On l’attendait et il est là. Toujours à l’heure. Même si d’aucuns auraient souhaité son report. Ou son annulation. Le mois de Ramadan est celui du don, du partage et de la générosité. C’est une occasion pour certains de manifester leur compassion envers les moins nantis, dans un esprit de solidarité et de fraternité. Mais en profitons-nous réellement pour multiplier les bonnes actions et soutenir ceux qui sont dans le besoin ?
Aujourd’hui, l’éternelle ritournelle que l’on ressasse à longueur de journée et d’année est que la conjoncture est intense, que l’argent ne circule plus. Mais le véritable problème est qu’il y a, dans ce pays, une crise de générosité. Les temps ont changé et n’ont pas épargné les gens. Autrefois, il était fréquent d’entendre dire qu’un tel avait le cœur sur la main, savait donner sans compter… On se faisait régulièrement inviter par des parents, amis et proches ; on nous prêtait de l’argent et oubliait même de nous le réclamer. Dans les maisons qui n’étaient pas des appartements et poulaillers comme aujourd’hui, on cuisinait à foison et réservait même un plat aux éventuels visiteurs et pique-assiettes.
On se payait même le luxe de partir en vacances des mois et revenir replet, avec une nouvelle garde-robe. De l’argent, on en ramassait également ; ce qui est impensable de nos jours. Dans un monde de plus en plus individualiste, les gens, occupés par leur course au bonheur et à la belle vie, sont devenus pingres et ignorent le sens des verbes « donner », « partager », tout comme le plaisir d’offrir. Ils dorment le ventre plein alors que leurs voisins n’ont rien dans la panse. Ils vous offrent un œuf et crient sur tous les toits qu’ils vous ont donné un bœuf et préfèrent payer un bœuf à vos funérailles que de vous acheter une tablette de paracétamol de votre vivant.
Chacun est libre d’être cupide, pingre, mais on ne perd rien à être généreux. Car, comme le disent les psychologues, la générosité est un comportement prosocial qui favorise le bien-être de l’autre. Et Allah, le Tout-Puissant, attend de nous que nous soyons généreux comme Lui-même l’est avec nous. Car, Il est Al Karim (le Généreux) ; Celui qui donne sans compter à Ses serviteurs. L’argent est aujourd’hui devenu indispensable au point qu’il est difficile de s’en séparer. Il est, pour beaucoup, le prisme de leur existence, leur unique motivation. Beaucoup prennent plaisir à en accumuler, à l’idolâtrer sans en dépenser en faveur de leurs proches ou des pauvres qui en sont dépourvus ; et s’il leur arrive d’en dépenser, c’est à contrecœur.
« La cupidité est le désir d’un gain honteux et le cupide est du genre à ne pas faire servir de pain en suffisance quand il invite à un repas. Il demande un emprunt à un hôte qui loge chez lui. Quand il distribue des portions, il affirme qu’il est juste d’en donner le double au distributeur… et se l’adjuge immédiatement à lui-même », disait si bien le philosophe grec Théophraste. Le Père Grandet, personnage principal d’Eugénie Grandet, le roman de l’argent et de l’avarice d’Honoré Balzac, ne le contredira pas.
Y a-t-il plus de bonheur à donner qu’à recevoir ? Le cupide répondra sans sourciller par la négative. Mais il ne faut pas oublier que rien de ce que nous amassons ne nous appartient. Parce qu’on nous a toujours ressassé que « Dieu pourvoit à nos besoins et s’attend à ce que nous partagions en retour nos biens avec notre prochain ». Pourquoi donc être cupide au lieu d’être généreux avec ce qu’on nous donne si gracieusement ?
Ayons une âme généreuse et des mains donatrices. Car la générosité est une vertu qui nourrit l’âme. Et il n’y a rien de mieux que de donner, de remplir aussi nos cœurs d’altruisme et de bienveillance. Il y a mille et une raisons de donner et ce que nous ignorons, c’est que certaines actions, même les plus petites, peuvent parfois changer la vie de celui qui reçoit, mais aussi de celui qui donne.
C’est cette générosité qui doit imprégner toutes les sphères de nos vies, nos relations et nous pousser à aider, à tout instant, à avoir le sens du partage, pour créer un monde plus juste et solidaire. sambaoumar.fall@lesoleil.sn