Le mariage et ses vicissitudes, ses joies et ses peines. L’annonce de l’arrivée d’une coépouse par le mari à sa première femme éveille ce sentiment. Les hommes qui franchissent le pas usent de tous les stratagèmes pour donner corps à ce projet après, quelques fois, une annonce bien hésitante. Les plus téméraires y vont avec moins de délicatesse.
Abdoulaye Diouf, polygame depuis quelques mois, a longtemps hésité avant d’annoncer à sa femme qu’il allait prendre une seconde épouse. Le commerçant y a beaucoup réfléchi, retournant la question dans tous les sens. Deux jours avant le mariage, il prend son courage à deux mains. Un soir, dans l’intimité de leur chambre, il décide de se lancer. Pensif, un peu confus, le père de cinq enfants cherche les mots justes pour ne pas heurter la mère de ses enfants. Il faut dire qu’il n’existe pas de mode d’emploi pour ce genre d’annonce.
« Elle a remarqué mon air préoccupé, ma gêne… C’est naturellement qu’elle m’a demandé de lui parler de ce qui me tracassait », confie-t-il. Il commence alors par la rassurer, renouvelant son amour, tentant de préparer le terrain. Puis, dans un souffle : « Je vais prendre une deuxième femme. » La messe était dite. Impossible de revenir en arrière.
Sa femme est abasourdie. L’inquiétude fait place à une profonde tristesse. Le commerçant se sent de trop dans la pièce, impuissant. « Elle pleurait à chaudes larmes. J’ai essayé de la réconforter, de la rassurer du mieux que je pouvais », se souvient-il. Avec le temps, son épouse finit par accepter. Mais Abdoulaye Diouf ne risque pas d’oublier ce moment.
« Ma femme m’a traité de tous les noms d’oiseaux », raconte Gora Khouma, le regard sombre. Le trentenaire avait pourtant voulu faire les choses dans les règles, annonçant la nouvelle deux semaines avant la cérémonie. Mais cette transparence n’a pas évité les secousses. Sa femme, inconsolable, le vit comme une trahison. « C’était très dur. Elle en a parlé à tout le monde. J’ai eu l’impression d’être cloué au pilori », dit-il, visiblement encore touché. Gora Khouma a dû tout faire pour essayer de réparer le lien brisé.
D’autres, comme Samba Niang ou Mouhamed Cissé, traversent cette étape avec plus de sérénité. « Je lui en ai parlé un an avant le mariage. Elle a bien accepté », raconte Mouhamed. Sa femme, issue d’une famille polygame, était déjà préparée à cette éventualité. « Elle a même discuté avec sa coépouse et a accepté d’être sa marraine, pour lui montrer son soutien », ajoute-t-il. Samba Niang, lui, affirme n’avoir jamais eu de difficultés à annoncer ses unions. Marié à trois femmes, il dit avoir toujours pris ses responsabilités.
Comme une trahison
L’annonce d’une coépouse est souvent perçue par les femmes comme un choc, une blessure profonde. Ce moment redouté peut briser l’équilibre du couple, laisser un goût amer d’injustice ou de trahison. Ndeye Marième Thiam, femme au foyer, mariée depuis 2009, se souvient encore de ce jour où sa vie a basculé. Son mari ne lui avait rien dit. Ce sont les oncles de ce dernier qui sont venus chez elle, multipliant les éloges pour mieux faire passer la nouvelle. « C’est comme si le ciel s’était dérobé sous mes pieds », raconte-t-elle. Elle ressent une profonde trahison : « J’ai tout donné à cet homme, je ne travaillais pas, je m’occupais de la maison et de sa famille. » Le choc est violent. Elle pense retourner chez ses parents, mais après une longue discussion avec sa mère, elle finit par accepter la situation avec philosophie.
Coura Gueye, elle, a fait un autre choix. Elle a tout quitté. « C’était insupportable. J’ai tout plaqué pour me reconstruire ailleurs avec mon enfant », confie-t-elle. Son mari travaillait à Sabadola. Elle croyait vivre une relation solide, respectueuse. « Je faisais tout pour lui. Il était pieux, discret… Je n’aurais jamais soupçonné cela de sa part », dit-elle peinée. Un jour, elle découvre par hasard son remariage. En fouillant son téléphone, elle comprend qu’il avait une maîtresse depuis longtemps. Dévastée, elle quitte tout pour panser ses plaies.
Arame NDIAYE