Anta est une étudiante qui a fini par se lancer dans la vente de drogue pour subvenir aux besoins de sa famille. C’était, pour elle, une façon d’améliorer sa condition de vie précaire. Elle n’a pas eu la chance, comme d’autres jeunes issus de milieux défavorisés, d’obtenir un financement lui permettant de poursuivre des études supérieures. Elle n’avait pas non plus réussi à boucler un cursus universitaire. Dire qu’elle s’est tant battue pour décrocher le baccalauréat. Elle pensait ainsi s’ouvrir à de nouvelles perspectives. Ce jour-là, elle avait réussi à dessiner un tendre sourire sur le visage de ses parents. Ils avaient éprouvé un bonheur à l’état pur.
Anta avait adouci le regard de sa mère, une dame dont la belle noirceur d’ébène ne scintillait plus. La vie lui avait infligé tant de coups, mais elle gardait le sourire, malgré ses difficultés à tirer sa famille de la précarité. Anta n’était pas la première au palmarès, mais elle était heureuse d’offrir ce parchemin à sa famille, qui a, du reste, vécu, ce jour-là, des moments magiques. Tous espéraient que l’horizon allait se dégager. Mais passée l’euphorie, il fallait faire face à une réalité pas du tout tendre. Comme d’autres jeunes, elle a buté sur un manque de débouchés. Le nuage ne s’est pas dégagé après le bac, bien au contraire, la désillusion a été au rendez-vous. Elle finit par se faire à l’idée que le système éducatif n’est pas toujours synonyme d’ascenseur social.
Pire, elle s’est aussi retrouvée, après un mariage raté, avec la charge de deux enfants. Son sort reflète celui des mères célibataires, évoluant souvent dans des milieux défavorisés. Elles n’ont pas été à l’abri des répercussions sociales et psychologiques. Quand certaines cultivent la résilience morale, s’investissent dans l’entrepreneuriat et se reconstruisent une vie stable, d’autres, guidées par la frustration et le désespoir, optent pour d’autres raccourcis. Elles digèrent mal que les sacrifices consentis par la famille pour financer leurs études ou les tirer de l’ornière soient vains. La logique de survie finit par les conduire vers la pente glissante de la prostitution ou de la vente de la drogue.
Elles sont nombreuses à arpenter des chemins hasardeux d’un monde impitoyable. C’était leur seule issue dans un monde plus porté sur le paraître, le bling-bling, un monde où la solidarité sonne de plus en plus creux. Un monde où ceux qui ont la malchance de se retrouver au bas de l’échelle sont contraints de se démener pour rompre avec la marginalisation sociale. Elles sont nombreuses, ces femmes en situation de vulnérabilité, à tomber dans les filets des dealers. Une confidence d’un policier exerçant à la brigade des stupéfiants, reprise sur la toile, est révélatrice de leur situation. « Dans les cités, les dealers repèrent celles qui ont besoin d’argent – principalement des mères célibataires – et, contre de petites sommes, planquent leurs drogues chez elles », confie-t-il dans une interview disponible sur le net. Des études ont montré, dans ce sillage, que de jeunes filles issues de milieux défavorisés ou de familles à faibles revenus glissent, elles aussi, sur ce terrain rocailleux. Elles n’éveillent pas toujours de soupçons, mais le commerce de la drogue, qu’il soit à petite ou à grande échelle, constitue, pour elles, une source de revenus rapide. Il leur permet, parfois, de subvenir aux besoins de leur famille et de soutenir la scolarisation de leurs frères et sœurs.
Elles sont conscientes du caractère illégal du trafic, mais, pour tirer leur épingle du jeu, elles ont pensé que c’était une bonne alternative face au manque de perspectives d’emploi formel. C’était aussi, pour elles, la meilleure façon de se construire une autonomie financière. D’autres avancent comme argument leur impossibilité de trouver des stages ou des formations pratiques. Elles brillent au sein de leur entourage en prenant un choix risqué, lequel leur coûte toujours cher… matel.bocoum@lesoleil.sn