’y installer. Il commence comme marchand ambulant à Bilbao, chassé régulièrement par la police. « Un policier m’a demandé si j’avais un métier. Je lui ai dit que j’étais lutteur au Sénégal », raconte-t-il. Intrigué par sa carrure, un autre agent lui propose de rejoindre ses séances d’entraînement. Peu à peu, il l’oriente vers le métier de garde rapprochée. Aujourd’hui, Ablaye Wade travaille dans la sécurité privée : discothèques, concerts, escortes de personnalités. « Ce n’est pas facile. J’ai subi du racisme, des menaces. Un collègue espagnol de la même entreprise a même été poignardé », confie-t-il. À ces dangers, s’ajoutent les difficultés du quotidien européen : loyers exorbitants, coût de la vie, isolement. Mais il garde un lien fort avec le Sénégal, où il a acheté un terrain et lancé une construction. De Réomao à Bilbao, du sable à la nuit, Ablaye Wade a connu un parcours marqué par la passion, la sueur et les épreuves. S’il n’a pas eu la carrière éclatante de son idole Zale Lô, il a su transformer son énergie de lutteur en une force de survie à l’étranger. Une reconversion à la fois rude et inspirante.
Par Abdoulaye DEMBÉLÉ